ChatGPT au boulot ? Ils et elles ne peuvent plus s'en passer !

19 juin 2023

5min

ChatGPT au boulot ? Ils et elles ne peuvent plus s'en passer !
auteur.e
Paulina Jonquères d'Oriola

Journalist & Content Manager

contributeur.e

Avec ChatGPT, l’accès à l’intelligence artificielle a été démocratisé pour la première fois de l’humanité. Avec près d’un milliard de visites en février 2023, l’outil est entré dans la vie de nombreux salariée·s, jusqu’à se muer en super assistant… pour le meilleur ou pour le pire ?

Il y a encore quelques mois, l’IA semblait réservée à quelques chercheurs érudits ou aficionados de la tech. Mais voilà qu’en seulement quelques semaines, ChatGPT s’est immiscé dans la vie de néophytes en tout genre. Certes, l’outil présente encore des lacunes (sourcing de l’information, données non actualisées depuis 2021, biais…), mais ses performances bluffent les audacieux qui tentent de se l’approprier… « Je n’étais pas forcément convaincu de l’intérêt de l’outil, mais j’ai voulu le tester. J’ai fini par l’intégrer dans mon workflow au quotidien », nous confie Pierre, Directeur éditorial au sein d’un média d’entreprise. Aujourd’hui, ChatGPT lui sert principalement de soutien à l’idéation, en lui proposant des idées d’articles et des suggestions de plan. Une base qui vient compléter ses premières intuitions.

Dans un secteur totalement différent, le développement informatique, Emmanuel s’avoue quant à lui bluffé par les compétences de ChatGPT. Il ne soupçonnait pas la puissance de l’outil : « Je cherchais une erreur sur une ligne de code. Après m’être cassé la tête pendant plusieurs heures, ChatGPT l’a repérée en quelques secondes. » Depuis, le développeur sénior, qui bosse en startup, n’hésite plus à faire appel à son assistant préféré.

Un outil addictif ?

Mais à être aussi performant, ChatGPT ne risque-t-il pas de rendre ses utilisateurs-travailleurs dépendants ? Responsable marketing pour l’EM Normandie, Valentin Cimino l’utilise chaque jour pour trouver des accroches pour ses campagnes publicitaires ou travailler sur des scénarios d’acquisition. « Depuis que j’utilise l’IA, j’ai le sentiment d’avoir des compétences décuplées et de mieux gérer mon temps. J’incite mes équipes à utiliser ChatGPT sur leurs métiers respectifs », s’enthousiasme-t-il. L’objectif ? Réussir à dégager suffisamment de temps pour ne plus être dans le flux perpétuel du « traitement de la demande » et pouvoir innover sur de nouveaux projets. « Aujourd’hui je le perçois comme un assistant augmenté hyper performant, dont j’aurais du mal à me passer », avoue Valentin.

Dans le monde des ressources humaines, Jérémy, Head of people chez la plateforme de services financiers Jump, ne cache pas non plus sa nouvelle addiction de taf : « Je suis assez curieux de nature, j’ai donc rapidement testé ChatGPT à son lancement en janvier. Il m’a fallu seulement quelques jours pour me laisser prendre au jeu » avoue-t-il. « Je l’utilise maintenant pour la rédaction de mes posts sur l’intranet, les réseaux sociaux ou encore l’écriture d’une job desk car je suis assez mauvais en rédaction, j’ai le syndrome de la page blanche. » Jérémy l’assure : aujourd’hui, il lui serait difficile de se passer de ChatGPT.

Prendre le coche, dès à présent

Aller toujours plus vite, et ainsi prendre de l’avance sur de potentiels concurrents, c’est aussi ce que recherchent celles et ceux qui s’aident désormais de l’IA pour travailler. C’est ce que nous explique Julien, copywriter, qui gagne désormais un temps fou lorsqu’il s’agit de traduire des articles. « Pour l’instant, tout le monde ne l’utilise pas. Cela me procure donc un avantage compétitif par rapport à mes concurrents. Mes clients n’ont pas à savoir que cela m’a pris 1H au lieu de 3H. J’ai envie de dire : tant mieux pour moi du moment que la qualité est au rendez-vous. »

Selon Michael Aim, CEO et Fondateur de Datamensio, si l’on souhaite embarquer à bord du navire ChatGPT, c’est finalement maintenant ou jamais. « Dans six mois, tout aura déjà beaucoup évolué, et ceux qui se seront entraînés auront une vraie longueur d’avance » prévisionne l’expert digital. Car l’art du prompt engineering (ou comment parler à la machine) ne s’apprend pas en deux minutes. Et la fracture numérique entre celles et ceux qui auront pris la vague et les autres pourrait ne jamais se combler. A ce titre, Michael Aim s’inquiète d’ailleurs des velléités de régulation des eurodéputés au sujet de ChatGPT dans une économie mondialisée.

Le rêve d’une employabilité infinie

Alors, au fond, pour rester dans la course, allons-nous tous devoir nous transformer en version humanoïde ? Dans le secteur du marketing, Anne-Laure s’est rapidement intéressée à ChatGPT, par curiosité, mais aussi par nécessité : « J’ai plus de 50 ans, et je crois qu’il est essentiel pour moi d’évoluer dans mon job. On considère souvent que les quinquas sont à la ramasse dans l’univers du digital, et je n’ai pas envie de faire partie de ce groupe là. »

Surtout, en se mettant à la page, Anne-Laure s’assure de continuer à demeurer attractive sur le marché de l’emploi. Un point à ne pas négliger, assure Michael Aim. Spécialiste de la transformation digitale des entreprises, il entrevoit deux manières d’analyser le phénomène ChatGPT et l’IA générative en général : soit il s’agit d’une vraie menace parce que l’outil est capable de se substituer à des talents et compétences d’ordinaire dévolus à l’humain, soit il permet de garantir une employabilité infinie, notamment à toutes les personnes qui ne sont pas dotées de capacités cérébrales hors normes. “L’humain moyen” en somme, sans que cette qualification n’ouvre la voie à une quelconque forme de jugement.

Pour cet humain moyen, Michael Aim pense donc que ChatGPT représente une réelle opportunité de demeurer toujours employable. Pourquoi ? Car avec cet assistant extraordinaire, on répond plus vite, on peut faire face à des deadlines difficiles (par exemple, on se déleste de la fastidieuse mise en page d’un Power Point à minuit), on réduit aussi sa marge d’erreur etc. « Je pense donc que ChatGPT peut devenir l’assistant ultime si son usage est libéré et assumé dans les entreprises, et surtout que l’on définit ce qui est acceptable ou non dans son utilisation », analyse l’expert. A ce titre, plutôt que de rester dans le flou, le groupe de presse Les Echos-Le Parisien s’est doté d’une charte pour cadrer l’utilisation de l’IA. Il est certain que d’autres entreprises lui emboîtent bientôt le pas.

Méritocratie et ChatGPT : l’équation impossible ?

Mais une autre question s’intercale : quid des apprentissages et de la méritocratie, si demain il n’y a plus qu’à passer par ChatGPT pour s’imposer ? « L’outil peut dévaloriser les compétences et connaissances acquises au fil des années parce que quelqu’un qui saurait parfaitement manier ChatGPT pourrait faire concurrence à 80% avec un expert d’un domaine. Pourquoi ? Car son travail serait suffisamment bon pour être acceptable », s’inquiète Michael Aim. Alors, finalement, la prime ira-t-elle aux humains capables de se présenter en version augmentée, grâce à leur capacité d’adaptation aux nouvelles technologies ?

Alors, quel clan choisiront les entreprises ? L’expert chevronné ou l’as de Chat GPT ? Une chose est certaine, au final, « c’est le marché qui va trancher ». Avec potentiellement des millions d’emplois détruits à la clef, et autant de nouveaux jobs créés ? Parmi nos aficionados, on voit plutôt le verre à moitié plein : « Ce que je gagne sur la production de mes livrables me permet surtout de consacrer plus de temps de qualité à l’humain et à l’accompagnement individuel de mon équipe », souligne Jérémy, le Head of people parisien. De son côté, Anne-Laure espère que ce super assistant « nous libérera des tâches aliénantes pour pouvoir nous centrer sur l’humain ».

ChatGPT : super kiffant ou super aliénant ?

Toutefois, Jérémy entrevoit déjà certaines limites : « Je suis meilleur qu’auparavant car j’ai un prisme plus large, mais du coup, le niveau des attentes à mon égard augmente. Autrement dit, si je ne pouvais plus utiliser Chat GPT au quotidien, il y aurait deux options : recruter de vraies personnes pour m’assister, ou alors baisser le nombre de livrables attendus ».

On se questionne alors sur le surplus de bien-être réel des salariée·s avec ChatGPT : va-t-on - pour une fois dans l’histoire de l’Humanité - profiter des gains de productivité pour travailler moins ? Ou au contraire, entre-t-on toujours plus dans une course effrénée, sans fin ? Pour l’heure, l’Histoire penche plutôt pour la seconde option. Un point soulevé par l’économiste Daniel Cohen dans son ouvrage sur l’Homo numéricus : il y explique que les algorithmes ont contribué à tayloriser la psyché humaine. Pour lui, internet suit le même processus que le travail à la chaîne : tout doit aller très vite. Et si ChatGPT venait encore en rajouter une couche ?

Article édité par Clémence Lesacq - Photo Thomas Decamps pour WTTJ

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