Les 8 signes que votre boite coule (et qu'il faut quitter le navire)
07 déc. 2023
7min
Réduction de budget, turnover, projet avorté… dans la vie d’une entreprise, il est normal de connaître des hauts et des bas, avec des périodes plus difficiles pour les salariés. Des mauvaises passes dont l’entreprise se relèvera la plupart du temps, sauf dans les cas plus graves où ces déconvenues sont les signes avant-coureurs « du début de la fin ». Une chute annoncée de l’entreprise, comme le décrypte, a posteriori, ces salariés dont la boîte a fermé. Ils racontent ce qui aurait dû les mettre sur la piste pour nous tenir en alerte (juste au cas où il faudrait mettre à jour son CV).
1. Le salaire versé avec dix jours de retard.
Payé habituellement le 5 du mois, votre salaire est arrivé le 15 ? Hum… On serait tenté de penser (pour ne pas dire prier), que c’est « probablement dû à une erreur de la banque en notre défaveur », avant de penser au pire. À l’instar de Tristan (1), qui n’a pas réalisé tout de suite ce qui se tramait : « Je ne me suis pas affolé les premiers jours en me persuadant que cela devait avoir une explication banale comme une mauvaise manip de la compta. Sauf qu’une fois que le prélèvement de mon loyer a été débité, j’ai commencé à sérieusement suer ! J’actualisais compulsivement le site de ma banque en ligne pour voir apparaître la somme, sans succès… Le pire, c’est que je n’osais pas en parler à mes collègues, de peur de passer pour un pingre alors qu’en fait on était tous dans le même cas, c’est-à-dire : en galère ! Finalement, face aux plaintes de plusieurs salariés, la direction a été obligée de s’expliquer sur ce retard. C’est là qu’on a appris que les finances de la boîte étaient dans le rouge. » Moralité, face à un retard de paiement, le jeune cadre n’attend plus de creuser son découvert avant de demander des comptes.
2. Des départs en cascade… qui ne sont pas remplacés
Des salariés qui voguent vers de nouveaux horizons, ça fait partie de la vie de toutes les entreprises et de très nombreuses raisons tant professionnelles que personnelles peuvent le justifier. Ce qui n’augure rien de bon en revanche, c’est quand ces départs sont anormalement nombreux. Avec une pénalité supplémentaire pour les postes hautement stratégiques de la boîte. Pire encore ? Quand ces mêmes postes ne sont pas remplacés ! C’est ce qui a mis la puce à l’oreille de Violette : « En l’espace d’un mois, on a vu trois pontes de l’entreprise partir précipitamment, avec des emails laconiques qui annonçaient leurs départs : grosse langue de bois activée. Le plus suspect ? Alors qu’ils occupaient des postes à responsabilités à la finance et au marketing, avec des équipes à manager, ils sont partis sans faire leur préavis ! Ou ils l’ont fait de chez eux. » Pas de passations avec les équipes, pas de pots de départs, et pas de… recrutement de potentiels remplaçants. Il n’en faudra pas plus pour que la colère gronde au sein des équipes laissées dans une grande incompréhension…, jusqu’au jour de l’annonce du rachat de l’entreprise par un grand groupe. « Quand je pense que j’étais inquiète pour ces personnes parties précipitamment en me disant, “les pauvres, on a dû les virer sommairement pour faire des économies alors qu’en fait elles ont juste quitté le navire à temps pour sauver leur peau, probablement avec un beau chèque de départ. » Plus beau que celui qui sera proposé à 30% de la masse salariale, qui se verra débarquer suite au rachat, là aussi du jour au lendemain et sans plus d’émotions.
3. Un budget en peau de chagrin
L’eau du robinet qui remplace la minérale, les petits beurres en lieu et place des macarons : un panier de courses moribond spécial inflation pour la salle de repos (enfin quand il y en a encore une, cf le point suivant). En période de remous économiques, limiter les dépenses de l’entreprise se comprend aisément, mais il semblerait qu’il y ait des limites aux coupes de budget. Ainsi, quand bien même Xavier ne s’attendait pas à voir Mariah Carey en showcase privé pour la soirée de Noël de sa boîte, certaines réductions l’ont fait quelque peu tiquer : « C’est allé crescendo : d’abord, notre boss qui avait pour habitude de nous inviter à déjeuner deux jeudis dans le mois a cessé de le faire. Puis, vient l’annulation de notre événement de team building à la montagne, remplacé par un repas à la bonne “franquette” préparé par nos soins. Et ça a fini par… supprimer des licences du logiciel qu’on utilisait tous les jours ! » Obligé de partager un code de connexion avec quatre collègues pour utiliser le fameux logiciel, le business developer a senti le vent tourner et a commencé à chercher un emploi ailleurs. Une initiative qui lui permettra de quitter le navire au bon moment, selon lui. « La boîte existe encore, mais ils ne sont plus que deux à la faire tourner, les deux fondateurs en fait. »
4. L’abandon des locaux au profit du full télétravail
« Flexibilité », avait argué le manager de Géraldine, le jour de l’annonce du passage en “full remote” de l’ensemble des salariés de la startup qui l’employait. Un télétravail en guise de progrès social à la faveur de l’équilibre pro/perso des équipes est un choix stratégique d’entreprise ambitieux côté pile. Côté face, la nécessité de vendre les locaux pour récupérer un peu de trésorerie et de faire un maximum d’économies sur les frais de fonctionnement de l’organisation en proie à des difficultés financières. « En soi, je suis pour le télétravail, donc j’étais ravie de cette annonce ! Je paradais même auprès de mes potes qui galéraient à obtenir parfois seulement deux jours de home office auprès de leurs patrons. Ce que j’ai moins aimé, c’est la fausse couverture donnée à cette nouvelle pratique : officiellement, c’était un parti pris fort de la direction, en avance sur son temps dans leur façon de travailler et de faire confiance aux équipes, alors qu’en fait il s’agissait essentiellement de faire des économies ! » Un stratagème qui sera finalement mis à nu, trois mois plus tard, quand la même direction annoncera la mise en faillite de la PME, pour défaut de trésorerie. « Le masque est tombé, cette fois, ils ont évoqué le passage en full remote comme la preuve qu’ils avaient vraiment tout tenté pour sauver l’entreprise. Je ne les blâme pas pour ça, mais je regrette leur manque de transparence. » Outre l’impression d’avoir été infantilisée par ses responsables, Géraldine a regretté ne pas avoir été alerté plus tôt sur la situation réelle de sa structure, afin d’agir en conséquences : « J’ai dépensé de l’argent pour aménager un bureau digne de ce nom chez moi, pensant inscrire le télétravail dans la durée, pour, au final, me retrouver à Pôle emploi quelques mois plus tard. »
5. Le projet de l’année qui s’arrête du jour au lendemain
« Dès que j’ai posé le pied dans cette entreprise, j’ai signalé le besoin de digitaliser toute la chaîne de production », se souvient Julien, opérateur logistique. Après plusieurs mois à batailler et à convaincre chaque maillon de la direction, il se voit enfin allouer un budget pour le faire, et planche sur le sujet pendant neuf mois. Jusqu’à un matin de mars, où entre deux meetings dans un couloir, son manager lui annonce sans aucun ménagement que finalement on arrête tout, sans plus d’explications. « Je n’ai pas eu de rendez-vous ou de mail détaillant les raisons de l’arrêt brutal de ce projet dans lequel je m’étais énormément investi. Vexé, frustré, en colère…, j’avais l’impression d’être un pion ! Puis deux mois plus tard, lors de la grande messe avec le patron de l’entreprise, j’ai compris : la boîte allait mal et ils avaient découpé à la hache les budgets. » D’après lui, c’est justement l’erreur initiale, celle de ne pas avoir pris le train en marche du digital qui a coûté l’avenir de son organisation. Dépassée par ses concurrents, elle a ainsi fermé ses portes, ses bons de commande en format papier avec.
6. Les visites fréquentes des investisseurs
En tant que salarié, s’il y a bien des personnes que l’on ne croise pas au bureau, ce sont les investisseurs. Un grand mystère pour les humbles travailleurs qui charbonnent en open space, telle une ombre floue qui plane au-dessus de la boîte, tout en permettant de la faire vivre. Ou plutôt, on ne s’y intéresse guère, laissant aux membres de la direction le soin des négociations avec ces derniers dont la plupart du temps, on ignore l’identité. Leur évocation lors des pauses cigarettes des équipes, serait alors un oiseau de mauvaise augure selon Lionel : « Après trois ans dans ma boîte, c’était la première fois que je me demandais qui étaient les investisseurs de l’entreprise pour laquelle je bossais ! Ce qui a déclenché mon intérêt, c’est que les deux cofondateurs de ma startup passaient beaucoup de temps avec eux. Pendant un mois, leurs agenda était bloqué pour eux, ils n’avaient plus que ce mot à la bouche ! » Une fréquentation accrue qui avait donné l’espoir à Lionel et ses collègues, qu’une belle levée de fonds se tramait pour faire décoller leur activité. « En fait, mes boss tentaient tant bien que mal de sauver leur boîte, en tentant des négos avec eux… Manifestement loupées, vu qu’ils nous ont planté et que la startup a coulé peu de temps après. » Comme quoi, c’est plutôt bon signe quand on ne s’en préoccupe pas !
7. Les plaintes des fournisseurs
« La prochaine fois que je pose les pieds dans une entreprise où les prestataires appellent pour réclamer des factures impayées, c’est simple : je fuis ! », affirme Sabeha. Opérant dans la production, elle en a fait les frais en rejoignant une entreprise alors en défaut de paiement avec plusieurs partenaires. « Je découvrirai plus tard que la trésorerie était à sec ! Sauf que quand j’embauche, on ne me dit rien, et moi, dont le métier consiste à organiser des tournages et donc à booker des fournisseurs et des freelances, je me retrouve au mieux blacklistée, au pire insultée par tous les prestataires que je contacte. » Si elle ne mettra pas longtemps à comprendre la défaillance de sa structure, elle regrette amèrement ce choix professionnel qui l’a grillé pendant un an. « Dans un milieu qui fonctionne beaucoup par recommandation, c’est très mauvais d’être associé à des mauvais payeurs. Ils n’étaient pas mal intentionnés du reste, mais étaient complètement à côté de leurs pompes côté finances. La boîte signait des nouvelles prods pour régler les notes des anciens projets et ainsi de suite…, une véritable pyramide de Ponzi de factures impayées ! » Jusqu’au jour où, acculés par les dettes, ils ont dû mettre la clef sous la porte sans régler leur dû, mettant à leur tour, d’autres entrepreneurs dans une mauvaise situation.
8. Une pression (trop) forte sur la réalisation des objectifs
Avoir des objectifs à atteindre au travail est l’apanage de l’ensemble des salariés, peu importe le poste occupé. Rien d’anormal donc, sauf quand on a l’impression que l’avenir de toute une équipe en dépend ! Comme l’a ressenti Didier, lors de son précédent job : « En tant que commercial, j’ai l’habitude de bosser avec la pression du chiffre, c’est même un moteur dans mon métier. Sauf que là, on me faisait comprendre que si je ne performais pas, on allait fermer dans six mois. » Un chantage aux objectifs qui camoufle des problèmes plus grands à l’échelle de la boîte, et qui le met dans une position très inconfortable : « J’ai trouvé injuste qu’on me mette autant de pression sur les épaules alors que ce n’était pas ma boîte ! Sans compter que ce stress m’a bouffé, j’avais presque plus de mal à bosser. » Si bien que pour ne pas avoir à porter cette responsabilité, le commercial a préféré quitter le navire : « J’ai trouvé un autre poste avant la fin de l’échéance de ce fameux palier de business à atteindre. De ce que je sais, ils ont fermé, mais j’estime ne pas être la personne à blâmer. »
Article édité par Romane Ganneval ; Photo de Thomas Decamps
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