Bravo et merci : comment développer une culture de la reconnaissance dans sa boîte ?
03 sept. 2024
6min
Autrice, consultante et conférencière sur le futur du travail, spécialiste de la productivité, de l’âge et du travail des femmes
44 % des collaborateurs ont déjà démissionné de leur entreprise en raison d’un manque de reconnaissance au travail. Derrière le salaire, cette dernière apparaît donc comme un levier de performance et d’engagement essentiel. Davantage, il s’agit d’un besoin fondamental de tout salarié. Mais comment la favoriser dans sa culture d’entreprise ?
Sans confiance, estime des autres et de soi-même, il ne peut y avoir de bien-être. Or, une majorité des travailleurs et travailleuses considèrent en être dépourvus, pensant ne pas être reconnus à leur juste valeur. Selon une étude Moodwork de 2022, seul un salarié sur quatre estime ainsi recevoir de la reconnaissance de la part de son entreprise. Mais de quoi parle-t-on, au juste, quand on évoque la « reconnaissance » dans le monde des ressources humaines ? Et comment s’y prendre, en tant que manager, pour mieux reconnaître le travail de son équipe ?
La reconnaissance au travail : qu’est-ce que c’est exactement ?
La notion de reconnaissance nous est si familière qu’elle peut sembler ne pas nécessiter de définition. Mais, elle recouvre, en réalité, des sens multiples. Selon l’encyclopédie Universalis, « la reconnaissance a lieu à chaque fois qu’un individu, un groupe ou une institution valide une identité revendiquée par autrui (celle d’artiste, par exemple) ou le crédit d’une certaine valeur sociale ». Elle peut donc s’exprimer de manière formelle -avec la remise d’un prix, d’une médaille ou d’un diplôme par exemple- ou de manière informelle -avec quelques mots de compliment, un simple « bravo » ou « merci » de la part de quelqu’un en position d’apprécier l’action ou les qualités en question. C’est quoiqu’il en soit un phénomène ancré dans une relation humaine.
Du côté des entreprises, la reconnaissance au travail est devenue un sujet central pour les ressources humaines, tant elle représente un levier important de rétention et d’engagement des collaborateurs.
Quatre formes de reconnaissance ont ainsi été identifiées :
- La reconnaissance des résultats du travail : s’intéresse à ce qui est observable, mesurable et contrôlable. Elle est liée à la question du choix des indicateurs, à la mesure de la performance et les biais cognitifs qui l’affectent. Elle concerne également l’évaluation des individus et leurs émoluments (salaires, primes, commissions et intéressements aux bénéfices de l’entreprise).
- La reconnaissance de la pratique du travail : s’intéresse aux compétences des individus, c’est-à-dire aux qualités professionnelles qui sont mobilisées par le collaborateur ou la collaboratrice. Elle peut se traduire par la remise de prix professionnels, des commentaires positifs, un éloge sur LinkedIn.
- La reconnaissance de l’investissement dans le travail : apprécie les efforts mis en œuvre par le collaborateur ou la collaboratrice, indépendamment des résultats obtenus. Elle est donc beaucoup plus subjective : une personne qui rend ses efforts visibles obtiendra plus de ce type de reconnaissance qu’une autre qui travaille en toute discrétion. Elle se traduit le plus souvent par un « merci ».
- La reconnaissance existentielle : s’intéresse aux personnes pour ce qu’elles sont dans leur singularité. On doit l’accorder d’emblée à tout être humain. Elle s’exprime dans les relations sociales que l’on entretient les uns avec les autres, lorsqu’on dit bonjour à leur arrivée, lorsqu’on leur pose une question, lorsqu’on leur adresse un sourire, lorsqu’on les informe de quelque chose.
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Une source de motivation essentielle pour vos collaborateurs
En entreprise, la reconnaissance peut s’incarner de manières diverses, de sorte que le sujet concerne plusieurs aspects des ressources humaines : la rémunération, le management, l’évaluation, la culture d’entreprise…
Ces multiples formes d’expression de la reconnaissance illustrent cependant deux types de motivation au travail :
- La motivation intrinsèque : qui trouve son origine dans la personne elle-même – la joie qu’elle retire de son travail ou le sentiment d’utilité.
- La motivation extrinsèque : qui résulte de la perspective de récompenses externes – le salaire, les primes, les promotions et les distinctions.
Étudiée depuis plusieurs décennies par les psychologues, les économistes et les managers, la motivation est cruciale pour la réussite de toute activité. C’est le niveau d’énergie, l’engagement et la créativité que l’on met au service de son travail. Il est parfois plus facile de privilégier la motivation extrinsèque, car on peut toujours imaginer des récompenses plus substantielles. En revanche, quand on choisit de se concentrer sur la motivation intrinsèque, on doit d’abord chercher à comprendre pourquoi les gens travaillent, ce qui est souvent moins simple. Dit autrement, les collaborateurs et collaboratrices doivent bien sûr être récompensés matériellement pour leurs efforts, mais ces récompenses ne doivent pas être le seul moteur de leur action.
Des données publiées par McKinsey montrent que « lorsque des salariés sont intrinsèquement motivés, ils sont 32 % plus engagés (46 % plus satisfaits) dans leur travail, ils sont moins sujets au burn-out et leurs performances dépassent de 16 % celles de leurs collègues ». Les gratifications intrinsèques comme la joie et le sentiment d’accomplissement auraient aussi significativement plus d’impact sur la rétention des salariés que les récompenses externes comme le salaire. Or, une personne ne peut pas éprouver de motivation intrinsèque si elle ne s’identifie pas aux valeurs et aux buts de son entreprise.
Voici quelques actions à entreprendre pour favoriser la motivation intrinsèque :
- Faites-en sorte que la répartition des missions entre les salariés tienne compte de la personnalité, des intérêts et de l’ambition de chacun : cela semble évident, mais nous nous focalisons trop souvent sur les compétences et l’expérience, au détriment des intérêts. D’où des erreurs d’affectation.
- Donnez à vos salariés les moyens de travailler avec un maximum d’autonomie : les personnes talentueuses souffrent de frustration quand on ne leur offre pas la possibilité de donner la preuve de leur talent.
- Proposez à vos salariés de nouveaux modes d’apprentissage : la possibilité de développer de nouvelles compétences et d’élargir son horizon alimente la motivation intrinsèque.
- Rassemblez votre équipe autour d’objectifs partagés : mes buts sont plus facilement atteints quand les salariés ont leur mot à dire et se les approprient.
6 astuces pour favoriser une culture de la reconnaissance dans votre entreprise
À distance ou au bureau, l’expression de la reconnaissance dépend pleinement de la culture d’une entreprise, voire d’une équipe. Elle n’est pas accidentelle mais naît de bonnes pratiques, de décisions conscientes et de politiques RH délibérées. Comme l’explique Daniel Coyle dans The Culture Code, « la sécurité émotionnelle est le fondement même de la culture ». Or, la sécurité émotionnelle vient de toutes ces petites interactions sociales du quotidien -échanges de regards, accolades, moments de partage- qui sont précisément des expressions d’une forme de reconnaissance « existentielle ». Ces expressions disent « je vois que tu existes, je vois que tu appartiens au groupe ». De plus en plus, la reconnaissance fait partie de ces éléments culturels, à propos desquels les candidats souhaitent avoir plus d’informations avant de prendre un nouveau poste dans une entreprise.
Astuce n°1 : commencez par le sommet
Il n’est pas de culture de la reconnaissance qui tienne sans l’implication des dirigeants au plus haut niveau. Ce sont eux/elles qui impriment leur marque à cette culture et indiquent, explicitement et implicitement, les comportements valorisés et les manières de bien communiquer. Si le comportement désiré n’est pas observable parmi les personnes de pouvoir dans l’organisation, alors il y a dissonance cognitive… et il n’y aura pas de bonne culture de la reconnaissance.
Astuce n°2 : soignez votre storytelling
On sait l’importance des histoires et de la narration dans la formation d’une culture d’entreprise. Les bonnes histoires créent du sens et provoquent des émotions. Elles se transmettent, se partagent. En tant que l’un des fondements d’une culture d’entreprise pérenne, elles permettent de mettre en lumière les valeurs centrales dans la culture, parmi lesquelles le respect de chacun et la valorisation de chaque contribution.
Astuce n°3 : pensez à la reconnaissance d’équipe
Trop souvent, la reconnaissance est présentée comme un sujet individuel. Or, peu de réussites sont le fait d’un seul individu. Sans les collègues, les échanges, les infrastructures, le réseau, on ne fait pas grand chose. Dans un groupe, il y a toujours quelques personnes qui savent mieux se mettre en avant que d’autres, voire qui s’attribuent le mérite de leurs collègues ! Tant que la reconnaissance sera perçue avant tout de manière individuelle, ces comportements seront implicitement encouragés. La reconnaissance est un sujet d’équipe : primes de groupe, valorisation non matérielle de groupe, incitations pour le groupe… Une culture saine sait valoriser le travail collectif avant la réussite individuelle, dont l’évaluation reste nécessairement biaisée.
Astuce n°4 : favorisez l’horizontalité
Pour qu’une culture prenne, il faut qu’elle soit partagée. La reconnaissance entre pairs est donc essentielle. Il existe plusieurs manières de la favoriser : en créant des systèmes de reconnaissance entre pairs, en mettant des outils à disposition, en favorisant la création de communautés.
Astuce n°5 : alignez la reconnaissance et la stratégie de l’entreprise
Il est important que chaque employé sache clairement comment son travail contribue à faire avancer la stratégie globale de l’entreprise, comprenne pourquoi il/elle appartient à un projet plus grand au sein duquel il/elle a un rôle à jouer. Cela veut dire que chaque personne devrait être associée à la stratégie, en être informée, y être formée.
Astuce n°6 : offrez à vos salariés des occasions de grandir
Apprentissage, rotation des postes, ateliers, formations, coaching, programmes de mentorat, promotions… c’est aussi le meilleur moyen de motiver. Souvent, cela passe d’abord par une responsabilisation plus grande, un enrichissement et une flexibilisation de la notion même de poste.
Le management et la culture d’entreprise font beaucoup pour le bien-être des salariés comme leur motivation au travail. Le fait de voir son travail reconnu et apprécié est un besoin fondamental, comme celui d’être reconnu en tant que personne.
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Article rédigé par Laetitia Vitaud et édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.
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