Alcool et business : 5 deals de comptoir inoubliables
28 sept. 2021
5min
Journaliste
Boire – avec excès – c’est mal. Mais parfois, au détour d’une coupette, on ose parler à un inconnu, on se donne du courage pour enfin faire ce projet de dingue, et il arrive aussi qu’on oublie tout. Cinq entrepreneurs, artistes et influenceurs nous racontent leur histoire, en toute sobriété. Tchin.
Vous souvenez-vous des « Recettes pompettes » de Monsieur Poulpe sur YouTube ? Le principe était simple : boire – beaucoup – d’alcool tout en cuisinant. Résultats des courses, tout le monde finissait cuit : l’invité, le présentateur et le spectateur (le poulpe restait sauf). À tel point que le CSA est intervenu, contraignant le présentateur à retirer ses vidéos. Comme Monsieur Poulpe, certains entrepreneurs, artistes ou influenceurs ont joué du lever de coude pour clore un deal, avancer dans leur carrière ou même parfois décrocher une embauche. Doit-on pour autant suivre leur exemple ? Non, car contrairement aux ambitions professionnelles, l’alcool doit être consommé avec modération. Peut-on en revanche se délecter de ces exemples de vie inopinés ? Oui, à la vôtre !
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Yoann Lopez, émoji fusée 🚀
Yoann Lopez est un garçon sérieux. Originaire de Marseille, il a fait des études sérieuses (dans la finance), avant de travailler pour des boîtes sérieuses (mais un peu chiantes). Alors, en pleine « errance professionnelle », il décide de se payer des vacances dans une colo un peu particulière : la formation « Lion » de The Family, l’incubateur de « startups ambitieuses », selon elles-mêmes. À la fin de ces deux mois d’été intensifs, c’est l’heure de marquer le coup. Une kermesse est organisée, la grande « Caremesse », la grand-messe du « care ». « À l’époque ce nom était bien. » Probablement. À une heure du mat’, passablement bourré, Yoann sort s’aérer. « C’était en 2016. J’étais dans ma période émojis. J’avais un compte Insta où je mettais des smileys sur des œuvres d’art », se remémore l’homme de 34 ans. « Et là, je vois ce mec. » Entre les deux acolytes enivrés, c’est le match amical immédiat. « On créera notre galerie d’emojis ensemble dans le Marais, tu verras. » Et l’histoire aurait pu s’arrêter là, le souvenir de la rencontre dilué dans le nuage des effluves de l’alcool. Quelque temps plus tard, Yoann est contacté sur Linkedin : « J’ai vu que t’avais fait Lion, émoji fusée ». Le picto fait décoller le cœur du jeune homme qui accepte de rencontrer ce recruteur tombé de l’espace. « Il m’invite à boire un verre rue Saint-Honoré. Cinq minutes après, on comprend. On s’était déjà rencontré à la fameuse Caremesse. » Ni une ni deux, émoji l’embauche. Leur histoire professionnelle durera quatre ans, avant que Yoann ne prenne son envol seul, pour créer Snowball, une newsletter payante sur la finance ponctuée d’émojis flocons.
Bruno Hodebert et ses petites contrariétés
« Dans le cinéma, globalement, les discussions se font autour d’une table. » Comprenez, d’un verre. Bruno Hodebert en sait quelque chose. Producteur de ciné pendant 13 ans, il a bien mené sa barque. Prenez Barnie et ses petites contrariétés, ce film de Bruno Chiche sorti en 2001 où Fabrice Luchini tente de s’en sortir entre sa femme, sa maîtresse et son amant. Tout comme le personnage du scénario, dont la vie gondole, ballotté entre ses engagements amoureux et Venise, le film avait bien du mal à se concrétiser. « On était quatre autour de la table. Chacun amenait un truc, et moi je devais gérer tout ce bordel, » synthétise le producteur. Ni une ni deux, dans ce restaurant de Levallois-Perret, en 1995, alors que Balkany y est encore maire, Bruno prend les choses en main et surtout un stylo. Tandis que les convives sont passablement bourrés, lui compris, il griffonne le plan d’action entre deux ballons de rouge avant de résumer : « Bon, voilà, on le fait ce film ? ». Et le réalisateur d’acquiescer… C’est ce qui s’appelle jouer cartes sur table.
Julien Gaulet, up all night to get lucky
Julien Gaulet a une belle gueule. Pourtant, à son grand dam, c’est souvent de son derrière dont on se souvient, lui qui s’est fait connaître en cuisinant nu sous son tablier à domicile. Depuis, le chef a fait du chemin – habillé cette fois-ci – et c’est peut-être en partie dû à l’audace qu’un verre de trop lui a conféré, cette soirée-là. « C’était il y a 4 ans, peut-être plus. » Les souvenirs sont flous, comme la soirée de ce club branché du IXe arrondissement de la capitale. Tenue correcte exigée, moquette cossue, moulures au plafond : on y vient pour s’oublier sous le joug consentant de cocktails décadents. La soirée est bien entamée, tout comme le verre de Bourbon du chef. « J’étais un peu pompette, je l’avoue. » Alors qu’il tire une taffe au fumoir, Julien tique sur un visage. « Je suis passé à côté du mec. C’était l’un des Daft Punk. En partant, je lui glisse à l’oreille : “J’adore ce que vous faites”. Il me répond : “Moi aussi, j’adore ce que vous faites”. » Julien part d’un éclat de rire et lui demande s’il sait ce qu’il fait. « Non. » « Je cuisine à poil chez les gens », l’informe le cuisinier. Coïncidence ou pas, dès le lendemain, le téléphone de Julien sonne sans discontinuer. « Je ne sais pas si c’est vraiment dû à cette rencontre, mais ça a donné une impulsion, c’est sûr. » Depuis, en hommage à sa rencontre pompette, Julien concocte des mélanges colorés sur TikTok où ses 400k followers likent copieusement ses recettes de cocktails. Sa dernière vidéo – un glaçon qui fond en accéléré – a été visionnée 54 millions de fois. Ça valait le coup de “rester debout toute la nuit pour être chanceux”.
Nach, la part des anges
« C’était il y a quinze jours. » Artiste parisienne, Nach vit dans le 94, au calme. Elle revient d’Arcachon où elle a enregistré son dernier album avec son équipe. Pour la première fois, en plus de son métier de chanteuse, elle endosse aussi, à 34 ans, la responsabilité de la réalisation de son album. Ce qui veut dire qu’elle dirige les musiciens, compose les arrangements, bref, elle gère l’enregistrement en mode girlboss. Elle a un peu la pression. Il faut dire que son père, Louis Chedid, et son frère, -M-, ont déjà largement prouvé leur talent. Sauf que voilà, à force de gérer son planning au cordeau, de redresser une note par-ci, un accord par-là, elle et son équipe ont besoin de se détendre. Alors, le dernier soir, tout le monde se lâche. On débouche les bières et on boit des coups. « Là on se retrouve à enregistrer. J’ai l’impression qu’on fait nimp’. Comme on est bourré, on se dit à la fois que c’est meilleur, et en même temps que c’est nul. » Le lendemain, Nach se réveille, passablement déshydratée. Aussitôt, elle repense à l’enregistrement et regrette. « Mon dieu, » se dit-elle, anxieuse d’avoir gâché de cette manière une chanson de l’album. Fiévreuse, elle appuie sur play. Et là, miracle. « C’était magique. Un moment vraiment hyper particulier qui donne un supplément d’âme à cet album. » Satisfaite, elle conserve l’enregistrement, ce sera sa dernière chanson. « En plus, je bois pas trop. » Comme quoi, consommé avec modération, la part des anges peut faire place à un moment de grâce.
Alice Sarfati, conquérir le monde
Alice Sarfati est comédienne depuis plus de 15 ans. Monter sur scène : pas peur. Affronter le public : pas peur. Envoyer un dossier pour gagner un concours : grosse cata, las bolas, plus personne, petite souris dans son trou. Celle qui est aussi metteuse en scène a besoin d’un bon gros coup de courage. Ne l’écoutant pas du tout – son courage –, elle se carapate en Corse avec ses copines pour les vacances d’été. Hop le coucher de soleil, hop le petit blanc, hop la cuitasse bananas. Et là, aidée par sa soudaine désinhibition, elle le trouve, le courage : le concours du jeune metteur en scène du théâtre 13, c’est décidé, elle va le faire. En moins d’une semaine, elle remplit l’énorme dossier et l’envoie. Le couperet tombe ; elle gagne le prix des jeunes metteur·se·s en scène 2021 ! Baran, sa pièce, va se jouer du 26 octobre au 5 novembre au Théâtre 13 avec, entre autres, l’humoriste Laura Domenge dans le casting. L’aventure l’a galvanisée : « Après le théâtre 13, peut-être Avignon en juillet prochain, peut-être Hollywood en 2026 ». Et demain, le monde ?
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Photo par Thomas Decamps
Article édité par Ariane Picoche
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