Vouloir plaire à tout prix en entretien d'embauche : attention danger
26 janv. 2023
6min
Senior Editor at Welcome to the Jungle
Vous avez du mal à dire non ou cherchez sans cesse l’approbation de vos interlocuteurs ? Si ça vous parle, vous avez peut-être une tendance au "people pleasing", à savoir chercher avant tout à satisfaire… les autres. Et cela peut vous nuire à moyen terme. Le rapport avec votre recherche d’emploi ? Imaginez : vous avez décroché un entretien pour le poste de vos rêves, votre but est d’impressionner la personne qui recrute : quitte à dire oui à des tâches que vous maîtrisez à peine, ou sourire quand on vous parle de valeurs qui sont à l’opposé des vôtres…
Eh oui, le people pleasing en entretien d’embauche vous expose à un potentiel retour de bâton. Alors comment l’éviter ? Pour le savoir, nous avons rencontré Emily Durham, spécialiste du recrutement et créatrice de contenus. En dehors de ses heures de travail classiques, elle partage des conseils de carrière sur TikTok, où elle est suivie par plus de 220 000 personnes. Elle avoue avoir versé dans le people pleasing par le passé et raconte ce qu’elle a appris de ses erreurs. Elle nous livre son témoignage, son analyse et ses conseils.
Le people pleasing, de quoi parle-t-on ?
Vouloir plaire à tout le monde, c’est se plier à l’avis ou à la demande de l’autre, alors que ce n’est peut-être pas le meilleur choix à faire pour soi-même. Dans un rapport publié en 2022 par YouGov, on apprend que 50 % de la population américaine se reconnaît dans le people pleasing. Ces mêmes personnes estiment que c’est aussi ainsi que les autres les perçoivent. Ce même rapport explique que les femmes se déclarent plus souvent “people pleaser” que les hommes.
Le rapport va plus loin, en cherchant l’origine de la vision de soi, et révèle qu’on agit souvent de la sorte pour éviter le conflit, placer les besoins des autres avant les nôtres et parce qu’on ne sait tout simplement pas comment dire non. Des réflexes qui peuvent remonter à notre enfance, comme le rappellent certains psychologues, et témoigner d’une peur du rejet ou de l’échec. Choisir d’ignorer ce type de comportement chez soi et de ne rien y faire peut, à long terme, avoir des répercussions sociales, physiques et psychologiques. Le besoin constant de plaire à tout prix et de satisfaire les autres peut, au fil du temps, vous amener à ne plus prendre suffisamment soin de vous, vous mettre sous un stress constant, voire générer de la colère refoulée et de la dépression.
Comment ça se manifeste en entretien d’embauche ?
Être un people pleaser dans sa vie perso est une chose, mais côté pro attention : c’est une voie dans laquelle ne pas s’engouffrer ! Emily Durham explique qu’au bout du compte, adopter des réflexes de people pleasing en entretien vous coûtera cher : « Ne pas afficher clairement votre périmètre actuel de compétences ne vous rend pas service, ni à vous ni à l’entreprise. Admettre que vous n’avez pas les réponses, c’est vous donner justement la possibilité d’apprendre et de progresser dans ces domaines. »
En entretien, cela peut donner des choses différentes selon les personnes. Emily Durham évoque une erreur qu’elle a faite très tôt dans sa carrière : « J’allais en entretien et j’annonçais que je déchirais tout en data. Mais ce n’est pas mon métier. » Elle n’était pas non plus totalement à côté de la plaque, mais cela revenait à survendre sur une compétence qu’elle ne maîtrisait pas vraiment. « Alors oui, je pouvais à peu près m’en sortir quand il y avait besoin, mais je me suis coincée toute seule parce que j’étais gênée de demander de l’aide sur le sujet, ou alors j’avais peur qu’on pense que j’avais dit oui à trop de choses et que j’étais incapable de tout gérer. »
Le fait de mentir sur votre CV dans l’espoir de vous démarquer est déjà risqué. Mentir lors d’un entretien d’embauche pour en mettre plein la vue ou satisfaire la personne que vous avez en face de vous, l’est encore plus. Emily Durham raconte que c’est assez courant parmi les jeunes candidats qui veulent briller en entretien, sans savoir qu’il y a un souvent prix à payer derrière. Par exemple, si vous cherchez votre premier emploi après la fac ou une école et que vous mettez à votre seul crédit vos projets d’étude (pour mettre en avant un éventail de compétences que vous n’avez pas vraiment), il y a de grandes chances que la personne en face vous grille. En creusant un peu, elle verra que c’étaient des projets de groupe ou que vous avez bénéficié de l’aide d’une tierce personne : ce qui est totalement OK. « Vous n’avez pas tout piloté de A à Z ? Et alors ? Vous êtes en début de carrière, donc justement en train d’apprendre. Personne ne vous demande d’avoir tout vu et tout compris dès le départ. »
Le people peasing ne concerne pas uniquement les compétences que vous mettez en avant mais aussi les conditions de travail que vous acceptez. Si le recruteur vous demande si cela vous plairait de travailler dans une très petite équipe et d’avoir beaucoup de responsabilités alors que vous aimez travailler dans des teams plus larges où chaque poste est bien délimité, il serait dommage de ne pas exprimer votre réel point de vue. Vous risqueriez en plus d’atterrir dans un job qui ne vous plait pas, ou de manquer une discussion certainement plus enrichissante avec le recruteur !
Comment le people pleasing peut nuire à votre carrière
Avoir l’élan de toujours dire oui, ou vouloir se faire passer en entretien pour quelqu’un qui peut tout faire, est très tentant. Vous courez pourtant le risque de vous mettre sur la voie de l’échec, du stress, voire du burn-out. « Il faut vraiment veiller à vendre les compétences qui sont les vôtres. C’est ce qui vous permettra de réussir. En faire trop sur vos connaissances et vos compétences ne vous mènera à rien. En résumé, si vous vendez des compétences que vous n’avez pas vraiment, vous plantez les graines d’un futur échec, que vous risquez en plus, de vivre publiquement. »
Cette posture de people pleaser est aussi un recours pour lutter contre le syndrome de l’imposteur, notamment parmi les femmes et les personnes régulièrement mises sur la touche pour des questions d’origines ou de couleur de peau, souligne Emily Durham. On essaie par-là de se montrer solide. Mais l’experte insiste malgré tout sur l’importance d’être honnête sur ce que vous pouvez et ne pouvez pas faire, afin d’éviter toute incompréhension, une charge de travail excessive et/ou des attentes irréalistes de la part de vos collègues et responsables.
Et à petite dose ?
De manière générale, vouloir à tout prix satisfaire l’autre est un nid à tracas. Dans certains cas (mais attention, ils sont rares !), Emily Durham donne le feu vert : « Pour moi c’est bien de le faire à dose homéopathique quand ça correspond vraiment à qui vous êtes. L’idée n’est pas de minimiser vos compétences, mais de les présenter de façon juste. Il faut que vous vous sentiez au bon endroit. »
Quant à sa fiche de poste à elle, Emily Durham déclare : « Je déchire sur quasiment tous mes sujets, mais il y a encore deux ou trois choses sur lesquelles j’ai besoin d’un peu d’aide ou de coaching. Je dis ça dans le sens où c’est une approche en mode “people pleasing”, mais qui fonctionne bien. On peut très bien dire “je me débrouille bien sur tel sujet et ça me plairait de pouvoir monter en compétences à vos côtés sur un autre”, ou “je ne suis jamais contre un peu de challenge, même quand ça me fait peur.” Dans cette optique, c’est parfait : vous montrez que vous avez faim de progression, pas de perfection. »
Comment éviter de verser dans le people pleasing ?
Quelle que soit votre propension à tendre vers le people pleasing, vous pouvez apprendre à vous en détacher pour vous épargner la douche froide (presque inévitable), qui s’ensuit généralement. Selon Emily Durham, « ça commence par la manière dont on s’adresse à soi-même. Arrêtez de vous mettre la pression pour être infaillible tout le temps. Pour ma part, je commets des erreurs tous les jours. Ça ne m’empêche pas d’être bonne dans ce je fais ! »
Vouloir satisfaire les autres, c’est se soumettre à une pression de perfection, que l’on s’impose soi-même. Là-dessus, Emily Durham est claire : ce n’est pas ce que cherchent les entreprises. « Il faut arrêter de croire que les entreprises veulent des gens parfaitement opérationnels dès le premier jour. Honnêtement, si une boîte a ce genre d’attentes, ce n’est pas bon signe du tout, ça en dit long sur la culture interne. »
L’envie peut être grande de vouloir tout tenter pour plaire à la personne qui mène l’entretien. Mais, même si ce job vous fait tellement rêver que vous n’en dormez plus la nuit, faire preuve d’honnêteté sur vos vos capacités, doit passer en premier. « Soyez honnête sur ce que vous avez à leur apporter, insiste Emily Durham. Vous avez bien sûr des compétences, mais inversement, soyez honnête avec vous-même au sujet des domaines dans lesquels vous avez encore une marge de progression. »
En entretien d’embauche, assumez vos « points faibles », tout en expliquant que, justement, vous travaillez dessus, est le meilleur moyen de ne pas tomber dans le people pleasing. « Si vous ne vous sentez pas d’annoncer cash que la data n’est pas votre point fort, enchaînez dans la foulée en expliquant comment vous allez y remédier. » Emily Durham propose ce type de formulation : « Je ne maîtrise pas encore bien ce sujet, mais voilà ce que je compte faire pour monter en compétences sur le sujet… » L’experte poursuit : « Vous pouvez ensuite donner des exemples concrets de ce que vous mettez en place pour vous former. Ce qui compte avant tout, c’est votre état d’esprit, votre volonté d’apprendre, surtout en début de carrière. »
Si le people pleasing peut sembler être une bonne option en entretien, n’oubliez pas qu’il aura des répercussions lorsque vous prendrez vos fonctions. Au plus vous vous montrez honnête et fidèle à vous-même, au mieux votre prise de poste se déroulera !
Article édité par Gabrielle Predko, traduit de l’anglais par Sophie Lecoq
Photo Thomas Decamps pour WTTJ
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