Managers : 4 tips pour des prises de parole qui influencent positivement votre équipe
18 juil. 2024
5min
Vous voyez cette scène culte du Loup de Wall Street où, dans la peau de Jordan Belfort, Leonardo DiCaprio transforme son auditoire de courtiers en bourse en une foule en délire ? Quelques mots, une bonne dose d’énergie, beaucoup de culot et les voilà changés en « terroristes du téléphone », capables de vendre des milliers d’actions… Et vous, managers, que se passe-t-il lorsque vous prenez la parole devant votre équipe ? Est-ce finalement votre rôle de les galvaniser avec de beaux discours ? On a posé la question à nos experts du Lab, Luc Bretones et Alexis Eve.
« La prise de parole, c’est comme un massage, lâche Tristan, à la tête d’une rédaction. Si on est tendu et qu’on n’y prend pas de plaisir, ce ne sera agréable pour personne. » Lorsqu’il prend la parole en public, ce manager n’hésite pas à se donner corps et âme pour séduire son auditoire. Comme cette fois où, devant 300 personnes, il est arrivé déguisé en hot dog pour illustrer son propos sur deux éléments qui créent l’évidence d’une rencontre. Jeux, costume, pièce de théâtre, Tristan puise sans cesse dans sa malle à créativité pour embarquer son équipe. « C’est un truc très personnel qui me pousse à rendre tout ce qui est corpo un peu moins embêtant, explique-t-il. Quel que soit le sujet, je cherche à l’encapsuler dans un univers le moins banal et réplicable possible. Bref, je personnalise mon discours. » Et, bien souvent, ça marche. « Je vois que les gens prennent du plaisir, reconnaît-il. Ça me différencie d’autres managers qui peuvent paraître plus convenus. Il y a clairement une prise de risques, je me mets en danger. Chaque prise de parole est un jeu d’équilibriste, mais c’est mon style. »
Conseil n°1 : parlez peu, parlez vrai
La prise de parole en public est inhérente à la fonction de manager. Selon le dernier baromètre Whistcom-OpinionWay paru en 2023, ils sont 96 % à s’exprimer devant leur équipe. Des prises de paroles jugées influentes sur la vie d’équipe puisqu’elles contribueraient à alimenter le sentiment d’utilité (77 %), l’implication au travail (75 %), la fierté d’appartenir à une équipe (74 %) et favoriserait la fidélité à l’entreprise (73 %). Ces moments seraient ainsi jugés importants pour la vie de l’entreprise pour 72 % des salariés interrogés. Mais de plus en plus exposés à ces pitchs, l’auditoire des collaborateurs se montre plus exigeant qu’auparavant. Ainsi, toujours selon ce sondage, moins de deux tiers d’entre eux jugent ces discours utiles, près d’un sur deux estiment ne rien en apprendre et 57 % les jugent uniquement descendants. S’il est établi que les messages ont plus de poids lorsqu’ils sont diffusés à l’oral plutôt qu’à l’écrit (72 %), managers : mieux vaut tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de prendre la parole.
« Les grands discours de grand timonier n’ont pas de raison d’être en entreprise, affirme avec conviction Luc Bretones, expert en nouvelles gouvernances. Rechercher l’originalité pour l’originalité c’est du bullshit. Il faut être soi, simple et authentique. Ce qui compte avant tout c’est de livrer un message court avec sincérité. Le manager n’est pas là pour faire un exercice de vente. Il n’a pas à vendre des rêves, ni à envelopper et travestir la réalité, c’est superficiel. L’entreprise n’a pas besoin d’une rockstar, mais de quelqu’un qui dit les choses avec vulnérabilité. D’un manager qui a besoin de son équipe. » Tristan en sait quelque chose. S’il ne rechigne pas à endosser un costume pour convaincre, c’est en incarnant son propre personnage qu’il se présente à son équipe, sans masque ni artifice. « Je suis comme ça, c’est vraiment moi, avoue-t-il. Je suis excentrique et je m’adresse à une équipe créa, donc mon style fonctionne. C’est au manager de personnaliser sa prise de parole et l’adapter à sa cible pour qu’il y ait toujours une cohérence. »
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Conseil n°2 : oubliez le talent, préparez-vous
Alors quoi ? On y va au talent ? Les mains dans les poches et on improvise avec créativité ? Le pari est risqué. En témoigne le malaise provoqué par la dernière chronique improvisée de Frédéric Beigbeder sur la radio France Inter. « C’est là où le syndrome de l’imposteur permet à ceux qui doutent d’eux, de s’en sortir mieux que les orateurs naturels, assure Alexis Eve, coach de managers et dirigeants. Un bon manager doit toujours préparer sa prise de parole. Il faut consacrer à la préparation au moins ¼ du temps de la prise de parole. Donc 15 minutes pour un discours d’une heure. Indépendamment de ce que l’on dit, ça témoigne de l’énergie qu’on transmet à son équipe et du respect qu’il lui accorde. »
Attendu au tournant, Tristan doit sans cesse se renouveler et redoubler d’énergie. « Évidemment, ça nécessite plus de travail que si je me contentais de passer des slides », souffle-t-il. Bien loin de l’improvisation, chacune de ses prises de parole s’accompagne d’un travail méticuleux. « La forme est tributaire du fond », assure-t-il. L’écrin dans lequel il insère son discours n’est que le vernis qui ajoute de la couleur à son message pourtant bien structuré. « J’écris tout, je bâtis mon discours : les titres, les intertitres, tout est pensé dans le détail, avoue-t-il. Et, une fois écrit, je répète, parfois j’apprends par cœur. Je travaille ma voix, le ton, les silences. » Un travail de longue haleine qui seul permet de tenir son auditoire en haleine.
Conseil n°3 : ne cherchez pas la lumière, visez la clarté
« Avant de prendre la parole, le manager doit se demander : qui ai-je en face de moi ? Qu’est-ce que je veux transmettre ? Et qu’est-ce qu’ils vont entendre ? », recommande Alexis Eve. De toutes les qualités essentielles au manager orateur, l’empathie et la clarté sont les plus plébiscitées. « L’erreur la plus commune consiste à penser que ce qui est important c’est ce qu’on dit, pas ce que les gens entendent, reprend l’expert. Pourtant, il faut toujours se demander : qu’est-ce que l’auditoire a compris ? » Pour y parvenir, il suggère de bannir l’attitude qui consiste à omettre de son pitch « ce qui ne mérite pas d’être rappelé parce que ça relève du bon sens ».
« Il faut surexpliciter et répéter tout le temps, assure-t-il. Soyez archi-explicite. Dites-en peu et trouvez 30 variantes pour le dire. On sous-estime grandement l’effet “lost in translation’’. » Pour les prises de parole qui relèvent du « tout venant », l’expert suggère de fonctionner par bullet-point et de clarifier sa pensée en les emboîtant comme des legos. Autre astuce qui repose sur une règle d’or du storytelling à la Pixar, « formulez votre discours avec les coordinations “mais’’ et “donc’’, conseille-t-il. Évitez le “et’’ qui apporte un nouvel élément, souvent perturbateur du récit. Tout doit être interconnecté. »
Conseil n°4 : oubliez-vous, donnez la parole aux autres
S’exprimer avec clarté pour livrer des informations clés, c’est important affirment d’une seule voix nos deux experts. Pour autant, il ne faut pas accaparer la parole. Selon Alexis Eve, il faudrait consacrer idéalement un quart du temps au discours et trois-quart aux questions de l’auditoire. Luc Bretones va encore plus loin : « En entreprise, comme en politique, la parole est monopolisée par le chef, elle est autocentrée. Pour quoi faire ? À partir du moment où on regroupe des personnes pour échanger sur un sujet, il est préférable de solliciter le collectif pour faire émerger des décisions collectives, plutôt que d’effectuer une prise de parole descendante. »
Pour casser avec la figure du manager bon orateur qu’il juge paternaliste et datée, l’expert suggère de rompre avec la configuration traditionnelle de la prise de parole : « L’auditoire installé autour d’une scène et un pupitre, c’est très théâtral. Il faut regrouper les chaises en petits cercles pour que l’énergie circule et décentralise l’autorité. » Selon lui, le manager doit quitter son costume d’orateur pour revêtir celui de « facilitateur ». Un manager qui distribue la parole et qui s’assure que tous les membres de l’équipe s’expriment. « S’il doit prendre la parole pour partager des informations, qu’il soit bref et focus sur quelques priorités, recommande-t-il. On peut dire beaucoup de choses en dix minutes. Il faut avant tout profiter de ce temps pour imaginer des solutions ensemble et de manière transverse. »
DiCaprio sur une estrade, micro en main, qui harangue une foule en délire ? L’image est un peu désuète. « On est allés un peu trop loin dans le mythe du manager paternaliste, reconnaît Alexis Eve. Mais l’inverse est vrai aussi. Il ne faut pas aller trop loin dans l’image de la pyramide inversée. La prise de parole du manager est l’occasion pour lui d’endosser sa casquette de leader, aussi vulnérable soit-il. Il ne doit pas se défausser et assumer sa responsabilité vis-à-vis de l’équipe. »
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Article écrit par Gabrielle de Lyones et édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.
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