Les 9 pires excuses pour vous refuser une augmentation et comment y répondre
12 janv. 2023
7min
La saison des entretiens annuels est ouverte ! L'occasion tant attendue - après avoir trimé toute l’année - de réclamer notre dû : une revalorisation salariale. Malheureusement, notre manager ne l’entend pas toujours de cette oreille. Quitte à se cacher derrière de vilaines excuses pour nous les refuser.
Qui dit négociation, dit bras de fer qui nous oppose à notre manager (ou notre RH selon les entreprises) pour gagner le Saint Graal monétaire : une augmentation. Censée récompenser notre bonne performance sur l’année écoulée, elle n’est jamais gagnée d’avance, même quand on a brillé par nos résultats. En fait, c’est la gratification la plus difficile à obtenir car elle engage l’employeur sur le long terme (la rémunération ne pourra plus jamais baisser ensuite). C’est peut-être ce qui explique en partie, les réponses fallacieuses de certains supérieurs hiérarchiques pour justifier leurs refus. En voici un petit palmarès, assorti de bons arguments pour y répondre.
1. « Tu veux être augmenté ? Mince, il fallait le dire plus tôt ! Là, on n’a plus de budget… »
Une belle tentative de feindre la surprise tout en jouant sur le timing… mais qui ne passe pas ! Tout simplement car les entretiens annuels sont des rendez-vous importants pour les collaborateurs, qui s’anticipent bien en amont tant côté manager que salarié. Un manager qui prétexte de ne pas y avoir pensé, apporte la preuve de son incompétence sur un plateau, comme l’explique Bénédicte Tilloy, ancienne DRH et experte du Lab Welcome to the Jungle : « Un manager doit avoir identifié quelles sont les personnes au sein de son équipe qui ont bien performé dans l’année. Il y a un budget consacré à cela. On n’attend pas le dernier moment pour y réfléchir. » Cela revient à révéler qu’on ignore la compétence des gens avec qui on travaille. L’arroseur arrosé en somme !
Que répliquer dans ce cas ? Pour Tonton Karim, fondateur de FindYourWay et expert en marque employeur, il faut souligner la faute du manager avant de donner un nouveau rendez-vous. « On peut rappeler au manager que c’est son rôle d’anticiper les revalorisations salariales de ses équipiers et de caler le budget. Et en admettant que le budget soit vraiment épuisé, on lui demande une nouvelle échéance : “quand est-ce que tu pourras (au plus tôt) me donner gain de cause ?” » Le meilleur moyen de s’assurer que l’on sera bien prioritaire dès qu’un nouveau budget sera débloqué.
2. « Je ne peux pas à cause de l’inflation (peut se remplacer par “c’est la crise sanitaire”, “c’est la guerre en Ukraine”… »
L’inflation a des répercussions économiques pour tout le monde. C’est bien là le drame pour notre experte. « C’est un argument difficile à entendre quand on est salarié, car on vit la conséquence des hausses des prix de plein fouet. Mais c’est aussi une réalité économique : certaines entreprises sont vraiment en difficulté. » Une situation compliquée, pour laquelle n’y a pas forcément de solution idéale selon l’ancienne DRH.
Une excuse qui peut donc être recevable dans certains cas, notamment si on a la possibilité de vérifier les réelles répercussions économiques au sein de son organisation. Mais si votre entreprise n’a jamais admis être dans le rouge, Tonton Karim conseille de recentrer la discussion sur sa performance individuelle (et la valeur ajoutée que l’on a créée), plutôt que sur le contexte extérieur général.
3. « Si je t’augmente, il faut que j’augmente tout le monde ! »
Une réflexion qu’on entendra plutôt dans les petites structures ou du moins au sein d’équipes réduites, mais qui n’en reste pas moins particulièrement agaçante pour l’expert en marque employeur : « Cela revient à dire que tout le monde bosse de la même manière, qu’on est tous au même niveau ! » Alors que dans la plupart des organisations, les salariés ont des objectifs individuels, au moins en partie, et que dans tous les cas, chaque personne obtient des résultats différents. Pour Bénédicte Tilloy c’est la question de l’équité qui est ici mise sur la table. Le fameux “à travail égal, salaire égal”. Pour obtenir son augmentation, il faudra alors sortir de ce paradigme et prouver qu’on a plus performé que ses collègues.
Dans cette situation, il serait donc bien normal de rappeler que vous êtes dans un entretien individuel et non collectif ! Là encore Tonton Karim invite à recentrer la discussion sur les résultats individuels (nombre de contrats signés, trafic augmenté, gain de chiffres d’affaires etc.), et de laisser au manager le soin de se débrouiller avec les RH au sujet des autres membres de son équipe.
4. « Tu n’as pas déjà été augmenté l’année dernière ? »
Dis donc, on ne savait pas que cela gèlerait notre salaire pour la vie ! Ne vous faites pas avoir : un cycle d’un an est un cycle normal pour réévaluer une rémunération. Une augmentation successive se justifie, à condition bien sûr d’avoir fait mieux que l’année précédente. « Cela suppose de surperformer la deuxième année par rapport à la première comme le rappelle l’ancienne DRH. Une augmentation vaut pour toutes les années qui suivent, - a contrario des primes qui ne valent que pour l’année en cours -, donc cela challenge aussi le niveau d’attente que l’on place sur vous. »
Tonton Karim recommande alors de réclamer la reconnaissance que l’on mérite par rapport à notre engagement sur l’année écoulée, et de rappeler que tout bon résultat mérite une rétribution. « Il n’y a rien de plus frustrant pour un collaborateur investi que de voir sa fiche de paie stagner d’année en année… C’est le meilleur moyen pour qu’il se désengage. » De même, si on a été augmenté il y a un an mais que notre salaire ne collait pas aux prix pratiqués sur le marché pour notre poste et notre profil, l’argument ne tient pas.
5. « De quoi tu te plains ? On a revalorisé le montant de tes tickets restos et tu as un ordinateur tout neuf. »
Et même une connexion Wi-fi dis donc ! Proposer d’être payé en Carambar (en nous faisant avaler que c’est une excellente idée en plus) n’est malheureusement pas rare. Tonton Karim, dans un esprit malicieux, suggère de répondre « Hum… je suis sûr que tu peux faire mieux ! », et de rappeler qu’il est difficile de payer son crédit immobilier avec ses tickets restos.
Notre experte du Lab est quant à elle plus nuancée sur la question, et conseille tout de même de ne pas refuser les packages d’avantages en bloc « Les salariés se tournent peu vers ce type de solutions alors qu’il y a des choses intéressantes à négocier comme l’accès à des moyens de transport. Typiquement, si on obtient une voiture de fonction par exemple, cela peut faire une grosse différence.» À vous de faire votre choix en fonction de ce qui vous est proposé. Rien ne vous empêche de renégocier - toute ou partie - de la revalorisation salariale sous la forme de bénéfices…
6. « Si ça ne tenait qu’à moi, je doublerais ton salaire même, mais tu connais la direction… »
Une vilaine fuite de responsabilités, intolérable pour Bénédicte Tilloy. « On est face ici à une absence totale de courage et à la perte immédiate de toute autorité et légitimité du manager. » Tenir ce propos signifie qu’on peut très bien se passer du manager car finalement il n’a aucun poids, et il n’est pas capable de faire valoir les mérites de ses collaborateurs auprès de la direction. Ou alors il ment éhontément. Et entre incompétence et mensonge, difficile de déterminer ce qui est préférable.
Quoiqu’il en soit, c’est l’occasion de lui rappeler les prérogatives dûes à son poste, selon la formule de Tonton Karim « J’ai fait mon travail, à toi de faire le tien ! C’est-à-dire défendre mes intérêts auprès du DRH ou du dirigeant. À toi de trouver une solution. »
7. « Désolé, je suis contraint par la grille des salaires. »
Il faut se méfier du totem sacré de la grille des salaires, derrière lequel il est bien pratique de se planquer. Si les grilles de salaires étaient vraiment respectées, comment expliquer qu’il y ait encore aujourd’hui 20% d’écart salarial entre les hommes et les femmes en entreprise, s’interroge Tonton Karim.
Pourtant, à la base, ces grilles existent, - soit par branches professionnelles soit au sein des organisations -, pour protéger les salariés. Elles permettent aussi de s’assurer que l’ensemble des collaborateurs obtiennent bien un avancement régulier et juste en termes de rémunération. Sauf qu’en pensant collectif, on ne s’y retrouve pas individuellement selon notre experte : « Les gens qui surperforment, alors qu’ils évoluent dans un système de grille, peuvent se sentir frustrés. »
Cependant, il n’y a rien d’immuable. C’est au manager ou au DRH d’être un peu inventif et de montrer que la performance exceptionnelle a fait évoluer le poste : si on est contraint à des cases, il faut montrer qu’on a progressé dans ces différentes cases. Car quand un salarié s’engage fortement pour son entreprise, elle attend en retour que cette dernière lui prouve le même engagement, et pas qu’elle le ramène à une moyenne de personnes indifférenciées.
8. « Tu télétravailles depuis la province : le coût de la vie est moins cher là-bas ! »
C’est peut être le moment de reparler de la flambée des prix causée par l’inflation ! Parce que Paris ou Dunkerque, c’est le même combat : le prix du gasoil et de l’électricité sera le même. La vraie question est de savoir sur quelle base on s’est entendus à l’origine du contrat de travail : si l’entreprise autorise le travail à distance et qu’elle n’a pas choisi d’indexer les salaires en fonction du lieu de résidence, elle ne peut pas s’en servir comme argument a posteriori. Comme la législation en la matière est pour le moment peu avancée, le mieux est de s’en remettre aux accords d’entreprise.
9. « Tu n’as pas été promu. »
Si tout le monde devait changer de poste pour être augmenté, ça n’arriverait pas souvent ! Si une augmentation ne va pas de soi, et qu’elle se justifie par de bons résultats ou un gros investissement de votre part, elle ne nécessite pas une évolution hiérarchique. L’expérience se valorise, c’est la prise en compte de l’exercice du poste comme le précise Bénédicte Tilloy « Quelqu’un qui est sur le même poste depuis 2/3 ans a plus d’expertise, d’autonomie, de compétence, et c’est tout à fait normal que ce soit pris en compte dans sa rémunération. »
Des éléments à objectiver à notre interlocuteur, quitte à lui faire la démonstration de notre progression à ce même poste.
Si malgré tous vos bons arguments, votre manager, empreint de sa mauvaise foi, n’a pas plié, et que vous n’avez pas obtenu d’augmentation alors que c’était mérité, Bénédicte Tilloy alerte : il faut essayer de ne pas claquer la porte ou de céder au chantage. Enfin, à tout ce qui pourrait bloquer une possibilité de négociation à l’avenir. À la place, il faut donner un nouveau rendez-vous, avec un accord clair sur ce qui est attendu par les deux parties.
Que faire si notre manager a de “bonnes” raisons de nous refuser une augmentation ?
Un refus justifié s’appuie par exemple sur une sous performance du collaborateur. Comme la non atteinte de ses objectifs par exemple. Dans ce cas, Tonton Karim insiste : il faut dialoguer. Creuser sur ce qui a pêché, est-ce que les objectifs étaient vraiment atteignables ? Si oui, que nous a-t-il manqué ? Le rôle du manager est de nous donner les clefs pour y arriver par la suite.
Article édité par Gabrielle Predko ; Photographie de Thomas Decamps
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