Entretien d’embauche : comment lire le langage corporel du recruteur ?

10 déc. 2020

8min

Entretien d’embauche : comment lire le langage corporel du recruteur ?
auteur.e
Elise Assibat

Journaliste - Welcome to the Jungle

Entre la fascination exercée par le plus célèbre des spécialistes du langage corporel, le Dr Cal Lightman dans Lie To Me et son efficacité avérée pour les professionnels du recrutement dans le décryptage des non-dits des candidats, la communication-non verbale s’est progressivement imposée dans les entretiens d’embauche jusqu’à faire parole d’évangile pour bon nombre de recruteurs. C’est vrai qu’il s’agit là d’un moyen redoutable pour observer les candidats à la loupe, surtout pour cerner leur personnalité. Et si le moment était venu de renverser la tendance en mettant cette discipline au service des candidats ? Car finalement, peu importe la position dans laquelle on se trouve, quand on maîtrise les bons outils pour décrypter l’autre ! Pour réussir à mieux cerner le/la recruteur•se en entretien d’embauche, Julie Salvador, experte en synergologie et coach en communication vocale, nous donne quelques astuces.

Qu’est-ce que la synergologie ?

Que faut-il comprendre de la synergologie ? D’après Julie, on pourrait la définir comme « une discipline dont l’objet permet de décrypter le fonctionnement de l’esprit humain à partir de son langage corporel. » Dans cette logique, le rôle du synergologue est d’appréhender les pensées de son interlocuteur en décryptant son langage corporel. Dans quel but ? Tout simplement réussir à optimiser l’échange et la communication avec son interlocuteur. Pour s’aider, il existe une grille de classification comportant plus de 2 000 codes qui permettent d’observer et d’analyser, de manière complexe et précise, chaque information émise par le corps humain…

Rappelons d’abord que l’on ne peut réellement accéder à l’esprit d’autrui, et de ce fait, chaque information reçue n’est jamais que le fruit d’une interprétation subjective. Un geste peut être relié à ce qu’une personne pense, mais également à ce qu’elle raconte à un moment précis, à son environnement ou même à ce qu’elle ressent en dehors de la sphère professionnelle. « Alors certes, on n’est pas dans la tête de l’autre, mais ce qu’on va observer va nous permettre de questionner intelligemment ses gestes, souligne Julie. Les théories de la synergologie permettent ainsi de pallier le maximum de biais possibles. Notamment en s’intéressant à l’ancrage d’une personne dans une situation précise pour savoir si, par exemple, la personne est dans sa tête ou avec nous. » Et contrairement à la PNL (un ensemble de techniques qui vise à aider un individu à changer la façon dont il perçoit son environnement, ndlr.) , la synergologie n’a pas pour objectif de modifier le comportement des gens. « Lors d’un coaching, on ne va pas apprendre à avoir une gestuelle adaptée, dans la mesure où il n’existe pas de bon ou de mauvais geste. Par contre, on va aider la personne à conscientiser certaines attitudes, ce qui lui donnera une longueur d’avance suffisante pour adapter son comportement et ainsi optimiser n’importe quelle forme de dialogue. »

Pourquoi peut-elle être utile lors d’un entretien d’embauche ?

Si la synergologie peut être d’une grande aide dans la vie de tous les jours, elle l’est d’autant plus en entretien d’embauche. Car il ne faut pas oublier que son but premier est le développement de l’observation pour s’adapter au mieux à l’interlocuteur qui nous fait face. Et quoi de mieux lorsqu’on passe un entretien, que de parvenir à décrypter le fonctionnement d’un recruteur pour maximiser ses chances de l’amadouer ? « Même s’il ne s’agit pas en réalité de réussir à plaire à tout prix… Car si l’on se met d’office dans cette configuration, on prend alors le risque de se conformer à ce que ce dernier attend de nous et on finit par tomber dans une forme de séduction contre-productive, nous met en garde Julie. À coup sûr, on finira par ne plus être nous-même et la communication cessera d’être vraie. Une posture d’autant plus dangereuse si le candidat est par la suite engagé en ayant privilégié les attentes du recruteur avant les siennes. Le temps passé dans l’entreprise risque d’être un peu long pour lui… » Alors laissons tomber le rapport de séduction et parlons plutôt d’adaptation. « Plus le candidat va pouvoir s’adapter à la personne qui lui fait face, ainsi qu’à l’environnement qui l’entoure, plus la communication sera fluide et plus la confiance pourra s’installer. »

Comment décrypter son recruteur ?

Pour apprendre à lire un recruteur, il faut en premier lieu observer ce qui se passe autour de soi plutôt que de se concentrer sur ce que l’on dégage. Si on a souvent tendance à se concentrer sur nos propos et notre manière d’être, on en viendrait presque à oublier le principal intéressé : le recruteur . Or, ne cherchez pas plus loin, chaque indice sur le succès ou non de notre entretien nous sera donné par lui et lui seul, alors ouvrez l’œil ! Tout en restant ancré dans le moment présent bien sûr, sinon on risquerait surtout de passer à côté de l’échange… Tour d’horizon des clés de compréhension pour optimiser sa candidature façon Lie to me.

1. Réussir à s’adapter dès le début

Pour fluidifier toute forme de communication, rien de mieux que l’adaptation. Dès lors que l’on cale notre attitude sur celle de la personne en face, on favorise une synchronisation des mouvements. Et lorsqu’un échange se déroule sans accrocs, les langages corporels se connectent instinctivement entre eux. « Il ne s’agit en aucun cas d’imiter votre interlocuteur, mais plutôt d’être conscient que la base de l’échange sera donnée et guidée par l’autre, dans l’optique d’être ensuite en phase avec lui », détaille Julie. Pour s’adapter, rien de mieux que de laisser de l’espace au recruteur, surtout au début de l’entretien ! La psychologue Linda Blair a d’ailleurs théorisé l’idée selon laquelle tout se passerait dans les sept premières secondes car, semble-t-il, celles-ci seraient suffisantes pour se forger une impression. Ce très petit laps de temps est d’autant plus essentiel qu’il constituerait à lui seul un biais d’influence tout au long de l’entretien. Mais si, en tant que candidat, vous êtes jugé sur ce premier contact, c’est aussi le moment pour vous de décrypter le personnage d’entrée de jeu ! Est-il amical, stressé, en retrait ? Selon ces trois états vous n’allez évidemment pas vous adresser à lui de la même manière. « Si le recruteur semble distant, ce n’est peut-être pas la peine de venir trop vers lui en envahissant son espace, car cela peut signifier qu’il garde volontairement cet éloignement pour mieux vous évaluer… », précise Julie. Bref, à vous de repérer les signaux faibles !

2. Discerner facilement le bon feeling…

Globalement, tout le monde est à peu près capable de sentir instinctivement si un entretien se passe bien. Mais dans le doute, voici quelques clés pour vous confirmer cette bonne impression :

  • L’intérêt

Si le recruteur est ouvert à la communication et qu’il témoigne d’un réel intérêt pour votre candidature, sa chaise devrait être positionnée au centre de la table et le corps penché en avant vers vous.

S’il touche la zone du front, c’est qu’il réfléchit ! Cela signifie non seulement qu’il est réellement intéressé par vos propos, mais aussi qu’il est en train de les intégrer, voire de se projeter ?

S’il cligne les paupières c’est bon signe ! Cligner des yeux permet de mémoriser une information donnée, ce qui témoigne de son ancrage dans le moment présent.

  • L’enthousiasme

Des sourcils en mouvement sont toujours très positifs, car la zone des sourcils symbolise le lien. Cela veut dire qu’on va à la rencontre de l’autre. C’est d’ailleurs pour cette raison que les personnes figées ont souvent l’air moins sympathiques…

S’il sourit en réaction à vos propos, Bingo ! C’est presque toujours un signe de satisfaction ou d’encouragement. Pour déceler un vrai sourire franc, rappelez-vous qu’il se fait avec tout le visage, contrairement au sourire social qui se concentre seulement sur le bas du visage. Lorsqu’on sourit vraiment, ça se voit et ça s’entend ! Alors ne voyons pas le masque comme un obstacle aux sourires, mais plutôt comme un moyen de détecter enfin les vrais des faux.

3. … et le mauvais feeling

Beaucoup moins facile à cerner, voici quelques détails clés qui sont souvent mauvais signe… Le but étant de les repérer le plus vite possible pour, bien sûr, changer la donne en votre faveur !

  • Le mécontentement

Si le recruteur se gratte la zone de la joue, cela relève de l’agacement et de l’énervement. Réfléchissez à ce que vous avez bien pu dire ou laisser sous-entendre pour rectifier le tir !

S’il est avancé sur sa chaise pendant que vous parlez et que d’un seul coup il recule, c’est qu’il se met en retrait de la communication. Autrement dit, quelque chose dans vos propos lui a déplu ou lui a demandé un recul qu’il n’avait pas envisagé. Il va alors falloir trouver une astuce pour le ramener au cœur de la communication. Peut-être faut-il s’intéresser en amont à l’entreprise pour être capable, une fois dans cette situation, de le ramener vers nous en lui posant une question précise, ou d’intérêt concernant son poste ou l’entreprise plus généralement ?

S’il se gratte dans la zone du cou, c’est que la communication est compliquée, que quelque chose passe difficilement, et s’il croise les mains derrière la tête, c’est que l’échange est un peu trop lourd à son goût. À ce moment-là, il convient de simplifier ce qu’on l’est en train de raconter ou même d’abréger à l’aide d’un « pour synthétiser » ou encore d’un « pour conclure ». Toujours efficace.

  • L’incertitude

Si la personne bouge constamment sur sa chaise et qu’elle a du mal à se positionner physiquement, mais aussi qu’elle n’arrive pas à se positionner dans sa tête. Cette difficulté à “faire un choix” sera également visible au travers de micro démangeaisons au niveau du menton car cette zone symbolise le doute. Alors à vous de jouer pour trouver les bons arguments !

Si le recruteur est stressé, vous allez l’entendre, car la voix devient plus sèche et saccadée lorsqu’elle est sous pression. Il faut être à l’écoute de son débit : si ce dernier augmente, cela signifie qu’il faut passer à autre chose !

  • L’impatience

Si le recruteur pose un doigt sur sa bouche, c’est certes qu’il attend que vous ayez fini de répondre, mais surtout qu’il a vraiment envie de parler à son tour. Il est alors important d’abréger pour laisser la place à l’autre. Un entretien, c’est d’abord et avant tout une question d’échange !

Des tapotements de plusieurs petits coups sur la table, avec les doigts ou avec un objet, signifient que la réponse ne va pas assez vite pour lui. C’est le moment d’accélérer le rythme.

  • L’ennui

Si le recruteur ne cligne plus des paupières ou que très rarement, c’est souvent que vous l’avez perdu, est-ce bien vous qu’il fixe en hochant la tête ? Dans ces cas-là, vous observerez une certaine immobilité du corps puisque la personne se fige alors dans sa position. À votre tour de l’intéresser en le ramenant dans la communication le plus vite possible ! Peut-être avec une référence bien placée ou une question stratégique ?

  • L’autorité

Si le recruteur est en retrait, c’est qu’il marque une distance physique avec le candidat. Et s’il replace sa cravate, sa veste, son collier, s’il remonte son pantalon, sa jupe, ou encore s’il a tendance à se toucher la zone de la moustache, cela signifie qu’il cherche à repositionner son autorité. Dans cette situation, il semble judicieux de témoigner votre respect pour la hiérarchie en ne cherchant pas à envahir l’espace. Aussi, on peut subtilement mettre en avant son autorité, puisqu’il a besoin de l’affirmer, en posant une question stratégique sur sa position dans l’entreprise, par exemple…

Pour bien observer, il n’y a pas de secret : il faut d’abord être à l’aise avec le fait d’être observé et évalué. C’est bien cela qui est souvent à l’origine du stress dégagé par les candidats, avec la peur de ne pas pouvoir répondre aux questions épineuses… Or, ce stress, bloque l’interaction autant que l’analyse. Voilà pourquoi il est essentiel d’arriver dans une démarche positive et préparée : difficile de dégager de la confiance sans être confiant soi-même. C’est donc en restant ouvert, attentif au recruteur qui nous fait face et en s’adaptant à l’environnement qui vous entoure, que vous mettrez toutes les chances de votre côté. Et maintenant, à vous de jouer !

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