Psycho Boulot : pourquoi la volonté ne suffit pas toujours pour agir ?

Publié dans Psycho Boulot

19 sept. 2022

auteur.e
Soline Cuilliere

Journaliste vidéo - Welcome to the Jungle

contributeur.e

PSYCHO BOULOT - Pourquoi procrastine-t-on parfois au travail alors qu’on est “sous l’eau” ? Pourquoi imagine-t-on toujours le pire au boulot comme dans la vie ? Pourquoi travaille-t-on 5 jours par semaine et pas 3, 4 ou 6 ? Ou encore, pourquoi a-t-on décidé que les weekends étaient une bonne idée ? Découvrez Psycho Boulot, la série qui vous offre un divan confortable où aborder les questions existentielles du monde du travail, et prendre (enfin) un coup d’avance sur votre cher cerveau grâce à notre expert du Lab Albert Moukheiber.

Ça y est, vous avez pris LA décision : vous allez changer de vie, vous allez changer de taf, vous allez vous mettre au sport… En bref, vous déclarez une très forte intention d’agir. Mais voilà, quelques mois passent et… il ne se passe rien. Au bout d’un moment, vous abandonnez même l’idée. Ce n’est pas seulement une question de volonté parce qu’elle est bien présente. Mais alors pourquoi est-ce qu’on se résigne sans avoir parfois rien tenté ?

L’impuissance acquise : cette fausse croyance qui nous pousse à l’inaction

Cette notion de « qui veut, peut » n’est pas tout à fait vraie. De nombreuses expériences en psychologie ont montré que d’autres facteurs viennent moduler la résignation. Une expérience très connue a été faite dans les années 50 : elle s’appelle l’impuissance acquise.

Deux chiens se retrouvent dans deux cages similaires. Dans chaque cage, il y a une ampoule et un levier, et le sol est électrifié de sorte qu’on puisse délivrer de légers chocs électriques.
Les chiens sont alors dans deux situations distinctes :

  • Le chien A : lorsque la lumière baisse, un choc électrique est annoncé. Si le chien appuie sur le levier, il s’arrête automatiquement. On va donc apprendre au premier chien qu’il peut agir sur le facteur choc électrique.
  • Le chien B : lorsque la lumière baisse, même chose un choc électrique est sur le point de survenir. Mais si le chien appuie sur le levier, il ne se passe rien. On va donc apprendre au deuxième chien qu’il ne peut pas agir sur ce facteur choc électrique.
    Après plusieurs essais, le chien A sait qu’un choc électrique va arriver dès que la lumière baisse. Par conditionnement, il va appuyer sur le levier pour l’éviter, tandis que le chien B, lui, va se résigner. Il se couche, pleure et se fait électrocuter en attendant que ça passe.

Par la suite, quand on prend ces deux mêmes chiens et qu’on les met dans une nouvelle cage sensiblement similaire à la première, à la différence près qu’il n’y a plus de levier et que la cage est divisée en deux parties (l’une électrifiée, l’autre pas), leurs comportements vont encore une fois différer :

  • Le chien A : quand la lumière diminue, il se dit : « Merde, je vais me faire électrocuter, mais je n’ai plus de levier. Que dois-je faire ? » Grâce à la croyance intérieure qu’il peut agir sur cet effet, il va partir en exploration, traverser la moitié de la cage et se retrouver en sécurité. Et à chaque fois que la lumière baisse, il va savoir qu’il faut qu’il parte sur la deuxième moitié de la cage.
  • Le chien B : quand on le met dans la première moitié de la cage, il n’a pas de problème physiologique. Il peut la traverser sans aucun problème. Mais comme il a cette croyance qui ne peut pas agir dessus, quand la lumière baisse, il ne va même pas essayer d’aller dans l’autre moitié. Il va se résigner et développer ce qu’on appelle une « impuissance acquise ».

La bonne et la mauvaise résignation

L’impuissance acquise, c’est cet ensemble de croyances qui nous laissent à penser qu’on ne peut rien faire, si bien qu’on n’essaie même plus. On est résigné avant même d’avoir essayé. Le genre humaine est particulièrement sensible à cette impuissance acquise : on n’essaie pas de changer des choses quand on croit que ce n’est pas possible. Ce qui est au final très rationnel et cohérent. Ce qui l’est moins, en revanche, c’est le fait de ne jamais douter de ces croyances.

Dois-je croire que je ne peux pas reprendre les études parce que je suis peut-être un peu trop vieux et que ma carrière est déjà derrière moi sont vraiment des croyances qui sont encore adaptées ? Avec le monde du travail qui change, est-ce qu’on ne devrait pas défier ces croyances qui peuvent parfois nous pousser à nous résigner un peu trop vite ?

Mais il ne faut pas non plus croire que se résigner est une mauvaise chose. C’est vrai qu’on a une sorte de vision très négative de la résignation d’avoir abandonné, d’avoir échoué. Einstein disait : « La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent. » Parfois, ça fait aussi du bien de se dire « J’ai échoué et ce n’est pas grave. » Et que la résignation est un outil parmi d’autres qu’on peut utiliser au besoin.

Article édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps

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