« Vous avez d’autres pistes ? » Comment répondre à cette question en entretien ?

10 mars 2021

8min

« Vous avez d’autres pistes ? » Comment répondre à cette question en entretien ?
auteur.e
Gabrielle de Loynes

Rédacteur & Photographe

Autrefois, passer un entretien était une épreuve. Le parcours était semé d’embûches. Il fallait slalomer entre les obstacles : une question piège ici, un test par-là… Chaque point abordé comportait un risque important de chute. Et pour ne pas risquer de se faire disqualifier, il fallait tout gérer de front. Lorsque vous pensiez être enfin arrivé en bout de piste, survenait l’ultime piège : « Avez-vous d’autres pistes ? » Panique à bord ! Quoi qu’on réponde, le risque de se planter était grand. Avoir d’autres pistes menaçait de vous écarter du processus de recrutement et, ne pas en avoir, vous exposait à la fuite du recruteur. Bref, l’impasse. Heureusement, à en croire les professionnels du secteur, l’entretien a bien changé. Aujourd’hui, qu’on ait ou non plusieurs pistes, il faut s’engager dans l’entretien avec transparence et motivation.

« Avez-vous d’autres pistes ? » : l’envers de la question…

Marie-Agnès a longtemps travaillé dans un cabinet de recrutement. À l’époque, la question “avez-vous d’autres pistes” avait pour elle une toute autre signification. C’était « l’occasion de récupérer des informations sur les postes à pourvoir. Une démarche commerciale de ma part », reconnaît-elle. Aujourd’hui, sa nouvelle casquette de Talent Manager chez Early Metrics, organisation qui note les start-
ups, lui offre d’autres perspectives. « Lorsque je pose cette question en entretien, je veux juste savoir où le candidat se situe dans le processus de recrutement et si je dois accélérer ou non, explique-t-elle. L’objectif est simplement d’éviter de passer à côté d’un bon candidat engagé sur une autre piste. » Mais elle pose aussi cette question à tous les coups : « Parce qu’elle me permet de creuser le profil qui se trouve en face de moi, de mieux connaître son état d’esprit et les motivations qui l’animent. »

Martin, lui, n’a pas suivi de formation en recrutement. CEO d’une start-up dans la restauration, c’est sur le tard qu’il a appris à encadrer des entretiens. Avec le recul, pas de doute, « cette question est essentielle, dit-il. C’est un très bon levier d’informations sur le candidat. En entretien, il y a beaucoup de questions qui débouchent sur des réponses bateau. Avec cette question, c’est différent. J’y vois vraiment un outil pour briser la glace. Elle peut parfois gêner le candidat, parce qu’elle demande de faire preuve d’authenticité et d’honnêteté. En fait, la réponse en dit long sur la manière dont le candidat s’y est pris dans sa recherche d’emploi et sur la façon dont il est accueilli sur le marché du travail. Selon qu’il a d’autres pistes ou non - et surtout quel genre de pistes - cela me permet de savoir si sa candidature est ciblée ou pas et s’il y a une cohérence dans son projet. »

« On est passé d’un format d’entretien ‘‘sur la sellette’’ à un dialogue sincère et constructif », analyse Marie-Laure Deschamp, ancienne Chargée de développement RH reconvertie dans le coaching professionnel. Dans l’entretien d’autrefois, la question : « Avez-vous d’autres pistes ? » pouvait paraître biaisée, puisqu’elle intervenait dans un rapport de forces où tous les coups – y compris les petits mensonges – étaient permis pour décrocher le job. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas :« En interrogeant ainsi le candidat, le recruteur cherche seulement à obtenir un peu de visibilité sur son process de recrutement. Quelle que soit votre situation, que vous ayez des pistes ou non, il faut partir du postulat que le recruteur est ouvert et à l’écoute de votre réponse. »

En parler spontanément : mauvaise piste…

Vous passez un entretien ? Soyez confiant. Avancez doucement, laissez-vous glisser au rythme du recruteur… La fatidique question vous sera posée tôt ou tard. Ne tentez donc pas d’aborder vous-même ce point en pensant que cela pourrait jouer en votre faveur ou accélérer le processus de recrutement. Ce raccourci abrupt pourrait être dangereux… « Si je passais un entretien, je n’évoquerais pas cette question spontanément, confirme Marie-Agnès. En tant que recruteur, je me méfie lorsqu’un candidat m’annonce d’emblée qu’il a plusieurs pistes. J’ai l’impression qu’il cherche à se mettre en avant, qu’il a de l’ego. En général, plus le candidat s’étend sur la question, moins son discours est clair et plus la piste est douteuse. »

De son côté, Martin reconnaît avoir rarement été confronté à ce phénomène : « Cela a pu arriver avec un candidat au tempérament très commercial, dans un but de “closing”, en d’autres mots déclencher un sentiment d’urgence chez le recruteur et l’inciter à faire une offre. Si c’est amené de manière très subtile, pourquoi pas. Mais, le plus souvent, c’est contre-productif. Ça peut donner l’impression au recruteur qu’il n’est pas perçu comme un premier choix. Et si le candidat l’annonce fièrement, ça peut même paraître arrogant… »

Retenez donc que mettre spontanément en avant les autres pistes dont on dispose, c’est faire fausse route. Une attitude que déconseille également la coach professionnelle : « Si le recruteur omet de vous poser la question, n’allez pas vous aventurer à l’évoquer de votre plein gré. Il pourrait penser que vous en faites trop, d’autant que les recruteurs le savent pertinemment, un candidat peut raconter ce qu’il veut. » Et si vous avez vraiment plusieurs pistes ? « Cela lui mettrait la pression, tranche l’experte, s’il omet de poser cette question, c’est qu’il a ses raisons. »

Plusieurs pistes : soyez honnête et transparent !

« Un recruteur sait pertinemment qu’au début d’une recherche d’emploi on arrose son CV partout, on ratisse large, puis on affine, affirme Marie-Agnès. Il est donc tout à fait normal d’avoir d’autres pistes ! Ce qui intéresse le recruteur, c’est ce que le candidat en dit. Je vais bien sûr creuser lorsqu’on avance d’autres pistes. Je veux savoir s’il est au début, au milieu ou à la fin d’un processus de recrutement pour me positionner. » Le but n’est pas de vous piéger ou de vous tirer les vers du nez, mais plutôt de gérer le timing : il doit savoir, dans l’éventualité où votre profil l’intéresse, s’il reste dans la course ou si vous êtes déjà en bout de piste.

Et si vous avez un coup de cœur pour une autre piste ? « Je préfère qu’on me le dise, explique la DRH. Cela me permet de creuser les motivations et de savoir en quoi mon offre pourrait faire la différence. L’entretien n’est ni plus ni moins un dialogue. On fait connaissance et on s’assure qu’on est aligné sur nos attentes respectives. » Pas de langue de bois donc, soyez franc : « Répondre honnêtement est le seul moyen de trouver un job qui correspond vraiment à vos attentes. Cela permet au recruteur de savoir ce que le candidat retient du poste. Et, lorsque les conditions de travail sont plus ou moins équivalentes, il cherchera à savoir ce qu’il ou elle préfère et pourquoi. »

Toutefois, si vous avez d’autres opportunités, mais souhaitez rester en piste, il va falloir être malin. « Vous pouvez parfaitement dire où vous en êtes sur votre process de recrutement, observe-t-elle. Mais essayez de reboucler sur l’intérêt que vous avez pour le poste. » Ne partez pas dans l’optique de dire : « Voyez, vous n’êtes pas seul en piste », mais efforcez-vous plutôt d’expliquer ce qui vous intéresse davantage dans le job pour lequel vous passez un entretien. « C’est une occasion de parler de vos motivations et de développer pourquoi, à ce jour, vous avez une préférence pour ce poste plutôt qu’un autre », conclut Marie-Laure Deschamp.

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Engagé-e dans une piste sérieuse : dites-le clairement !

Si la montagne des entretiens est derrière vous et que vous arrivez en bout de piste d’un processus de recrutement sérieux : dites-le ! N’y allez pas par quatre chemins. Autrement, le recruteur pourrait bien tomber de haut. « Soyez honnête, conseille la coach. Dites-le très clairement et expliquez en quoi le job en question a retenu votre attention. Mais ne fermez pas la porte, ouvrez le dialogue ! » Par exemple vous pouvez demander : « Pensez-vous que le poste que vous me proposez pourrait satisfaire cette attente ? » ou encore « Est-ce-que tel point est une éventualité chez vous ? » Si, en revanche, vous avez une piste fiable mais pas encore aboutie, soyez prudent. « À l’issue de l’entretien, envoyez un mail pour réaffirmer que le job vous plaît, suggère Marie-Laure. Vous aurez encore la possibilité, dans les jours qui viennent, d’envoyer un message pour annoncer : ‘‘Je ne m’y attendais pas, mais j’ai eu une proposition d’embauche, en revanche votre poste m’intéresse toujours, qu’en est-il de votre côté ?’’… »

Pistes concurrentes : terrain glissant ?

Dans certains domaines, les candidats peuvent se vanter d’avoir l’embarras du choix… Leur profil très sélect leur offre tant de pistes qu’il devient difficile d’en sélectionner une en particulier. Et, d’une piste à l’autre, il arrive de se retrouver en process dans deux entreprises concurrentes… « Creuser cette question des autres pistes, va permettre d’obtenir des informations supplémentaires, relève Martin. Je veux savoir dans quels types de structures – start-ups ou grands groupes – le candidat a postulé et sur quel secteur d’activité… Mais je ne demande jamais directement s’il a postulé chez un concurrent, c’est trop délicat et ça peut mettre mal à l’aise le candidat. Ce que je recherche, c’est la pertinence de son projet, si sa candidature est ciblée et cohérente. »

Une piste concurrente est-elle nécessairement un terrain glissant ? « En ce qui me concerne, assure la DRH, ce n’est pas un problème. Ça va au contraire me rassurer, je vais me dire que j’ai trouvé un bon CV, un talent recherché. Je préfère qu’on me le dise honnêtement. C’est l’occasion pour moi de demander au candidat en quoi notre entreprise fait, selon lui, la différence. Et, si son profil m’intéresse, je peux accélérer les étapes. » L’important pour le recruteur est de savoir si elle a votre préférence et à quel point elle est avancée. Cette information n’est donc pas déterminante.

Hors-piste : une question de préparation…

Vous n’avez aucune piste ? Ce sont des choses qui arrivent. Mais, rien que d’y penser, cette question du recruteur, vous fait trembler de la tête aux pieds. « Après tout, glisser un petit mensonge n’a jamais tué personne ? » Non, répondent en chœur les recruteurs. N’allez pas fausser la piste ! À question sincère, réponse honnête. « Le rôle du recruteur est de mettre le candidat à l’aise pour qu’il parle en confiance, assure la DRH. S’il fait bien son travail, le candidat ne se sentira pas obligé d’enjoliver sa situation. Il va se démarquer par son discours authentique. Un candidat à l’aise peut parfaitement dire qu’il n’a pas d’autre piste. Je suis formelle : ce n’est jamais interprété comme étant mauvais signe ! » Cette situation peut d’ailleurs s’expliquer de bien des façons : vous avez refusé des offres qui ne correspondaient pas à vos attentes, ou bien vous étiez finaliste dans un processus de recrutement qui n’a pas abouti, ou vous êtes toujours en poste et vous faites attention à chaque candidature, enfin vous pouvez être au tout début de votre recherche d’emploi…

« C’est finalement assez rare qu’une personne n’ait aucune piste, avoue Martin. Récemment je me suis trouvé dans ce cas. La personne me l’a dit très simplement et j’ai apprécié sa sincérité. J’ai voulu savoir pourquoi elle n’en avait pas. Et en fait, elle était en recherche depuis seulement deux semaines, sa situation était on ne peut plus compréhensible. Quand on n’a rien de sérieux, mieux vaut le dire simplement. Ça évite la réponse neutre : ‘‘j’ai d’autres pistes en cours’’, qui s’accompagne le plus souvent d’une posture fermée du candidat. Au contraire, cette réponse honnête et franche était un plus. »

Quelles que soient les raisons qui font que vous ne disposez pas de solutions de repli pour le moment, vous ne devez pas en avoir honte. Après tout, être hors-piste c’est avoir un profil audacieux, qui circule hors des sentiers battus« Il y a toujours une explication à donner, précise la coach. Ce qu’il faut, c’est anticiper la question et bien préparer son discours pour y répondre en restant aligné. Vous êtes peut être de ceux qui possèdent de précieuses compétences, mais n’arrivent pas à les vendre en entretien ? Alors, dites-le ! Ce que recherche le recruteur, ce n’est pas de cocher des cases sur une grille de papier, il recherche un profil, une personnalité qui corresponde au poste à pourvoir. » Au fond, il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises situations, l’entretien est une rencontre…

Lorsqu’on s’engage dans un processus de recrutement, il faut savoir faire preuve de souplesse. Si vous vous aventurez la peur au ventre, l’esprit fermé et le corps raide, avec le postulat que l’exercice est périlleux et que le recruteur est là pour vous piéger…Cela risque fort de mal se passer. Si, au contraire, vous abordez l’entretien avec sérénité et authenticité, cette question, comme toutes les autres, devrait être franchie sans difficulté. Restez solide sur vos besoins et maître de votre trajectoire, le reste passera…

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