Hommage à ce petit quelque chose qui nous fait nous sentir nous-même au travail
28 sept. 2021
6min
Photographe chez Welcome to the Jungle
Journaliste - Welcome to the Jungle
Dans un épisode de la sitcom “How I met your mother”, Marshall, un avocat ayant renoncé à ses valeurs écolo pour rejoindre une multinationale peu scrupuleuse, explique que sa vieille voiture, une Fiero, est une des seules choses qui, au travail, l’aide à se souvenir qui il est réellement. Perdu dans le corporatisme, il a besoin de ce “grigri” pour ne pas se perdre de vue.
Sans tomber dans cet extrême, nous avons tous un “petit quelque chose” qui nous fait nous sentir bien au travail. Ou plus précisément, qui nous rappelle une version de nous-même qui nous plaît. Qu’il s’agisse d’un objet, d’une passion, d’une manière de se présenter au monde, on s’y accroche fermement pour ne jamais avoir la sensation de se fondre dans notre environnement pro. Ça vous parle ? Quatre salariés nous présentent leur Fiero à eux.
« Mes talons de 12 cm m’ont donné le pouvoir de m’exprimer », Marie, 37 ans, DRH
Je me tenais plus droite et j’avais l’air plus grande, ce qui boostait considérablement ma confiance en moi. Comme si j’avais enfilé une cape de super-héroïne
Avant de travailler dans mon entreprise actuelle, j’étais DRH dans une boîte tech où, au comité de direction, les hommes dominaient, numériquement parlant. Nous n’étions que deux femmes dans cette équipe d’une dizaine de personnes. Alors, forcément, les réunions pouvaient être un peu houleuses… C’était “à qui parlera le plus fort”. Dans ce contexte, difficile de se faire entendre…
Au fil du temps, j’ai remarqué que lorsque je portais mes hauts talons (et pas n’importe lesquels : 12 cm), j’avais l’impression de m’imposer plus facilement dans tout ce brouhaha. Je me tenais plus droite et j’avais l’air plus grande, ce qui boostait considérablement ma confiance en moi. Comme si j’avais enfilé une cape de super-héroïne. Alors, j’ai commencé à les porter consciemment, les jours où j’avais des réunions importantes. J’attendais toujours assise devant la salle avant que le meeting ne débute, et quand mes collègues arrivaient et que je me levais pour les saluer, ils m’arrivaient tous à l’épaule ! Et quand venait mon tour de parler, je n’hésitais pas non plus à me lever, pour m’imposer encore plus.
Je ne suis pas certaine qu’ils aient remarqué une évolution dans mon assurance, mais je crois que je le faisais surtout pour moi. J’étais fière de m’imposer sans pour autant reprendre des codes masculins, comme parler fort ou se la jouer “cool” en portant le fameux duo jean-basket. J’avais envie d’avoir ma technique bien à moi. Les talons ne me représentent pas forcément (même si ça me permettait de m’offrir des chaussures canons et ça, je ne disais pas non), mais ils m’ont donné le pouvoir d’être moi-même.
Depuis, j’ai changé d’entreprise, et dans la nouvelle, je ne ressens plus ce besoin. Mes talons prennent la poussière depuis plusieurs mois et je n’ai même plus envie de les porter. Je me concentre davantage sur ma manière de prendre la parole en public, tout simplement parce que… je me sens à égalité avec mes collègues ! Je n’ai plus besoin de ce coup de pouce pour me sentir à l’aise et partager mon point de vue… et c’est tant mieux. Mais je sais au fond qu’ils sont là, au fond d’un placard, et que je peux les enfiler si besoin.
« Mes pierres précieuses me rappellent mes proches », Benoît, 28 ans, consultant
Lorsque je suis stressé avant une réunion ou une présentation client, elles me plongent dans un monde chaleureux et familial, tels des totems de mon intimité
Je ne suis pas un expert en lithothérapie (la thérapie par les cristaux, ndlr) mais j’avoue que le sujet m’intrigue. Un jour, en vacances avec ma copine et mes parents, nous avons eu l’occasion de visiter une taillerie. De la boutique de souvenirs, j’ai ramené trois pierres : de la tourmaline noire - pour transformer les énergies négatives en énergies positives, de la cyanite bleue - contre la colère, et de l’améthyste - pour apaiser l’esprit. De retour au travail, je les ai amenées avec moi pour tester leur effet et depuis, je les ai toujours dans ma poche ou sur mon bureau. Je ne saurais pas dire si les effets de cette méthode se font ressentir, mais peu importe. Je partage cette curiosité avec ma copine et ma famille, alors leur simple présence me ramène à eux quand je suis au boulot. Lorsque je suis stressé avant une réunion ou une présentation client, elles me plongent dans un monde chaleureux et familial, tels des totems de mon intimité.
Aussi, je travaille dans un secteur non seulement très formel, au quotidien ponctué de réunions client, mais aussi très rationnel - où toutes mes décisions sont basées sur des chiffres et des analyses. Au milieu de toute cette rigidité, je crois que mes pierres infusent un peu de magie dans mon quotidien. Comme si j’avais des pouvoirs magiques. Je pense que depuis que je les amène et surtout le jour où j’ai décidé d’en parler avec mes collègues, ces derniers perçoivent davantage mon ouverture d’esprit voire mon petit côté perché (que mes proches connaissent si bien) et ça me plaît. Ça me permet d’évoquer des sujets plus personnels avec eux, de montrer ce qui m’intéresse en dehors de mon travail… même si certains ne comprennent pas toujours mon délire !
« Les maquillages originaux reflètent ma créativité », Alice, 27 ans, journaliste
Je renverrais peut-être une image de moi plus sérieuse en tailleur gris et un maquillage “naturel”, mais ça ne correspondrait pas à ma personnalité.
Depuis que je suis adolescente, j’adore me maquiller. Mais au travail, j’ai longtemps pensé qu’un maquillage décalé renverrait une image de moi immature et peu professionnelle. Alors, pendant des années, je me suis gardé ce petit plaisir pour le week-end… jusqu’au deuxième confinement. En télétravail, j’ai recommencé à me maquiller de manière plus artistique pour occuper mes pauses déjeuner insipides et monotones. Et, contrairement à ce que je pensais, cela a eu des conséquences plutôt positives sur mon travail. Ça m’a remotivée à allumer ma caméra à un moment où je passais ma vie en pyjama, blasée des réunions Zoom. Et puis j’aimais aussi montrer à mes collègues que je m’apprêtais pour eux, malgré la distance qui nous séparait. Finalement, j’ai gardé cette petite habitude quand je suis retournée au bureau. Des paillettes multicouleurs aux liners graphiques en passant par des perles pour orner le contour de mes yeux, je me fais plaisir. Et étonnamment, je ne me suis jamais autant sentie moi-même au travail…
Je renverrais peut-être une image de moi plus sérieuse avec un tailleur gris et un maquillage “naturel”, mais ça ne correspondrait pas à ma personnalité. Et même si c’est parti d’une démarche personnelle, depuis c’est pratiquement devenu une marque de fabrique. J’aime l’idée de montrer aux personnes avec lesquelles je collabore que je suis quelqu’un de créatif, qui n’a pas peur d’oser, et je n’ai pas envie de sacrifier qui je suis ou ce que j’aime pour évoluer. Au contraire, si un jour j’atteins mes objectifs professionnels en ayant été fidèle à moi-même sur toute la ligne (ce qui ne passe pas uniquement par le maquillage, on s’entend), je serais d’autant plus heureuse. Alors certes, pour l’instant, j’ai la chance de travailler dans une entreprise très ouverte, où le dress code est libre, mais si je devais en changer un jour, je m’assurerais que la structure convoitée accepte que je me présente ainsi. Si non, j’en conclurais sûrement que cette entreprise n’est pas faite pour moi…
« La déco de mon bureau pour me créer mon espace privé », Pauline, 33 ans, CMO
Cela faisait aussi office de barrière de sécurité avec eux. Ça privatisait mon espace, ça les dissuadait de venir s’installer à mon bureau ou d’utiliser mon ordinateur…
Le premier jour de mon précédent job, on m’a attribué un grand bureau vide et bien triste. Alors j’ai ramené quelques affaires personnelles : une petite statue de chat, une plante, ma tasse avec mon signe astrologique dessus (Bélier, pour bien faire flipper mes collègues) mais aussi des objets qui m’appartiennent et qui ont un rapport avec mon métier : un nuancier pantone, une gros livre de photos, des échantillons de papeterie… À la fois des choses qui me représentaient et qui en disaient long sur mes goûts, mes passions, mais aussi mes compétences… Ça me permettait de montrer qui j’étais, mais aussi de créer une environnement inspirant pour travailler. D’ailleurs, beaucoup de collègues m’ont imitée pour donner vie à leur propre bureau par la suite.
Mais pour moi, tout cela faisait aussi office de barrière de sécurité. Ça privatisait mon espace, ça les dissuadait de venir s’installer à mon bureau ou d’utiliser mon ordinateur… Ça posait une limite claire entre eux et moi, une distance dont j’avais besoin. D’ailleurs, ce n’est pas anodin si avant ça, j’avais longtemps travaillé en freelance dans le confort de mon appartement, et que je suis de nouveau indépendante à présent. Maintenant, je le sais, j’ai besoin de travailler dans un cocon qui m’appartient, qui m’est familier et qui me ressemble, même en plein open space !
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Édité par Éléa Foucher-Créteau
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