Se comparer : un réflexe humain néfaste à notre vie professionnelle
10 déc. 2017
4min
Psychologue du travail et psychologue clinicienne
C’est bien souvent un réflexe que nous avons parfois malgré nous : nous nous comparons aux autres et ce dans tous les domaines de notre vie. Que nous comparions nos performances au travail ou nos relations amoureuses, à quoi cela nous sert-il et comment arrêter si cela est source de mal-être pour nous ? Voici quelques clefs pour vous aider à éviter les comparaisons néfastes pour votre moral dans votre vie professionnelle.
Pourquoi nous comparons nous ?
L’Homme est un être éminemment social. D’ailleurs, Henri Wallon célèbre psychologue de l’enfant écrit que : « L’individu est essentiellement social. Il l’est non par suite de contingences extérieures mais par suite d’une nécessité intime. Il l’est génétiquement. » Ainsi, la comparaison sociale serait un processus vital et inné dans notre fonctionnement et interviendrait dans tous les champs de notre vie. Nous nous y engageons de manière quasi automatique et nous l’employons dans des buts divers.
Dans notre vie professionnelle nous avons tendance à l’utiliser afin de :
- nous rassurer sur nos performances et nos compétences ;
- nous rassurer sur notre rôle dans notre entreprise ou notre équipe ;
- gonfler notre estime de nous même ;
- renforcer notre identité professionnelle.
La comparaison sociale : bénéfices et limites
Différentes expériences menées en psychologie sociale ont démontré que la simple présence d’un autre qu’il soit passif ou actif (Triplett ; Meumann)a des effets différents en fonction de la situation dans laquelle le sujet était plongé. Ainsi, ces expériences nous ont appris que :
Lorsque nous sommes mis dans une pièce avec un autre individu et lors d’une situation connue et maîtrisée : cela augmenterait notre motivation et donc nos performances. Et ce, tant sur les performances motrices des individus, qu’intellectuelles. La comparaison des individus les uns par rapport aux autres dans cette situation est ainsi nommée facilitation sociale (Triplett).
Mais, a contrario, lorsque nous sommes face à une tâche que nous ne maîtrisons pas et que nous devons passer par un processus d’apprentissage, la présence d’un autre a un effet souvent négatif sur nos performances. Pourquoi ? Parce que la présence de l’autre nous pousserait à donner une réponse rapide qui a souvent toutes les chances d’être fausse, faute de réflexion.
Malheureusement, nous avons naturellement tendance à nous comparer à ce que nous percevons comme « mieux » que nous et non « moins bien ». La comparaison devient alors un vrai fléau pour l’estime et l’image de soi surtout chez les individus ayant une estime d’eux-mêmes fragile. Se comparer à nos collègues que nous estimons « mieux » que nous devient alors un réflexe néfaste et alimente des pensées négatives sur nos compétences, nos capacités et nos qualités.
Comment arrêter de se comparer aux autres ?
Comme nous l’avons vu, se comparer aux autres est un reflexe humain et nous n’allons pas ici vous indiquer de vivre en ermite pour arrêter de vous comparer. Voici cependant quelques conseils pour essayer de moins se comparer mais surtout avec plus de bienveillance :
Noter quand nous le faisons
Nous nous comparons souvent sans même nous en rendre compte et bien souvent cela ne nous apporte pas grand chose (sentiment négatif sur soi, agressivité, colère, envie, voire jalousie). La première étape est donc une étape d’observation de soi :
- Quand nous comparons-nous ?
- Dans quel contexte nous le faisons ?
- Pourquoi nous le faisons ? Quel est notre but à travers cela ?
Souvent, nous nous comparons aux autres lorsque cela touche à quelque chose que nous souhaitons pour nous ou à un objectif personnel. Il est donc important de passer par cette étape d’analyse afin de mieux se connaître pour comprendre à quelles fins nous nous comparons.
Introduire plus de relativité
La comparaison aux autres a quelque chose d’irrationnel. Bien souvent, nous comparons ce qui n’est pas comparable. Effectivement, il est important de rappeler que chacun est unique avec : son tempérament, sa personnalité, son histoire personnelle et qu’il est donc de ce fait irréaliste de vouloir comparer nos performances personnelles qui sont influencées par ce que nous sommes à celle d’autrui.
Il est donc toujours bon de reformuler lorsque nous nous comparons. Par exemple : lorsque nous comparons notre parcours professionnel à celui d’un collègue que nous envions pour sa position, il serait bon de se rappeler que nous n’avons parfois pas toutes les informations pour juger d’une situation. Pour comparer il est important de prendre en compte la situation globale car comparer notre situation (que nous connaissons parfaitement) et la situation d’autrui (que nous ne connaissons qu’à travers du quant dira-t-on ou à travers son discours sur une partie de sa carrière) est irréaliste voire néfaste.
Arrêter, débrancher, respirer
Notre époque moderne ne nous facilite pas la tâche en terme de comparaison sociale. Avec les nouvelles technologies et les réseaux sociaux, notamment professionnels, nous sommes constamment en lien de façon virtuelle aux autres (collègues, entreprises, recruteurs potentiels) et bien trop souvent de façon inauthentique. Ces réseaux sociaux peuvent en effet être une grande cause de dépréciation de l’estime de soi car ils nous renvoient une image tronquée et donc faussée des autres. Il est toujours bon de rappeler que sur ces plateformes de communication chacun présente de lui le meilleur, voire l’inauthentique (parcours professionnel un peu « gonflé », large réseau professionnel mais peu de véritables relations…).
Débrancher est donc un impératif pour qui a une estime de lui-même fragile et surtout relativiser ce qu’on peut y lire !
S’exercer à plus d’humilité et de bienveillance envers soi-même
Placer la barre toujours trop haut est un facteur d’échec car à force de ne pas atteindre notre idéal nous nous décourageons. Il est important de se fixer des objectifs réalistes et réalisables et de se féliciter lorsque nous y parvenons. Par exemple, atteindre tel poste en cinq ans peut être un objectif que nous pouvons nous fixer mais est-il réaliste et réalisable ? Peut être est-il davantage réalisable au bout de dix ans et que nous passerons par un titre ou un poste intermédiaire. Il faut pouvoir alors se retourner sur le chemin parcouru et se rendre compte de nos petits succès qui feront notre victoire à terme.
Ce sont les gens que nous rencontrons dans notre vie professionnelle comme personnelle qui nous inspirent et nous poussent vers d’autres buts. Cet article a pour but de vous aider à continuer d’être inspiré mais d’arrêter de vous déprécier ou d’envier. Il serait bon de nous interroger sur l’objectif que nous cherchons à atteindre et ce quel qu’il soit. Arrêtez-vous une minute et posez-vous la question : une fois cet objectif atteint, serais-je réellement plus heureux ?
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