ChatGPT : quels effets sont déjà visibles sur le recrutement ?

ChatGPT est un programme conversationnel développé par la société OpenAI. Depuis le lancement de sa version gratuite en 2022, son succès est phénoménal : « 100 millions de nouveaux utilisateurs en deux mois, c’est du jamais vu : Instagram avait mis 30 mois pour atteindre un tel record », souligne Thomas Vergnaud, dirigeant de Welcode dont la vocation est d’acculturer à la tech les recruteurs du secteur. Mais de quoi parle-t-on ? Il s’agit d’une intelligence artificielle (IA) générative, à savoir un agent conversationnel avancé capable de répondre à des questions, de traiter des requêtes, de rédiger du texte. Ses réponses sont tirées d’une masse de contenus (articles, livres, études…) mise à sa disposition, extraite du web et non connectée à Internet, et ne contenant que des informations antérieures à 2021. À partir des interrogations et des instructions qu’on lui communique, cette intelligence artificielle apporte une solution ou réalise une tâche précise. Bien utilisé, ChatGPT peut devenir une véritable aide au quotidien pour n’importe quel salarié car il se souvient de ce qui lui a été demandé précédemment. Risque ou opportunité ? L’avenir nous le dira. Ce qui est déjà observable : ChatGPT est une aubaine pour accomplir une quantité surprenante de tâches, notamment dans le domaine RH.
Selon une étude d’Axys Consultant, les DRH en France sont de plus en plus nombreux à utiliser les IA, dont ChatGPT, dans l’optique d’accélérer leur travail, de les assister et d’optimiser leurs pratiques RH. Début 2022, 13 % d’entre eux indiquaient avoir déjà mis en œuvre des solutions d’intelligence artificielle. Comment ChatGPT transforme-t-il le quotidien des recruteurs ? Quels sont les changements à venir et les points d’attention pour en faire une utilisation RH efficace et éthique ?

ChatGPT : 3 impacts (déjà) visibles sur la vie des recruteurs

Plus d’efficacité sur les tâches de recrutement chronophages

Selon l’APEC (2023), 80 % du temps des recruteurs seraient consacrés au sourcing, et seuls 10 % le seraient aux entretiens. Eh oui, le métier n’est pas uniquement ponctué de rencontres de candidats ! Pour réussir à chasser les meilleurs talents, la maîtrise d’un processus rigoureux, avec quelques tâches parfois rébarbatives, est indispensable. « ChatGPT permet aux recruteurs de faire une très grande partie des tâches répétitives et chronophages : je dirais que sur 10 tâches identifiées, l’IA en couvre déjà 7 », explique Thomas Vergnaud. Lesquelles, concrètement ? Rédiger une fiche de poste, écrire les messages d’approche et les offres d’emploi ou encore préparer les questions pour les entretiens. « ChatGPT ne se substitue pas entièrement à l’action humaine, mais permet d’optimiser la réalisation de ces tâches. Quand on a des objectifs de volume, notamment en ESN (Entreprise de services du numérique) ou en cabinet de recrutement, c’est d’une grande aide. »

ChatGPT, un assistant RH… à « éduquer »

Dès maintenant, les recruteurs peuvent considérer ChatGPT… comme un assistant sur les quelques tâches que nous venons d’énumérer. Néanmoins, pour en faire une aide efficace, il faut l’éduquer, ou dit autrement, le faire progresser en lui donnant des instructions claires et des sources spécifiques sur lesquelles fonder ses réponses. « ChatGPT reste un outil, c’est donc au recruteur de créer des ‘prompts’, c’est-à-dire des instructions précises et spécifiques. Il faut l’entraîner en collant des liens ou des exemples d’offres d’emploi dont s’inspirer », détaille Thomas Vergnaud. C’est un exercice itératif, voire une forme de maïeutique, qui s’opère entre le recruteur et la machine pour aboutir à des livrables de plus en plus complets. « ChatGPT est aussi capable de prendre en compte certaines subtilités telles que l’empathie ou le style littéraire : il faut simplement le préciser et expliquer ce à quoi cela correspond. »

Vers un repositionnement plus humain du métier de recruteur

Allégé des tâches répétitives et assisté par une super aide évolutive, le recruteur peut accorder davantage de place à l’humain dans son quotidien. « En passant plus de temps sur les actions qui ont un impact humain, la marque employeur est revalorisée », souligne Thomas Vergnaud. Et les différentes étapes du processus de recrutement se muent en une véritable expérience candidat : « Cela permet d’ajouter de l’empathie au métier. Par exemple, on peut s’attarder sur les points sensibles comme les messages de refus en les rédigeant de manière positive et personnalisée. On prendra (enfin) le temps de faire du feedback individuel en donnant des recommandations pour travailler sur telle ou telle compétence ou pour regarder telle ou telle formation. » En bref, le recruteur se recentre sur les points essentiels : la rencontre, la sélection du profil et les échanges… tout en professionnalisant son processus. Tout le monde y gagne.

Information & formation : le combo pour limiter les interprétations dystopiques

« Comme toute innovation disruptive, ChatGPT fait peur : perte d’emploi, remplacement de la machine par l’homme… Or, ce ne sont que des interprétations qu’il faut rationaliser par un maximum d’informations. Welcode a créé la formation ChatGPT Hire booster afin que les recruteurs comprennent les enjeux de l’IA générative, s’approprient l’outil et en fassent un allié », souligne Thomas Vergnaud. Par ailleurs, deux points éthiques sont à prendre en compte avant d’adopter ChatGPT dans le recrutement : la confidentialité et l’inclusion. « Il est important d’apprendre à dompter les dérives de l’outil. Par exemple, il ne faut pas entrer des CV avec les coordonnées des candidats afin de respecter la RGPD. Puis, il faut l’entraîner à devenir plus inclusif via l’écriture ainsi que dans les mentions RH. »

Maîtriser ChatGPT : une hard skill bientôt incontournable ?

Selon Thomas Vergnaud, de nouveaux métiers RH ou transversaux sont en train d’émerger autour du « prompt engineering » : il s’agit de créer des prompts efficaces qui répondent à des problématiques d’entreprises, qu’elles soient RH, organisationnelles, marketing… « ChatGPT est une nouvelle compétence que l’on va bientôt mettre sur un CV », conclut-il. Les recruteurs ont donc tout intérêt à la maîtriser car elle semble structurante pour l’avenir des métiers, et plus largement, pour appréhender l’entreprise de demain.

Article édité par Ariane Picoche, photo : Thomas Decamps pour WTTJ