Comment éviter les erreurs de jugement au boulot ?

01 déc. 2021

auteur.e.s
Soline Cuilliere

Journaliste vidéo - Welcome to the Jungle

Olivier Sibony

Professeur de stratégie et auteur spécialiste de la décision

Comment réduire le « bruit » pour prendre de meilleures décisions ? Olivier Sibony, professeur en stratégie, expert en prise de décision et co-auteur de "Noise", vous aide à y voir plus clair.

Vous êtes-vous déjà rendu compte que vous n’êtes pas la même personne tout le temps ? Parce que vous avez faim, parce que vous êtes fatigué, parce que votre équipe de foot préférée a perdu le match hier, vous allez avoir des jugements et prendre des décisions différentes. C’est une des formes de ce qu’on appelle le « bruit ». Le bruit, c’est le fait que des jugements qui devraient être identiques d’un moment à l’autre ou d’une personne à l’autre dans une organisation, vont s’avérer différents. Et ça, c’est une source très importante d’erreurs et d’injustices.

1. Ne vous fiez pas à votre première impression

Une source de bruit importante dans un jugement complexe, c’est la première impression. Le meilleur moyen de s’en rendre compte, c’est de prendre l’exemple d’un entretien d’embauche…

Vous voyez un·e candidat·e qui rentre dans votre bureau et vous vous formez tout de suite une première impression sur celui-ci/celle-ci. Cette première information va énormément vous affecter dans votre évaluation globale du/de la candidat·e. S’il/elle vous paraît très sympathique et semble avoir un excellent fit avec la culture de l’entreprise, vous allez avoir tendance à penser que le/la candidat·e est aussi excellent·e sur ses compétences techniques.

Pour résister à cet effet (aussi appelé : effet de Halo) de la première impression, une des choses que vous pouvez faire, c’est structurer votre décision, c’est-à-dire définir à l’avance quelles sont les dimensions sur lesquelles vous devez prendre votre décision. Dans le cas d’un entretien d’embauche, ce sont bien sûr les critères d’évaluation ou les dimensions de la description de poste que vous avez identifiées.

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2. Méfiez-vous des variations intrapersonnelles

Fatigue, mauvaise humeur, changements de température, faim… Ces variations peuvent avoir des conséquences importantes sur vos choix et jugements. Par exemple, on s’aperçoit que les décisions des juges sont plus sévères quand il fait chaud que quand il fait moins froid.

Une autre raison pour laquelle nos jugements varient d’un moment à l’autre, c’est la séquence des décisions que nous prenons. Si, par exemple, vous regardez des dossiers de candidat·es et que vous venez d’approuver trois dossiers, vous aurez tendance à être plus sévère avec le quatrième parce que vous aurez l’impression qu’il faut rétablir une sorte d’équilibre.

Comment peut-on réduire cette variabilité ? D’abord, vous pouvez vous mettre à plusieurs pour prendre une décision et essayer de ne pas être tous dans les mêmes circonstances au même moment. Et si vous êtes seul·e, l’idéal est de se donner un peu de temps. La sagesse populaire dit : « La nuit porte conseil, on va prendre une meilleure décision le lendemain. » Et la sagesse populaire a raison : souvent, ça vaut le coup de se donner un petit peu de temps et de se dire qu’on va la prendre à froid.

3. Restez maître de votre opinion

Une autre source de “bruit” va se manifester quand on décide en équipe ou en groupe. Ce qu’on observe dans un groupe, c’est que la première personne qui parle va donner le ton en indiquant ce qu’elle pense être la bonne décision. La deuxième personne qui va avoir à se prononcer, peut-être n’était pas d’accord, mais son désaccord risque de ne pas s’exprimer aussi fort que si elle avait parlé en premier. Et donc, son point de vue aura tendance à converger avec celui de la première personne. Si vous êtes la troisième personne dans cette réunion, il y a de fortes chances que vous soyez d’accord avec les deux premières. C’est ce qu’on appelle « un effet de cascade ».

Pour essayer de limiter les cascades d’informations, une condition essentielle, c’est de faire en sorte que chacun se forge sa propre opinion, indépendamment des autres. Si vous êtes dans une réunion, assurez-vous que chacun a non seulement formé son jugement sans savoir ce que les autres pensaient, mais l’a aussi écrit. Ainsi, vous serez certain de mettre sur la table des informations qui n’ont pas été polluées les unes par les autres.

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4. Ne vous faites pas avoir par le consensus mou

Si on n’est pas capable d’avoir des débats, de reconnaître que l’on n’est pas d’accord entre nous, on va forcément se laisser avoir par une sorte de “consensus mou”. Un des rôles d’un bon manager, c’est d’aller chercher les opinions des gens qui ne les expriment pas spontanément et de créer les conditions pour que chacun se sente libre de formuler des idées. Dans une équipe, il faut être capable de différencier un conflit sur le contenu, sur les tâches et un conflit de personnes.

5. Ne faites pas aveuglément confiance

Quand on est conscient de l’existence du “bruit”, ça change aussi la manière dont on va évaluer l’expertise des gens avec qui on travaille. Prenons un exemple : vous devez choisir un expert dans un domaine que vous ne connaissez pas, choisir un·e consultant·e ou peut-être choisir un·e expert·e comptable. Bien souvent, on va croire les individu·es qui donnent l’impression d’avoir le plus confiance en eux/elle. C’est ce qu’on appelle l’”heuristique de la confiance”. Cet instinct n’est pas bon.

Une des choses qui caractérise les meilleur·es expert·es dans des domaines compliqués, c’est précisément le fait qu’ils sont capables de douter. Ce qu’on doit apprendre à faire - et ça s’apprend - c’est à rechercher des expert·es qui sont capables de vous dire : « Voilà quelque chose dont je suis sûr à 90%. Mais là, voici quelque chose dont je ne suis sûr qu’à 50% ; pas parce que je suis incompétent, mais parce que c’est réellement très incertain. » Si un·e expert·e est capable de vous dire ça, vous pouvez vraiment avoir confiance en lui, parce que c’est quelqu’un qui est capable de savoir non seulement ce qu’il/elle sait, mais aussi de savoir ce qu’il/elle ne sait pas. Et ça, c’est la vraie expertise.

Photo par Thomas Decamps pour WTTJ
Texte édité par Soline Cuillière.

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