Comment gérer le congé de maternité ?
04 févr. 2019
7min
Rédacteur
Entre anxiété, fatigue et craintes de discriminations, le congé maternité est encore trop souvent mal vécu par les salariées enceintes. En outre, il nécessite un effort de planification de la part de l’entreprise pour que le remplacement de la salariée et sa réintégration se passe au mieux. Comme le signale une étude de l’ANACT de 2017, un manque d’informations subsiste, côté salariée comme côté employeur, sur les risques liés au travail ainsi que sur les droits de la future mère.
De plus, en raison d’un cadre professionnel trop souvent discriminant à l’égard des femmes, celles-ci tardent parfois à notifier leur employeur de leur grossesse, ce qui retarde le déclenchement du dispositif qui les protège contre le licenciement ainsi que les éventuels aménagements de postes.
Comme vous allez le voir, gérée avec anticipation et empathie une telle situation sera gage d’accomplissement pour la collaboratriceet pourra créer un climat de confiance et de collaboration dans lequel les femmes peuvent travailler sereinement et donner le meilleur d’elles-mêmes. Cette attitude bienveillante contribuera, en outre au rayonnement de votre marque employeur. À l’inverse, les entreprises les moins vertueuses en la matière s’exposent à un fort turnover voir à des dommages et intérêts aux prud’hommes.
La situation est extrêmement grave, car les employeurs ne savent pas, et ne veulent pas, gérer les absences prévisibles et mettre en place des processus de remplacement
Rachel Silvera, économiste et maîtresse de conférence à l’Université Paris Ouest-Nanterre-La Défense
Voici comment vous pouvez faire mieux que les employeurs lambdas et ne pas gâcher le bonheur que suscite l’arrivée de l’enfant pour votre salariée.
Comment bien préparer le départ de la salariée enceinte ?
Selon une étude Odoxa pour la fondation PremUp 2015, travailler enceinte est, du fait de la culpabilisation, du manque d’organisation, du manque d’empathie, de la placardisation et de l’absence d’aménagement, jugé « compliqué » pour deux jeunes femmes sur trois.
Pour réussir à gérer le congé mat’ il convient d’anticiper le départ de la salariée enceinte dès l’annonce de sa grossesse afin de recruter rapidement un remplaçant en externe ou de proposer une nouvelle répartition du travail entre collaborateurs en interne.
La bonne gestion du départ de la salariée commence par l’accueil de l’annonce de sa situation.
L’annonce
L’annonce de l’état de grossesse à l’employeur revient à la salariée enceinte qui est libre de choisir le moment opportun puisque la loi ne fixe aucun délai légal. Elle peut être formulée verbalement mais devra être complétée par un courrier (papier ou email).
La plupart du temps, les femmes attendent la fin du premier trimestre pour annoncer leur grossesse, le risque de fausse couche étant alors moins élevé. Pourtant, la salariée a tout intérêt à dévoiler son état le plus tôt possible afin de pouvoir bénéficier de protections (contre le licenciement) et le cas échéant d’un aménagement de poste.
Une étude de Cadreo de 2016, indiquait que près d’un tiers des femmes interrogées déclaraient que leur grossesse avait été mal accueillie par leur employeur. Aussi, la première des choses à faire pour inverser cette tendance consiste à faire mieux que l’employeur moyen ! En commençant toujours par féliciter la personne. La grossesse étant un évènement anxiogène où la salariée enceinte peut se sentir vulnérable, il convient de la rassurer en lui témoignant de votre soutien et en évoquant les futurs projets de l’entreprise auxquels elle pourrait être amenée à prendre part.
Il convient alors de s’enquérir de la situation de la jeune mère : selon qu’il s’agit du premier ou troisième enfant, la durée du congé est variable (16 semaines ou 16, à partir du 3ème enfant). En cas de grossesse difficile et de risque de naissance prématurée, il existe un risque élevé que la salariée soit obligée de partir avant la date prévue de son congé.
Il se peut que la salariée exprime des craintes concernant sa future absence ou encore sur la continuation de ses dossiers. Il convient de la rassurer d’emblée sur le fait que des solutions seront trouvées et que, bien évidemment, elle retrouvera son poste à son retour. Mais restez transparent avec votre collaboratrice enceinte et dites-lui si vous avez l’intention ou non de la remplacer en son absence. L’entreprise peut déployer davantage d’aide et de moyen pour préparer son remplacement plus sereinement.
La psychologue du travail Sylvie Sanchez-Forsans, recommande de préparer le départ avant de penser au retour : « Laissez-lui le temps de dire au revoir et impliquez-la dans l’organisation de son absence.» Ainsi, la phase d’adaptation, à son retour, n’en sera que plus courte. De son coté, Nathalie Olivier-Bichard, directrice du cabinet RH Conseil PME et auteur de La Boîte à outils RH de l’entrepreneur ajoute « Si vous choisissez de la remplacer, prévoyez une période de transition suffisante pour qu’elle puisse briefer son ou sa remplaçante ».
Aménagements et changement de poste
La convention collective autorise les absences correspondantes aux septvisites médicales obligatoires de suivi de grossesse, mais il est fréquent qu’il y en ait plus. Il faut donc savoir rester souple. Par ailleurs, certaines grossesses, plus pénibles (nausées, contractions, malaises…) nécessitent d’adopter une attitude plus compréhensive : accroître le télétravail pour une salariée habitant loin, proposer des horaires décalées pour éviter les heures de pointe… Dans les métiers qui le permettent, la flexibilité évite des départs en congé prématurés.
Avant le départ, l’entreprise peut mettre en place des aménagements ou un changement de poste afin de protéger la mère et de maintenir son emploi. Les médecins, soucieux de protéger les grossesses, accordent généreusement des départs en congé prématurés.
Ces aménagements, qui peuvent émaner de la convention collective et être décidés à l’amiable, peuvent consister à retirer certaines tâches, limiter le port de charges, mettre en place un binôme, réduire les horaires, permettre les horaires décalés pour éviter les heures de pointe dans les transports en commun, permettre de s’asseoir davantage, limiter les trajets en voiture, permettre le télétravail, faire d’autres aménagements ergonomiques (chaises adaptées)… En cas de travail de nuit et d’exposition à des produits chimiques ou charges lourdes, il doit y avoir affection à un autre poste. Lorsque l’aménagement ou le changement de poste de travail est impossible, la salariée reçoit une allocation journalière comme en cas d’arrêt maladie.
Informer pour mieux prévenir des risques
L’étude PremUp annonçait en 2015 que 95 % des femmes enceintes n’avaient reçu aucune information de la part de leur entreprise. Plus inquiétant, 7 femmes sur 10 avouaient se comporter « globalement comme d’habitude » sur leur lieu de travail plutôt que de prendre « de multiples précautions ». Mais ce n’est pas tout, seules 42 % des femmes interrogées indiquaient qu’un aménagement des horaires de travail était prévu en cas de grossesse.
Si les mesures d’aménagements et les changements de postes s’avèrent rares, des actions d’information peuvent être mises en œuvre, comme l’initiative Mazars & Elle prise par le cabinet de conseil et d’audit Mazars, dont la rédaction d’une charte de parentalité dès 2015.
L’Anact a établi des recommandations pour mieux concilier grossesse et travail. Parmi eux figurent :
- Un guide de parentalité en entreprise peut être transmis aux managers
- Un module de formation « gestes et postures » peut être transmis aux principales intéressées.
- Un planning organisationnel pour préciser les bonnes et les mauvaises pratiques.
- Enfin, il convient d’encourager les salariées enceinte à se rendre à la visite médicale.
- L’Anact a aussi mis à disposition des managers et des salariées une ressource documentaire sur les meilleures pratiques.
Gérer le remplacement
Vous pouvez décider de remplacer la salariée :
- en embauchant un nouveau collaborateur pour gérer tout ou partie du travail de la collaboratrice absente
- en lui attribuant un autre poste (remplacement en cascade)
Pour aller plus loin référez-vous à ce memento de Tissot.fr
L’absence ou comment garder le contact ?
Ce n’est pas parce que votre collaboratrice est en congé maternité qu’il faut l’ignorer jusqu’à son retour. La collaboration a été un franc succès ? Elle mérite votre considération. Si la collaboratrice cherche à se sentir utile, il vous est en revanche interdit de l’employer pendant une période de 8 semaines au total avant et après l’accouchement, dont obligatoirement 6 semaines après l’accouchement. Le bon comportement consiste à garder contact durant le congé maternité.
Il convient de tenir informée la salariée par mail de l’actualité de l’entreprise et de l’avancement de ses dossiers. Cela peut s’accompagner de déjeuners ou d’évènements de convivialité en présence de ses proches collaborateurs.
En retour, vous pouvez lui demander des nouvelles de son état de santé et de celui de son nouveau-né et communiquer ces informations à ses collègues. Vous pouvez aussi lui faire parvenir un ou plusieurs cadeaux de naissance, comme une carte signée par les collègues, des fleurs, des chocolats pour elle et un cadeau pour le bébé. Toutes ces petites attentions faciliteront le retour de votre salariée qui s’approche à grand pas.
Comment préparer son retour ?
En outre, la collaboratrice en congé maternité est parfaitement en droit, et ce jusqu’à un mois avant le terme de son congé, de prendre un congé parental d’éducation.
Comme le souligne Emmanuel de Prémont, directeur général du cabinet de conseil en ressources humaines Finaxim, « les congés maternité sont sources de bouleversement dans la relation de l’entreprise avec sa salariée, qui rentre souvent métamorphosée.» D’après l’étude Cadreo de 2016, 47% des femmes interrogées citent la maternité comme l’événement le « plus bouleversant » de leur carrière : c’est souvent le moment à partir duquel, hélas, promotions et augmentations leurs deviennent soudainement inaccessibles.
Les mères étant souvent confrontées au phénomène de la double journée de travail, il convient de fixer des horaires de réunion compatibles avec leurs nouvelles contraintes (horaires de crèches…) de manière à leur permettre de gérer au mieux la réorganisation de leur vie de famille avec leur conjoint.
Bénéficiant d’une priorité de réembauchage, la salariée doit, à son retour, retrouver le poste qu’elle occupait avant sa grossesse, un poste similaire ou un reclassement. Il va sans dire que la qualification, comme la rémunération, doivent être équivalentes. Toutefois, comme le rappelle Maître Valérie Duez-Ruff « à l’issue du congé maternité […] la rémunération doit le cas échéant être réévaluée compte tenu des augmentations de rémunération dont les salariés de la même catégorie professionnelle ont bénéficié durant la période de congés des intéressés ».
Il est de votre ressort de participer à l’évolution des mentalités quant à la femme enceinte en milieu professionnel et de permettre à la jeune mère de famille de s’accomplir, et de ne pas lui opposer des freins à l’évolution de sa carrière, comme c’est trop souvent encore le cas aujourd’hui. La grossesse ou la maternité reste le troisième critère de discrimination dans le domaine de l’emploi après l’âge et le sexe. C’est pourquoi il faut aussi penser le congé maternité conjointement au congé paternité et intégrer les pères dans vos politiques RH concernant la parentalité.
La manière dont on traite les femmes enceintes est symptomatique du climat de confiance et de collaboration dans l’équipe. Quand la mixité est plus forte, cela se passe mieux que dans les milieux très masculins (fintech, finance, tech…) où les salariées enceintes subissent hélas trop souvent de mauvais traitements.
Photos : WTTJ
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