Comment s’excuser professionnellement, l'art et la manière
12 nov. 2019
5min
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Fondateur, auteur, rédacteur @Word Shaper
Aïe aïe aïe ! Vous avez deux jours de retard sur le rendu d’un des dossiers les plus importants de l’année ? Cerise sur le gâteau, votre boss vous a surpris en train de le critiquer à la machine à café, et vous avez eu une violente passe d’arme avec l’un de vos collègues en pleine réunion. Bref, vous allez devoir faire profil bas et en passer par la case mea culpa. Alors, comment s’excuser… professionnellement ?
En collectivité, les heurts sont quasiment inévitables -voire presque normaux. En revanche, lorsqu’on se met dans une situation délicate, il faut ensuite être capable de réparer la situation en commençant par présenter ses excuses. Sur le principe on est tous d’accord, mais quelle est la meilleure façon de s’y prendre ?*
La valeur symbolique des excuses
Historiquement, faire ses excuses est associé à l’idée de pardon dans la tradition religieuse. Dans ce contexte, demander pardon, c’est s’assurer que la personne qui a été touchée ne vous tiendra pas rigueur de l’offense reçue. En grec, pardonner peut se traduire par “laisser aller”. Faire ses excuses à quelqu’un après une offense, c’est donc augmenter ses chances d’être pardonné. Attention cependant, en demandant le pardon à quelqu’un, vous ne devez pas espérer qu’il fasse comme si l’offense ou l’erreur n’avait pas eu lieu. Pardonner ne signifie pas oublier, vous aurez à gérer les conséquences de vos actes quoi qu’il arrive.
Aussi, au-delà des mots et du pardon en tant que tels, les excuses ont une forte valeur symbolique. C’est ce qu’a étudié John List, professeur à la Chicago Booth School of Business. Après une mauvaise expérience lors d’un trajet en Uber, il s’étonne de ne pas recevoir d’excuses de la part de l’entreprise de VTC. Il propose alors ses services à l’entreprise pour observer l’effet que des excuses peuvent produire sur des clients insatisfaits.
John List découvre que si présenter ses excuses après une mauvaise expérience aident à faire passer la pilule, elles sont ensuite contre-productives quand les aléas se produisent à plusieurs reprises. Dans ce cas, le client a l’impression qu’on le prend pour un idiot. Ainsi, lorsque l’on fait ses excuses, nos paroles impliquent une forme d’engagement envers l’interlocuteur : c’est un moyen de dire que nous ne referons pas la même erreur. Il faut donc ensuite s’y tenir !
Comment s’excuser professionnellement en 3 étapes
1 - Acceptez votre erreur
Tout d’abord, il est important d’accepter de faire des erreurs ; après tout, il est impossible de ne jamais se tromper. Ainsi, avant de s’emballer, de paniquer ou de rougir, commençons par dédramatiser la situation en gardant à l’esprit que nous ne sommes pas infaillibles - et tant mieux ! Seuls vos parents ont le droit de croire qu’ils ont tout le temps raison (on leur doit bien ça)..
La langue française distingue d’ailleurs la faute de l’erreur. L’erreur, au contraire de la faute, ne se caractérise pas par une volonté de nuire. C’est-à-dire que très souvent, on pense bien faire et notre intention initiale n’est pas diabolique. Si vous prenez du recul, vous vous rendrez compte qu’il est très rare de véritablement commettre une faute. Vos erreurs, quelles qu’en soient les conséquences sur le moment et le sentiment cuisant de la honte, vous rendent finalement votre humanité. Il existe un test simple pour relativiser : demandez-vous si dans un an, ce qui a eu lieu vous importera toujours autant. La réponse est souvent non.
Regarder votre erreur en face sera plus productif pour l’analyser, vous expliquer, présenter des excuses professionnellement et en tirer quelque chose de constructif, pour que cela ne se reproduise pas à l’avenir.
Sophie est pharmacienne depuis cinq ans, et au début de sa carrière, elle a fait une erreur de prescription qui aurait pu avoir des conséquences dramatiques : « J’avais doublé la dose d’un des médicaments du patient, qui s’est senti très mal en prenant son traitement. Sur le coup, j’étais tellement gênée que j’ai passé plus de temps à me chercher des excuses qu’à affronter la situation. J’étais dans le déni alors qu’avec du recul, le risque zéro est nul, une carrière est forcément jalonnée de plus ou moins grosses erreurs. J’aurais aimé avoir cette lucidité pour accepter mon erreur plus rapidement et présenter des excuses avec confiance. Accepter son erreur est une forme d’humilité dans un cadre professionnel où l’injonction est plutôt à la performance. »
Expliquez-vous
Dans la plupart des situations, le plus important est d’aller au-delà des excuses. En effet, si l’on part du principe que vous n’aviez pas de mauvaise intention, vous devez expliquer ce qui s’est passé de votre point de vue. L’objectif est de clarifier la façon dont vous avez vécu la situation et de revenir de manière transparente sur l’évènement qui a eu lieu.
Catherine Bourjon est formatrice en Communication Non Violente et elle explique : « C’est indispensable de réussir à nommer ce que vous avez vécu et ce que vous avez ressenti, même si cela nécessite de se mettre un peu à nu face à l’interlocuteur. Je pense que c’est vraiment l’explication qui prime sur les excuses, qui ne sont parfois qu’une coquille vide. Miser sur l’honnêteté et la transparence sera plus profitable que d’essayer de se justifier à tout prix ou d’adopter une posture mielleuse voire hypocrite. »
Le mieux est encore d’être à l’origine de ce moment d’explications. N’hésitez pas à solliciter la ou les personnes que vous auriez pu blesser ou décevoir, demandez à les rencontrer et prenez le temps de mettre les choses à plat. Effet garanti ! Vous pouvez bien évidemment commencer par de véritables excuses du type : « Je m’excuse pour ce qu’il s’est passé, ce n’était pas mon intention », avant d’expliquer le pourquoi du comment. Catherine précise : « Je pense que la personne qui s’excuse ne doit s’adresser qu’aux personnes concernées par la situation. Faire des excuses publiques, c’est prendre le risque de tomber dans l’effet de com’ selon moi. Ensuite, utilisez le vocabulaire du ressenti, de l’émotion, de l’introspection mais regardez les faits d’un point de vue neutre, sans jugement tout en expliquant comment vous avez interprété les choses. En revanche, ne vous avancez pas sur les intentions de votre interlocuteur, cela pourrait l’agacer, attendez qu’il vous partage sa version des faits à lui. »
Adoptez une attitude constructive
Une fois que vous avez réussi à gérer les émotions fortes, comme la honte ou l’embarras, il est bon de se servir de la situation pour rebondir, en tirer une leçon et donc adopter une posture constructive.
Que ce soit votre supérieur, votre chef d’équipe, un collègue ou un client, ils apprécieront que vous fassiez preuve de recul pour tirer partie de l’incident. C’est ce que Catherine explique : « Lorsqu’on s’excuse, on le fait une fois mais pas dix. Ne donnez pas le sentiment de vous apitoyer car les autres seront peu réceptifs face à une attitude larmoyante. Il est préférable de trouver un équilibre entre l’humilité et malgré tout une forme de confiance en soi. Vous avez fait une erreur, vous vous êtes expliqué et ensuite, vous montrez que vous passez à autre chose. Cela poussera les autres à en faire de même. »
En effet, il est indispensable d’aller de l’avant, rien ne sert de s’auto-flageller pendant des semaines et des semaines. Car si pour vous, la culpabilité est longue à se dissiper, les autres en auront certainement assez de vous voir revenir sur le sujet. Essayez de retrouver un semblant de naturel pour éviter que votre gêne ne devienne contagieuse. Si au contraire, la rancœur de vos collaborateurs est tenace, n’insistez pas outre-mesure et laissez-leur le temps nécessaire après vos explications pour qu’ils digèrent l’événement.
Sophie revient sur son erreur en pharmacie : « Lorsque le client est revenu à nouveau à la pharmacie, il était très sarcastique au sujet de ce qu’il s’était passé et cela me mettait mal à l’aise. Au début, je continuais de m’excuser à chaque fois qu’il venait mais c’était gênant pour tout le monde. Finalement, c’est le jour où j’ai répondu avec humour à ces sarcasmes que j’ai réussi à désamorcer la situation définitivement. Un soulagement ! »
Ce n’est pas un bon moment à passer lorsqu’on commet une erreur plus ou moins grave au travail. Dans le feu de l’action, nos réactions ne sont pas toujours bien mesurées et on prend parfois le risque d’aggraver la situation. Pourtant, l’erreur en soi n’est souvent pas si grave et c’est notre manière de la gérer qui importe. S’excuser, expliquer, jouer la carte de la transparence et de la diplomatie pour pouvoir rebondir positivement est le meilleur cheminement à adopter pour s’en sortir. Alors, on relativise, on prend du recul et surtout on évite de dramatiser pour conserver toute sa lucidité !
Photo Thomas Decamps pour WTTJ
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