« Messieurs, vous pouvez aussi vous libérer des stéréotypes qui vous étouffent »
07 avr. 2022
5min
Journaliste, conférencière et autrice spécialiste de la vie professionnelle des femmes
Dans ma série de coaching pro pour les femmes BADASS, je parle des entraves qui freinent les femmes dans leur carrière : celles plus internes et personnelles sur lesquelles on peut travailler grâce au coaching (syndrome de l’imposteur, de la good girl et tout et tout), celles qui sont imposées à nous par le monde extérieur (sexisme, harcèlement, discriminations et tout et tout). Car oui, les femmes peuvent apprendre les règles du jeu, gagner en puissance et en pouvoir. Mais pas “faire comme les hommes” pour autant. Surtout que les hommes ont beaucoup de pain sur la planche avant d’être (eux aussi) badass.
Cette fois, j’ai voulu tourner la lunette d’observation vers ceux qui semblent vivre leur vie comme un long fleuve tranquille sans jamais trop broncher : les hommes. Tout semble toujours un peu plus facile pour vous, messieurs, et pourtant… Ce n’est pas parce que le monde du travail a été formaté for men by men que les règles du jeu vous plaisent à tous. Scoop : vous avez changé (un peu, quand même). Lequel d’entre vous envie encore les bretelles de Michael Douglas dans Wall Street ? La gomina de Don Draper dans Mad Men ? Ou le hoodie de Mark Zuckerberg ?
Tel est ton destin
Les femmes ne sont pas les seules à être empêtrées dans des stéréotypes et images qui limitent leur horizon. Les hommes grandissent avec des modèles aujourd’hui obsolètes dans lesquels la réussite ne se définit que par le niveau d’argent et de pouvoir. Ce n’est souvent qu’à travers ces deux notions qu’ils sont valorisés, célébrés en tant que de « vrais » hommes. Il faut être dans des tours grises, avoir des gens “sous” soi, être le pourvoyeur du foyer. Les questions sur l’épanouissement personnel, la découverte de soi, l’utilité, le care, le sens, sont plus accessoires. Bref, ils ont plus de “choix”, mais se retrouvent souvent coupés d’eux-mêmes.
Remettons tout de même les choses en perspective : les épreuves sont moins nombreuses. Vous avez déjà plus de temps pour vous pencher sur le sujet puisque vous vous prenez moins de mains aux fesses ou des réflexions sur votre chemisier dans l’ascenseur, que vous n’êtes pas discriminés quand vous avez un enfant (entre autres). Super. Votre mission - si vous l’acceptez - est toutefois colossale : briser le mur du silence, parler de ce que vous ressentez, envoyer valser les pressions et stéréotypes qui vous limitent. En somme, votre chance vous donne à la fois une grande responsabilité : tout ne dépend que de vous pour devenir cet homme badass, c’est-à-dire qui va à contre-courant d’un carcan viriliste un peu triste pour avoir la carrière (et la vie) qui lui ressemble vraiment.
Comment être un homme badass en 5 points
1. Le Badass s’en fout de “réussir”
Le constat : Vous avez fait vos études en école de commerce, rêvé de devenir un loup de la Défense, obtenu un job dans un gros cabinet de conseil. Vos parents sont fiers et vous avez des belles cartes de visite à distribuer, une belle voiture de fonction mais la vérité c’est que vous mourrez d’ennui ? Depuis, le plan est d’encaisser le max pour devenir rentier à 36 ans ?
Le conseil : Le Badass s’en fout des signes extérieurs de richesse et de la validation des autres. Cocher les cases, c’est bien, savoir en sortir quand on s’y trouve à l’étroit, aussi. Tout comme les femmes s’émancipent de l’idéal (fatiguant) de la Wonder Woman, vous pouvez vous émanciper d’un scénario écrit d’avance pour vous (et re-regarder Billy Elliot si besoin).
2. Le Badass veut lui aussi “tout avoir”
Le constat : Mais comment font les hommes pour concilier carrière et famille ? Ils le peuvent car ils s’occupent activement de la première et vivent l’autre plus symboliquement. La majorité des tâches domestiques et parentales étant gérées par les femmes, les hommes passent bien moins de temps avec leurs enfants… Et de plus en plus à regret. Même si le congé paternité a été allongé à 28 jours (dont seulement sept obligatoires, contre huit semaines pour les femmes), les nouvelles générations ont envie d’avoir plus qu’un statut de père.
Le conseil : Être badass, c’est aussi ça : assumer de vouloir vivre sa parentalité autrement que dans les années 60, en voyant son enfant grandir au quotidien et pas uniquement pendant les vacances scolaires. Et au final, ne pas être réduit qu’à son travail, mais aussi à son identité de père, ami, compagnon, frère, fils, etc.
3. Le Badass s’en fiche d’être celui qui gagne le plus
Le constat : Combien d’hommes disent qu’ils font un travail qu’ils n’aiment pas « pour leur famille », « parce qu’ils doivent ramener l’argent au foyer. » Dans 75% des couples, les hommes sont ceux qui gagnent le plus, leur carrière passe donc en priorité… Quitte à être paralysé par la pression.
Le conseil : Sortir de la logique du « plus gros salaire qui l’emporte » dans son couple. Cela vous offre plus d’options : celle de faire passer la vie pro de votre partenaire aussi en premier de temps en temps, et vous, de vous donner l’espace de vous réinventer, tout en passant outre ce stéréotype machiste qu’un homme doit forcément “valoir” plus qu’une femme.
4. Le Badass n’est pas fragile
Le constat : soudain, vous trouvez bizarre de n’être entouré que d’hommes blancs en réunion qui ont tous la même chemise. Un doute vous saisit.
Le conseil : L’homme badass n’est pas fragile : il n’a pas peur de se retrouver entouré de gens qui ne lui ressemblent pas. Il préfère la découverte, l’incertain, le risque au contrôle. Il n’a pas besoin d’un boy’s club pour se rassurer : il a besoin des autres, de la différence, de l’émulation. C’est une preuve d’humilité, d’ouverture et une source de richesses pour tout le monde.
5. Le Badass se remet en question
Le constat : Les femmes sont les championnes de la remise en question : coaching, développement personnel, bilan de compétences… Là où les hommes ont beaucoup plus de mal à verbaliser et sont plus enclins à rester dans le déni pour s’acheter une fausse stabilité. Ils ont été éduqués en prenant la place, ayant confiance en eux, sans être dans l’introspection, car le doute est moins admis. Alors in fine, oui, ils ont plus d’options et de moyens, plus de choix aussi… Mais pour ne pas forcément en jouir (pour soi ou pour la révolution), et encore moins changer les règles du jeu.
Le conseil : Vous aviez l’habitude de vous demander si Jacqueline était au Comex pour le quota. Vous pouvez désormais vous demander si vous y êtes pour les bonnes raisons (et non parce que vous êtes inscrit au même club de tennis et faites parti du cercle des alumnis de la même école que Roland, le PDG). L’entreprise est-elle vraiment un espace méritocratique ? Êtes-vous réellement à votre place ? Quels sont vos talents sous-exploités ?… Tant de dimensions parallèles vont s’ouvrir dans votre esprit, vous n’aurez jamais été aussi stimulé.
6. Le Badass arrête de faire bonne figure
Le constat : Depuis des années, vous avez remarqué que le Comex n’est pas un lieu d’émulation mais une réunion de courtisans. Que le présentéisme nuit à la vie de tous au bureau. Que cette logique de la croissance permanente est intenable. Mais vous gardez vos opinions pour vous, pour faire bonne figure… et laissez ainsi la charge de transformer le monde du travail à d’autres.
Le conseil : Messieurs, ouvrez-la ! Le monde ne va pas se transformer tout seul, et avouez-le : vous le vivrez mal si ce sont les femmes qui font tout le travail en évoquant, dans des réseaux fermés, ces problématiques et les façons d’injecter plus de méritocratie, d’écologie, d’inclusivité dans le monde du travail.
Mais que ceux qui seraient troublés soient rassurés : il ne s’agit pas d’aider les femmes à accéder à l’égalité, mais à créer ensemble un environnement, des règles de conduite où les choix sont démultipliés pour tous. Il ne s’agit pas d’être gentils : vous y gagnez aussi !
Lucile Quillet est l’autrice du livre “Libre de prendre le pouvoir sur ma carrière, guide de coaching professionnel pour les femmes qui veulent se réaliser au travail” (éd.Diateino). Vous pouvez la joindre sur LinkedIn et lui partager vos problèmes et questions sur Instagram.
Édité par Eléa Foucher-Créteau
Photo par Thomas Decamps
Inspirez-vous davantage sur : Lucile Quillet
Journaliste, conférencière et autrice spécialiste de la vie professionnelle des femmes
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