Culture du feedback : les 4 faux pas à éviter

13 mai 2019 - mis à jour le 04 janv. 2024

4min

Culture du feedback : les 4 faux pas à éviter
auteur.e
Solenne Faure

Rédactrice

contributeur.e

À l’heure où les talents sont en quête de transparence, la culture du feedback semble être la solution pour un alignement parfait entre discours et actes. Mais est-elle toujours bénéfique en entreprise ? Et comment éviter les écueils du feedback ?

La question de la transparence pour les marques employeurs est sur toutes les lèvres. Elle répond en effet à une exigence forte des candidats et salariés désireux de trouver une continuité entre l’image projetée et la réalité. Et à ce petit jeu, les entreprises ont encore des progrès à faire : à l’échelle internationale, seuls 19 % des employés voient une adéquation entre leur expérience et ce qu’on leur a décrit au moment du recrutement. Or, pour répondre à cet enjeu, un levier semble largement reconnu : la culture du feedback.

Le feedback – ou « retour critique » en bon français – aiderait à la fluidité des relations, à l’implication des équipes et à la montée en compétences. Réussir à se dire les choses en toute franchise pour aller tous ensemble dans une logique d’amélioration. Beau programme. Mais en est-on si sûr ? Le feedback est-il toujours bénéfique en entreprise ?

Le feedback, c’est quoi ?

Le concept de « feedback » renvoie à l’idée de faire un retour à une personne sur ses actes. L’objectif étant d’agir sur ses prochaines actions : proposer de poursuivre sur le même principe, optimiser ou drastiquement changer. Comme son nom anglophone l’indique, il est intéressant de l’appréhender comme de la nourriture, pour à la fois permettre de faire le point sur des actions passées mais surtout de mieux engager le présent et le futur. Un feedback se doit donc d’être constructif. Il ne peut s’arrêter à une simple évaluation. Il doit être présenté et réalisé dans une logique de mise en action concrète.

Mais le feedback a-t-il vraiment tout bon ? Loin de tout remettre en cause, et en nous appuyant sur les interrogations abordées dans la Harvard Business Review, nous avons plutôt eu envie de questionner cette pratique et d’en identifier ses limites… pour mieux les dépasser.

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Focus sur les 4 limites du feedback

Premier risque : oublier qu’un jugement reste subjectif

Si l’on pense que le salarié lui-même peut parfois manquer de recul sur une situation donnée puisque trop impliqué, il en est de même du côté du manager. En effet, dès qu’il s’agit d’un sujet qui traite d’humain, chacun est investi. Le feedback en dit aussi long sur le jugé que le juge. D’autant que le manager peut être éloigné du terrain et manquer de réalisme dans son retour. Pour résumer, impossible de donner un feedback neutre sur une situation humaine. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse comme dans un QCM. Il y aura forcément de la subjectivité et il est difficile de la dépasser. Ce que vous jugez bon ou mauvais… un autre l’évaluera différemment.

La solution ? Si beaucoup de choses ont été dites sur la capacité à bien recevoir un feedback, les formations à destination des managers se font plus rares. Pourtant, il suffirait de bien rappeler à tous les juges d’un travail qu’ils sont dans une logique personnelle. Et les inviter par là-même à une prise de recul. Parce que nous sommes par essence des êtres orientés, par nos fonctions, notre vision, nos méthodes de travail, mais aussi nos affinités et nos expériences marquantes. Et les encourager ainsi à terminer leurs phrases par un « pour moi », par exemple. Une méthode simple, qui permettrait aux salariés de prendre les retours comme des propositions et non pas comme des vérités absolues, qui peuvent s’avérer contre-productives.

Deuxième risque : brider l’esprit d’initiative

Le feedback peut donner rapidement un statut de « sachant » au manager : comme s’il avait la solution, le retour est, dans les faits, très orienté sur lui. Et finalement peu sur le salarié et les compétences qu’il peut mobiliser ou acquérir. De plus, en imposant par son retour un cadre de travail trop strict, le risque est de bloquer la prise d’initiative du collaborateur ou de la collaboratrice. En effet, celui-ci peut sentir qu’il n’a pas vraiment son avis à donner face à une situation de travail. Fixer des règles, aiguiller vers un cheminement, oui, mais attention à ne pas créer une forme de lassitude et une relation trop déséquilibrée. Il s’agit donc de bien garder en tête l’objectif du feedback : faire progresser mais ne jamais juger pour juger. D’autant plus que les retours peuvent être utiles, mais potentiellement pas ou peu adaptés au contexte réel.

Alors pourquoi ne pas laisser le collaborateur maître de son propre feedback ? Qui mieux que lui pour juger d’une situation et de son état d’esprit face à un problème donné ? Plus qu’une note, c’est surtout évaluer son ressenti et voir comment l’aider à optimiser, changer ou perdurer une stratégie. L’idée peut être simple : quand un médecin demande à un patient, sur une échelle de 1 à 10, comment il se sent, il n’est pas question de juger son retour mais bien de mettre une évaluation sur un ressenti personnel. Peu importe le niveau de départ, ce qui compte, c’est la perception de la situation. Une proposition qui peut permettre de redonner un rôle clair au collaborateur et de lui laisser un espace d’expression.

Troisième risque : adresser un feedback trop générique et négatif

Nous l’avons déjà évoqué : les managers ne sont pas toujours bien formés à donner des feedbacks constructifs. Un des soucis fréquemment rencontrés ? Un retour trop générique, pas suffisamment adapté au salarié, et qui peut très vite prendre la forme d’un reproche. Mais bonne nouvelle, la solution existe : installer un process clair et régulier pour les retours. Pour avoir des temps clairement identifiés avec de vrais moments d’échange.

Dans la même lignée, le cabinet Davidson a imaginé une application pour encourager les appréciations entre collaborateurs. Pour un avis positif, le champ est libre. Pour un retour négatif, la personne sélectionne une phrase dans une liste. Mais attention, pour savoir ce que l’on dit sur soi… vous voilà contraint de donner des avis ! Un principe malin pour introduire un peu de jeu dans un processus trop souvent désincarné.

Quatrième risque : mener le collaborateur vers des compétences qu’il n’a pas

Trop souvent perçu comme un moyen de mettre le doigt là où il y a des lacunes, le feedback peut très vite être assimilé à une menace pour le collaborateur. Comme si on cherchait à démontrer par A + B qu’il manquait de compétences indispensables à la réussite de sa mission. Or, les recherches scientifiques sont claires : si le cerveau continue d’apprendre toute sa vie, le processus est néanmoins plus efficace dans l’approfondissement et la montée en compétences. Inutile donc de montrer le vide. Le feedback devrait plutôt rappeler les forces de chacun et proposer un schéma, un cadre pour leur faire prendre de l’ampleur et révéler les talents.

Bref, s’il s’inscrit dans une volonté de transparence et de progrès, le concept de feedback est néanmoins à prendre avec des pincettes. Parce qu’il traite d’humain et est par essence un sujet sensible, il mériterait d’être enseigné à tous les managers.


Photo : Thomas Decamps pour WTTJ

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