« 3 qualités, 3 défauts », comment répondre en entretien d'embauche ?
28 juin 2018
6min
« Citez-moi 3 qualités et 3 défauts. » Qui ne s’est pas un jour vu poser cette question ou une variante en entretien d’embauche ? Si tous les recruteurs n’adhèrent pas à cette formulation, nombreux sont ceux pour qui elle reste un incontournable de l’entretien d’embauche. Dès lors, comment construire une réponse qui vous ressemble vraiment et répondre aux attentes du recruteur ?
Une fausse bonne question ?
Comme le souligne Audrey Boufflers, Staffing Manager chez L’Oiseau Rare : « Cette question est tellement courante que les candidats sont formatés. » En classe prépa, en école de commerce, en période de candidature, elle reste une question largement « préparée ». Sauf que la plupart, pour trouver un défaut qui n’en est pas un, opte pour une réponse bateau. Mais qui voudrait d’une réponse tarte à la crème ? Personne et sûrement pas un recruteur.
« Dynamique », « motivé », « rigoureux » sont devenus des qualificatifs usés et vidés de tout leur sens. Le pire entre tous ? « Perfectionniste ». Les recruteurs détestent cette réplique qui ne veut plus rien dire. Et si l’on creuse un peu, le perfectionniste est tout sauf un collaborateur de choix : il craint de se lancer de peur de mal faire et a du mal à clôturer un projet car il veut toujours faire mieux. Les recruteurs ne cherchent pas la neutralité et répondre de façon mesurée semble finalement être une fausse bonne idée.
Audrey Boufflers plaide pour une autre approche : guider l’entretien d’embauche de sorte à comprendre et cerner au mieux le candidat sans poser de front cette question devenue presque rhétorique. Pour cette spécialiste du recrutement, « c’est le job du recruteur de déceler les qualités et défauts du candidat, d’aller chercher des éléments de réponse dans l’échange sans avoir à formuler cette question éculée. »
It’s a match
En entretien, et avec cette question en particulier, le véritable objectif du recruteur est d’évaluer l’adéquation du candidat avec l’entreprise afin de prendre des décisions. Il sait, a priori, pour chaque poste à pourvoir, les qualités qu’il aimerait retrouver chez le candidat et les défauts qui n’empièteront pas sur la mission. Il va donc aller débusquer les traits de caractère et de personnalité de celui ou celle qu’il évalue et questionner leurs potentielles conséquences positives et négatives dans le cadre du travail.
Comme le souligne Audrey Boufflers, « _il n’y a pas de qualités et de défauts bons en soi. Juste une façon d’être. Chaque personne correspond à un poste, une culture d’entreprise, une équipe et le talent du recruteur, c’est de percevoir en peu de temps si le mode de fonctionnement du candidat peut coller avec le mode de fonctionnement de l’entreprise. _» Et la réciproque est vraie. Vous choisissez une entreprise autant qu’elle vous choisit.
Apprendre à se connaître
Pour réussir en entretien d’embauche et répondre efficacement à cette question des “plus” et des “moins”, il convient donc de connaître ses fondamentaux. Qui suis-je ? Qu’est-ce que j’aime ? Qu’est-ce que je déteste ?
L’introspection
On n’a jamais fini de se connaître et il ne suffit pas d’identifier quelques qualités et défauts pour comprendre ses atouts et points d’attention dans la sphère professionnelle. Il y a les forces qui sont de l’ordre de la compétence, de l’expertise, de l’expérience et celles qui sont de l’ordre de l’intelligence émotionnelle et tout aussi précieuses, d’un point de vue transverse, pour aborder le monde du travail.
Il existe de nombreux outils pour entamer cette introspection. Quelques options empruntées aux RH et au développement personnel pour amorcer la réflexion :
1 - Effectuer le célèbre test de personnalité MBTI plébiscité par les RH pour identifier les modes de fonctionnement et le profil type des candidats ou collaborateurs.
Le test vous permettra d’obtenir une grille de lecture de votre profil et de mettre le doigt sur certains aspects de votre personnalité mais attention, il ne constitue pas une fin en soi ni un portrait irréfutable. Les résultats obtenus devront donc être relativisés.
2 - Définir ses forces et ancrages en développant les éléments suivants :
- Mes valeurs
- Mes motivations
- Mes compétences
- Mes ressources
- Ce que j’apporte au groupe
- Mon petit « plus »
3 - Construire une réponse en tournant autour de la question :
- Qu’est-ce que j’adore faire ?
- Qu’est-ce que je déteste faire ?
- En quoi suis-je doué(e) ?
- Qu’est-ce que je prends du temps à faire ?
- Qu’est-ce que j’aimerais changer dans ma façon de fonctionner ?
Vous cherchez un job fait pour vous ?
Le regard des autres
Au terme de cette première introspection, il sera toujours instructif de consulter son entourage. L’introspection reste une auto-analyse réalisée au travers de votre prisme. Pour valider, infirmer des éléments ou ouvrir le champ d’investigation, demandez à cinq personnes de répondre aux cinq questions suivantes et confronter le tout.
- Comment me définirais-tu en tant que personne ?
- Comment me définirais-tu en tant que professionnel(le) ?
- Quelles sont mes forces ?
- Quels sont mes points d’optimisation ?
- Comment me verrais-tu évoluer ?
Pour plus d’objectivité et de transparence, vous pouvez créer un questionnaire anonyme et demander à votre entourage de le compléter le plus honnêtement possible.
Éloge de l’imperfection
Ce qui est décisif dans un processus de recrutement, pour Audrey Boufflers, c’est de faire comprendre qui on est vraiment. Comme elle le souligne : « Nous sommes souvent priés de répondre avec un défaut qui n’en serait pas un alors que nos défauts déterminent aussi qui nous sommes. Chaque trait de notre personnalité nous définit et fait de nous une personne unique. Et en effet, si tous les candidats sont dynamiques, motivés, perfectionnistes, alors le processus de recrutement n’a plus aucun sens. Pour performer dans un échange, il faut avant tout être fier de son parcours, de son histoire, se présenter de façon authentique, avec confiance et sans complexe. L’essentiel est d’assumer qui nous sommes et qui nous ne sommes pas. »
Pour reprendre les mots de Jean Cocteau : « Ce que l’on te reproche, cultive-le, c’est toi ».
Et si on éludait la question ?
Concrètement, une fois les fondamentaux posés, que faut-il savoir pour construire une réponse respectable à la question des qualités et des défauts ?
Pitcher son histoire
Vous voulez échapper à cette question ? C’est possible. Il faut amener vos défauts et qualités sur la table avant même que le recruteur ne pose la question. Faire le job avant qu’il ne le fasse, c’est tout bénef’ : vous être maître de la manière de présenter la chose et vous évitez la question fermée qui vous empêche de vous justifier. Audrey Boufflers recommande de raconter son parcours, porter son histoire, prendre soin de formuler, pour chaque expérience professionnelle ce qui vous a plu ou moins plu. Un recruteur aguerri saisira la perche et cherchera dans vos réponses les traits de caractère souhaitables pour le poste.
Un peu de rhétorique…
La forme compte aussi pour beaucoup dans votre réponse.
Privilégier le « je » au « on dit de moi que » ; l’usage de la première personne permet de montrer à votre potentiel employer que vous vous connaissez bien et que vous assumez pleinement votre potentiel et vos fêlures.
Préférez les périphrases. Autrement dit, choisissez d’expliquer vos forces et faiblesses avec des phrases plutôt qu’avec un seul mot qui pourrait déplaire au recruteur. Comme le suggère Audrey Boufflers, mieux vaut dire « je suis une personne qui aime faire ceci, qui n’aime pas faire cela, qui sait procéder ainsi… » que de citer trois adjectifs et défauts qui pourraient effrayer le recruteur. Les phrases permettent de diluer un peu le propos et de ne pas faire une réponse trop tranchée ou trop risquée que le recruteur pourrait prendre au pied de la lettre.
…Et beaucoup de bon sens !
Dernière recommandation pour briller : faites-preuve de bon sens et ancrez la question dans le contexte du poste ou de la mission.
Le défaut ne doit pas être en contradiction fondamentale avec le poste. Il est préférable d’éviter de mentionner son manque d’esprit d’équipe si on brigue un poste de manager (ou carrément éviter de postuler) ou de citer son côté brouillon et désorganisé si l’on souhaite accéder à des fonctions logistiques ou un titre de chef de projet. Inversement, assumer son manque de leadership ne pose aucun problème si l’on vise un poste très opérationnel, par exemple.
Le recruteur attend un défaut qui en soit vraiment un. Il manage des ressources HUMAINES avec la charge émotionnelle qu’elles comportent. Il faut donc qu’il soit suffisamment marqué pour être crédible et ne pas laisser le recruteur sur sa faim.
Si le contexte est bien analysé, toutes les réponses sont plus ou moins permises. En revanche, il y a bien quelques défauts à proscrire pour aborder le monde du travail, quel qu’il soit. Quelques adjectifs à bannir des échanges : intransigeant, trop sûr de moi, agressif, anxieux, arrogant, peu fiable, asocial, autoritaire, égocentrique, méprisant, stressé, bordélique, individualiste, manque de confiance en moi… Ces formules transportent une charge négative trop élevée pour ne pas heurter.
Bref, pour répondre à la question épineuse des qualités et défauts avec brio, il faut doser sa réponse, sans langue de bois, être franc et s’assurer de faire savoir qui on est et qui on n’est pas, sans mentir. Tout le monde a à y gagner. Et pour éviter les répliques bateau, on pique à Edgar Morin son mantra au sujet de « la juste chaleur de l’être humain » :
« La juste température, c’est ni trop chaud, ni trop froid… mais, de grâce, pas tiède ! »
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