Augmenter ses salariés, un jeu d’enfants ? Pas vraiment
22 sept. 2021
6min
Rédactrice indépendante.
L’augmentation des salaires est un enjeu de taille pour les entreprises, aussi bien en matière d’attraction que de rétention des talents. Oui mais, est-ce si facile de revoir à la hausse la rémunération de ses équipes, actuelles et à venir ? Faut-il respecter un principe d’équité ? Miser sur la transparence ? Quel cadre et quelles méthodes adopter ? Analyse et conseils.
À l’heure où l’on parle d’entreprises à mission, la quête de sens ne saurait à elle-seule retenir les meilleurs talents sur la longueur. Car non, chers employeurs, impossible de faire l’économie d’une politique salariale attractive. D’ailleurs, prenons directement nos lunettes de comptable : 47% des Français citent la rémunération comme le pilier numéro un de leur motivation. Or, deux tiers des cadres envisagent de démissionner avec, comme deuxième cause énoncée, la rémunération ! Mais augmenter ses salariés n’est pas forcément si évident. Il ne suffit pas de casser la tirelire ! En jeu ? La transparence de la politique de rémunération, l’équité mais aussi le processus en lui-même, à la fois chronophage et fastidieux, tant pour les RH et les managers. Alors, comment créer une politique de révision salariale efficace et engageante ?
Salaires et augmentations : des chiffres révélateurs d’une grogne salariale
Selon l’étude réalisée par Cadremploi en 2018, les cadres ne semblent pas satisfait·e·s de leur évolution de salaire :
- 51% sont insatisfait·e·s de leur rémunération.
- 60% jugent que leur salaire n’est pas à la hauteur de leur investissement.
- 6 cadres sur 10 ont fait ou feront une demande d’augmentation mais seuls 14% des cadres pensent obtenir l’augmentation demandée.
Les personnes interrogées soulignent une véritable frustration au sujet de la rémunération : 1 cadre sur 10 estime être payé·e à sa juste valeur. La crise sanitaire n’a rien arrangé : près de 45% des salarié·e·s n’ont pas connu d’évolution de leur rémunération de base en 2021 et 30% ont vu leur salaire augmenter de moins de 2%. Comment garantir un système d’augmentation moins délétère pour l’engagement ? Quel cadre motivant imaginer ? Quelles sont les innovations en termes d’augmentation à envisager ?
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Politique de rémunération : un cadre nécessaire pour gérer les augmentations
La politique de rémunération est un point de départ toujours utile pour organiser ses augmentations de manière équitable. Elle a vocation à définir des règles justes de fixation de l’ensemble des éléments de la rémunération globale (salaire, avantages, bonus…). Ainsi, elle doit reposer sur des critères d’augmentation transparents et partagés qui sont généralement :
- La performance. Il existe d’ailleurs des moyens autres que l’augmentation de salaire pour récompenser une performance exceptionnelle (bonus, incentive, etc.).
- Les enquêtes du marché permettent de connaître les grandes tendances et de payer chaque collaborateur·rice à un prix juste.
- L’équité : à mission et responsabilité égales, salaire égal afin que les entreprises assurent de la cohérence salariale. Il s’agit d’éviter les disparités trop importantes sources de tensions sociales et de désengagement.
Le fonctionnement ? Annuellement, les NAO (négociations annuelles obligatoires) déterminent le montant global de l’enveloppe d’augmentation et les grandes lignes de son application. Puis, tout au long de la campagne de révision salariale, les RH sont garants du respect des conditions préalablement établies dans le cadre de la politique de rémunération. Entre autres, ils communiquent les enveloppes budgétaires aux managers et le cadre d’application. Puis, chaque manager soumet une proposition d’augmentation pour ses équipes. Les propositions sont ensuite soumises à plusieurs validations hiérarchiques. Ce cadre est indispensable pour limiter les risques de dérives, les insatisfactions ou encore les erreurs.
Choisir son augmentation : la nouvelle vague défendue par les entreprises libérées
La politique salariale régie par des critères et initiée par les RH reste une vision top-down que l’on retrouve encore souvent dans les grands groupes. À l’inverse, dans les entreprises dites libérées, les propositions de salaires peuvent très bien émaner des collaborateur·rice·s avec des règles de validation particulières (vote, validation avec le CODIR…). Des techniques très en vogue dans les start-ups et inspirées du livre de Frédéric Laloux, Reinventing Organizations.
Leur ligne directrice ? Casser les codes des politiques salariales trop rigides en proposant aux salarié·e·s de s’auto-évaluer et de défendre leur propre augmentation. Cette approche est proposée au sein de MoonSpark où la transparence des salaires est de mise. En s’appuyant sur les feedbacks de pairs, chaque consultant·e défend sa valeur ajoutée et estime le salaire qui lui semble le plus juste. « Ces estimations sont consolidées par une commission consultative élue sans candidat parmi l’ensemble des acteurs du cabinet. Son rôle est de veiller à l’équité globale des salaires et de garantir le respect des enveloppes allouées à l’augmentation de la masse salariale », explique Lucie Boquet, CEO de MoonSpark dans une tribune LinkedIn. « Cette liberté offerte n’est en rien inflationniste. La responsabilisation de chacun permet en effet de réguler le système ». Chez Lucca, les salarié·e·s ont également la possibilité, au bout de trois ans d’ancienneté, de fixer leur salaire eux / elles-mêmes. Ils / elles doivent argumenter le montant choisi lors d’un « grand oral ».
Organiser des révisions salariales démocratiques : place aux « peer reviews »
Afin de mieux récompenser les personnes performantes, KaraFun Group s’est lancé dans un système d’attribution bi-annuelle et démocratique ! Au sein de « peer review », un jury composé de salarié·e·s est invité à voter pour octroyer ou non les augmentations de salaires. Le processus est anonyme et les collaborateur·rices évaluent entre 3 et 5 personnes, en fonction du degré d’interactions qu’ils / elles ont avec elles. À la fin, chaque salarié·e est évalué·e par 4 personnes. « La sélection du jury est un mélange de proximité et de hasard : il est probable qu’un collègue proche soit votre évaluateur, mais ça n’est jamais garanti », explique Jean-Baptiste Defossez, Executive Chairman de Karafun, dans un article. Mais comment évaluer chaque collaborateur·rice avec justesse ? La revue s’organise autour de plusieurs axes : évaluation des compétences techniques, de l’esprit d’équipe et de sa contribution à l’entreprise (culture…). Puis, il est demandé d’estimer dans quelle mesure son remplacement pourrait être compliqué selon une échelle interne. Enfin, au regard de ces éléments, le jury communique son estimation de la rémunération, la plus juste possible, pour ce collaborateur·rice.
Fixer des salaires hauts dès l’embauche : effet de rebond garanti en interne
Pour attirer les meilleurs profils, parfois pénuriques dans les secteurs tendus tels que la tech, certaines entreprises doivent sans cesse revoir à la hausse leurs salaires. Afin d’accélérer le processus d’augmentation sans passer par des cercles de validation chronophages, la pression sur les salaires se fait à l’entrée. En effet, les nouveaux entrants se voient proposer des salaires très attractifs, au-dessus du marché. Par conséquent, la rémunération du reste des équipes est nivelée par le haut grâce à un système de rattrapage. C’est une manière subtile de booster la motivation et de revaloriser constamment la performance : deux facteurs clés pour retenir les talents. Cette approche est particulièrement propice aux entreprises qui souffrent d’une pénurie de talents et témoignent d’une exigence accrue des profils.
Elle est notamment prônée par Netflix dans leur culture book : « Pour attirer et garder nos précieux collaborateurs, nous appliquons les standards les plus élevés en matière de rémunération. Nous nous alignons sur le marché tous les ans. […] Si la valeur de marché de certains employés peut augmenter rapidement (en raison de leurs performances et de la rareté de l’offre dans leur spécialité), d’autres peuvent faire face à une stagnation de leur marché malgré l’excellent travail accompli. Chez Netflix, nous nous efforçons de donner à tous nos employés des salaires au-dessus de leur marché ».
S’appuyer sur des packages diversifiés pour booster le pouvoir d’achat
Lorsque l’on parle de rémunération, il ne faut pas se limiter au salaire de base ou encore à la grille de salaires ! En effet, pour valoriser la performance d’un salarié·e, des packages composés de divers éléments peuvent aussi leur être proposés. Par exemple, il est possible d’inclure une part de variable. Pour cela, deux systèmes sont possibles : soit les commissions, comme par exemple un pourcentage de chiffre d’affaires perçu sur chaque vente pour un commercial, soit les primes, généralement indexées sur des objectifs généraux qualitatifs et quantitatifs. La rémunération concerne aussi la redistribution collective des bénéfices avec les systèmes d’intéressement et de participation. À noter que pour les entreprises de plus de 50 salarié·e·s, la participation est un dispositif obligatoire et doit faire l’objet de négociations. Autre levier intéressant selon une enquête menée par Glassdoor : plus de 75% des salarié·e·s préféreraient bénéficier de meilleures contreparties que d’une augmentation salariale. Ainsi, proposer des avantages en nature (logement, nourriture ou véhicule par exemple) ou sociaux (chèques emploi services et vacances, mutuelle ou solutions retraite…) est une option à considérer car il s’agit d’un vrai coup de boost pour le pouvoir d’achat.
Les leviers d’augmentation sont donc multiples, à vous de choisir la méthode qui vous semble la plus pertinente, à la fois pour votre organisation mais aussi vis-à-vis de l’écosystème dans lequel vous évoluez.
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Article édité par Paulina Jonquères d’Oriola
Photos : Thomas Decamps
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