Poser de bonnes questions en entretien, tout un art ! Les conseils d'un expert
09 juin 2021
7min
AS
Journaliste freelance
L’entretien d’embauche s’est bien déroulé, vous avez senti que le courant était passé, que votre profil plaisait, quand soudain on vous demande si vous avez des questions. Et là, c’est le néant, vous ne savez pas quoi dire, vos mains deviennent moites et vous balbutiez un « non, je crois qu’on a tout couvert… » Pourtant, vous auriez bien aimé poser quelques questions, et vous pensez que le recruteur aussi aurait aimé que vous lui en posiez. Alors comment s’y prendre ? Que demander ? Existe-t-il des questions à ne pas poser ? Mohamed Achahbar, recruteur et formateur à l’école du recrutement, nous livre ses secrets et ses conseils pour poser des questions pertinentes, en toute tranquillité.
De l’importance de poser des questions
Pourquoi sommes-nous stressés lorsque vient le moment de poser des questions ? Peut-être parce que nous savons qu’il s’agit d’un exercice en soi ? En effet, pour Mohamed Achahbar, c’est l’occasion de montrer ce qu’on a compris ce qui était attendu de nous, qu’on a un bon raisonnement, qu’on est curieux et surtout qu’on se projette dans le poste : « Quand on pose des questions, c’est pour éclaircir les zones d’ombres qui nous sont apparues, et cela permet au recruteur de voir qu’on se positionne personnellement vis-à-vis du poste. » Mais il ne faut pas oublier que les questions servent principalement à en savoir plus : « Vous avez candidaté avec des informations partielles, vous ne saviez pas tout du poste et le recruteur ne savait pas tout de vous. L’entretien est justement là pour régler cette asymétrie d’information. » Attention toutefois à ne pas « poser des questions juste pour en poser. » Pas d’inquiétude, le guide qui suit vous aidera à ne pas faire de boulette.
Quel est le bon moment pour poser des questions ?
Cela peut paraître curieux, mais pour pouvoir bien poser des questions lors de l’entretien, il faut savoir quand vous pouvez les poser. « Un recruteur peut avoir un guide d’entretien dans lequel il prévoit un moment à la fin pour les questions. Mais la plupart du temps, il peut aussi chercher une conversation avec vous et alors il ne faut pas hésiter à poser des questions dès qu’elles vous viennent à l’esprit », explique Mohamed Achahbar. Assurez-vous donc, avant l’entretien ou au début, qu’une séance de questions est prévue à la fin ou si vous pouvez en poser au fur et à mesure.
Si les questions sont réservées pour la fin, n’hésitez pas à vous saisir d’un stylo et d’un carnet : « Personnellement, les questions qui me viennent au début de l’entretien m’ont échappé à la fin. Donc je les note au fur et à mesure », conseille le spécialiste du recrutement. Maintenant qu’on sait quand les poser, il faut savoir quoi demander !
Quoi demander ?
1. Les questions sur le poste
Mohammed Achahbar aime beaucoup la punchline : « L’échec prospère là où il y a de l’ambiguïté. » Autrement dit, puisqu’il s’agit de votre potentiel futur travail, assurez-vous de bien avoir toutes les informations nécessaires pour faire le bon choix. C’est pour cette raison qu’il est impératif de se préparer en avance et d’identifier les zones d’ombre dans l’annonce ou lors de l’entretien de préqualification. Par exemple, savez-vous quels seront les objectifs à atteindre ? Si vous avez un budget à gérer, quelle en est la taille ? Si vous avez le moindre doute, n’hésitez pas à demander.
Mais pour faire mouche, Mohammed Achahbar nous livre son petit secret : « J’ai une astuce pour les candidats : demandez au recruteur pourquoi il vous a contacté. Avec un peu de chance, le recruteur va énumérer les parties de votre dossier qui l’ont intéressé. En tant que candidat, c’est de l’or. Ça vous permettra d’orienter vos réponses pendant l’entretien (ou les suivants) et d’accentuer les forces de votre candidature. » Essayez donc de poser cette question au début de la rencontre, surtout que la réponse peut aussi vous aider à réaliser qu’il y a eu une erreur de casting. « Si vous réalisez que les choses qui ont attiré l’œil du recruteur sont justement celles qui ne vous intéressent plus, qu’il a mal compris votre CV, alors vous pourrez doucement faire couler l’entretien pour éviter une embauche qui ne vous emballe pas. »
2. Les questions sur l’entreprise elle-même
Profitez de l’entretien pour en savoir un peu plus sur les personnes avec qui vous serez amené à travailler ou sur l’organisation. Vous pouvez par exemple poser des questions sur l’ambiance de travail, sur l’objectif à long terme de l’entreprise, sur sa politique de télétravail de l’entreprise ou encore à demander pourquoi elle recrute. « C’est important et intéressant de savoir comment l’entreprise en est venue à prendre la décision d’embaucher. Est-ce que c’est à cause d’un accroissement d’activité, ce qui vous indiquera que l’entreprise se porte très bien. Ou alors d’une réorganisation de l’entreprise, qui cherche à conquérir un nouveau marché ? » Tous les indices sont bons à prendre. Mais attention à bien faire le tri entre les informations sur lesquelles la boîte a déjà communiqué et celles qui vous manquent. Si non, votre interlocuteur pourrait croire que vous ne vous êtes pas renseigné ou que vous ne l’avez pas écouté.
3. Les questions sur le processus de recrutement
Quand on arrive en entretien, on peut ne savoir quelles seront les étapes d’après. Si c’est le cas, vous pouvez donc demander des détails sur la suite du processus. Y aura-t-il d’autres entretiens ? Combien de temps faut-il compter pour que le recrutement soit bouclé ? « Il faut pouvoir savoir s’il y a des tests psychologiques ou des épreuves à passer. Ou bien ce que l’on appelle un échantillon de travail, où l’on va demander au candidat de rendre un petit rapport en 24h. Bref, il faut pouvoir se projeter ». Cela vous évitera peut-être d’attendre impatiemment pendant des jours une réponse alors que celle-ci n’arrivera que dans deux mois.
4. Les questions sur le recruteur
Ça peut paraître étrange, pourtant vous pouvez tout à fait interroger votre recruteur sur le plan “personnel”. « Demandez depuis quand il ou elle travaille dans cette structure, pourquoi celle-ci lui plaît et lui donne envie de rester. Ça renverse les rôles, mais lui·elle est aussi là pour ça, pour vous présenter son entreprise. » Les recruteurs ne s’y attendent pas toujours, c’est pourquoi Mohamed Achahbar recommande de poser cette question à la fin de l’échange et en fonction de comment s’est déroulé l’entretien. « S’il y a une bonne atmosphère, il ne faut pas avoir peur de poser ce type de questions. Parce qu’en tant que recruteur, on n’a pas peur de recevoir ce genre de questions quand ça fait 45 minutes qu’on interroge une personne sur tout et n’importe quoi. C’est un juste retour des choses et il n’y a pas meilleur exemple que nous-mêmes ! » Et puis, entre nous, qui n’aime pas parler de soi ?
Y-a-t-il des questions à ne pas poser ?
« Je ne dirais pas qu’il y a de bonnes ou de mauvaises questions, mais il y en a qui peuvent mal passer, tempère Mohamed Achahbar. Les questions qui sont relatives aux tickets restaurants ou ce genre de choses, par exemple. Alors qu’on essaye dans un entretien d’élever la conversation pour pouvoir se projeter à long-terme, ces questions salariales sont un peu trop très terre à terre, en particulier pour un premier entretien. C’est comme quelqu’un qui regarde attentivement les prix du menu lors d’un rendez-vous amoureux. » Le problème, c’est que vu qu’on ne connaît pas ce travail, ce sont ces avantages qui vous donneront envie de rejoindre une entreprise et il est donc bien normal de vouloir se renseigner à ce sujet. Alors comment savoir quels sont les avantages proposer, sans froisser ? Ce n’est qu’une question de formulation : « Si vous voulez savoir combien vous serez payé ou le montant des tickets restos, plutôt que de demander “Quel est le montant du salaire ?”, dites : “Comment est pensée la rémunération chez vous ?” »
Comment faire si on a un doute sur la pertinence de sa question ?
Il arrive qu’une question nous traverse l’esprit mais qu’on pense avoir déjà entendu ou lu la réponse. Pas de souci, on n’est jamais à l’abri d’un oubli ou d’un doute, « Il ne faut pas hésiter à assumer son incertitude et dire “Au risque de paraître idiot si vous me l’avez déjà dit ou que vous me l’avez déjà communiqué, je voudrais savoir…” » Il n’y a pas de questions interdites, nous devons juste passer plus de temps à réfléchir à comment les poser. « Il faut communiquer l’émotion qui accompagne une question. Si c’est le doute, alors on peut être stressé ou angoissé de poser la question. Nommer cette ou ces émotions vous aidera à les surmonter, vous serez plus calme, plus naturel et vous pourrez poser votre question avec sérénité. »
Donc on n’hésite pas à dire : « Je ne sais pas si je devrais être au courant, et je m’excuse si c’est bien le cas, mais je voudrais savoir… » Ou encore : « J’ai un doute sur la pertinence de cette question mais je préfère tout de même l’éclaircir avec vous… »
Et si jamais on n’a pas de questions ?
Cela peut arriver. L’entretien touche à sa fin et… pas de question ! Même après avoir lu tout un article sur Welcome to the Jungle. Aucune inquiétude, Mohamed Achahbar a un remède à cela aussi : « Déjà, on respire. Ce n’est pas grave de ne pas avoir de questions ! Le plus simple c’est de dire : “Je vous avoue que je suis toujours en train d’emmagasiner toutes les informations et je n’ai pas de questions qui me viennent à l’esprit, mais je n’hésiterai pas à revenir vers vous pour vous en poser par e-mail dans les jours qui viennent.” »
« Souvent avec l’entretien, on a tellement d’informations qui rentrent en si peu de temps qu’il peut être difficile de réagir à chaud. Mais c’est aussi l’intérêt d’en préparer une ou deux en amont. » Vous pouvez aussi préparer votre propre grille d’entretien pour établir ce que vous savez et ce que vous ne savez pas pour identifier les points d’interrogation restants. N’hésitez pas ensuite à cocher au fur et à mesure les sujets abordés lors de la discussion pour éviter de reposer les mêmes questions.
N’oubliez pas, l’entretien est une rencontre, autant pour vous que pour le recruteur. Vous ne passeriez pas tout un rendez-vous amoureux sans poser seule une question, en entretien c’est pareil ! Surtout que maintenant, vous savez poser les bonnes.
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Photo by WTTJ
Édité par Gabrielle Predko
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