Blancs, monologues, fins de phrases : comment gérer son tempo en entretien ?
12 avr. 2021
4min
Journaliste indépendante.
On dit généralement qu’un entretien réussi suit la règle des 80/20 : 20% du temps de parole pour le recruteur et les 80% restant pour le candidat. Le premier doit poser les bonnes questions et donner les informations clés sur le poste. Le second, partager ses expériences et convaincre avec des réponses construites. Mais ça, c’est la théorie.
Dans les faits, la gestion du temps est plutôt digne d’une épreuve de Fort Boyard : « Prends ton temps ! Avance. Non, recule ! Sort sort sort ! », crie la petite voix dans notre tête. Et puis comment savoir si on parle trop ou pas assez ? Comment éviter les monologues et contourner les blancs ? Margaux Lefebvre, experte en prise de parole, partage ses conseils à toutes les situations classiques (et plus ou moins gênantes) d’un entretien d’embauche.
Le monologue interminable : faut-il l’éviter ?
Aïe, vous êtes parti dans un monologue à faire pâlir les plus grands dramaturges du siècle dernier. Les phrases s’enchaînent, les mots sortent de votre bouche sans que vous puissiez les arrêter, vos idées débordent. Quand vous vous en rendez compte, il est déjà trop tard. C’est grave docteur ?
« Pas forcément », répond Margaux Lefebvre, spécialiste en prise de parole. S’il faut évidemment éviter les extrêmes - à savoir, monopoliser la parole ou être muet comme une carpe - la perception du temps dépend surtout de l’intérêt que vous savez susciter chez votre interlocuteur. « Je donne souvent l’exemple des films : plusieurs heures devant le Seigneur des Anneaux peuvent passer en un éclair, tandis qu’un court-métrage peut sembler interminable », illustre Margaux Lefebvre. Alors si vous pensez que le (rocambolesque) récit de votre dernier projet vaut la peine de vous attarder, préparez votre narration pour la rendre réellement captivante et en faire sortir les points clés.
Mais de manière générale, les monologues assommants se produisent plutôt dans les situations de stress, face à une question inattendue. Vous vous lancez dans une explication, revenez en arrière, ajoutez une idée supplémentaire… jusqu’à noyer le recruteur d’informations et donner l’impression d’une réflexion peu construite. « C’est tout l’intérêt de se préparer en amont, ajoute-t-elle. Pour chaque question type, il faut être au clair sur un ou deux messages essentiels à faire passer. Et lorsque le recruteur pose une question inattendue, il ne faut pas hésiter à se donner quelques secondes avant de répondre. »
Mais que faire lorsque vous avez beaucoup d’éléments à partager sur un sujet ? Gardez en tête que l’entretien n’est pas un interrogatoire, mais une conversation. Il est donc possible de demander au recruteur le temps qu’il souhaite consacrer à une question : « J’ai plusieurs expériences qui pourraient illustrer ce point, combien puis-je vous en présenter ? » Ou tout simplement de donner un point de vue concis avant d’ouvrir la porte à une réponse plus longue : « Voilà mon point de vue dans les grandes lignes, est-ce que vous voulez en savoir plus ? »
Le blanc embarrassant : comment rebondir ?
Dans la famille des situations gênantes, je demande… le blanc ! Est-ce à votre recruteur de reprendre ou à vous ? Est-ce une stratégie pour vous tester ? Lorsque le blanc suit votre réponse à une question, ces quelques secondes de silence sont peut-être simplement le signe que votre interlocuteur réfléchi à ce que vous venez d’expliquer, ou à sa prochaine question. Si le blanc se poursuit, Margaux Lefebvre recommande de rebondir par une question (« Souhaitez-vous que je développe ? »)… Ou de jouer la carte de l’humour. « En glissant une simple phrase pour souligner ce blanc, on crée un moment de connivence et on renforce le lien humain. Cela permet de désamorcer les tensions et reprendre l’entretien avec légèreté », explique-t-elle. Un conseil à appliquer si votre interlocuteur vous semble suffisamment réceptif, évidemment.
Mais que faire si vous êtes bloqué(e) car le recruteur vous pose une colle ? Pour Margaux Lefebvre, il ne faut surtout pas paniquer. Au contraire, le dire ouvertement montre à la fois de la maturité et de l’honnêteté. « L’humour et la sincérité sont les meilleures armes pour créer de l’empathie, explique-t-elle. Quoi qu’il arrive, assumer le fait de ne pas avoir la réponse à toutes les questions est rarement préjudiciable. »
Le pouvoir du silence : comment bien l’exploiter ?
Le silence est souvent source de stress. Et pourtant, il peut être un véritable allié. C’est pourquoi il n’est pas forcément recommandé de répondre du « tac au tac » à la question de votre recruteur. Margaux Lefebvre recommande plutôt de prendre 2 ou 3 secondes, qu’elle nomme « le temps du silence intelligent ». Un temps qui invite le recruteur à se concentrer sur votre réponse à venir et renforce l’impression que celle-ci sera pertinente.
En latin, le terme ethos désigne l’image que l’on donne de soi en tant qu’orateur. Et les plus grands orateurs savent justement exploiter le silence pour donner de la force à leur discours : « On l’ignore souvent, pourtant le silence participe à l’ethos. Il donne une impression de maîtrise. Il permet de devenir le maître du temps », ajoute-t-elle.
Le silence est également un outil bien utile lorsque vous souhaitez gagner du temps pour réfléchir. Il donne quelques secondes précieuses et souvent suffisantes pour laisser à votre cerveau le temps d’organiser une réponse construite.
Bien gérer son paraverbal en entretien
Le paraverbal regroupe tout ce qui, dans une communication, est associé à la voix : le ton, le volume, le débit, etc.. Vous avez tendance à parler trop vite ? Accélérer le débit de parole à cause du stress est un problème très courant. Pour le réduire, Margaux recommande de s’entraîner à lire des textes à voix haute et de s’imposer des respirations régulières.
Vous êtes le spécialiste du « voilà voilà… » ? Ce type de tics verbaux se produit lorsque vous avez l’impression que vous n’avez pas su faire comprendre que vous aviez terminé votre réponse. Cette peur est rarement fondée. La voix ralentit et descend naturellement dans les graves à la fin d’un discours. Il est donc très probable que votre interlocuteur comprenne inconsciemment que vous avez terminé. « Sinon, on peut simplement finir sa phrase et laisser un silence. C’est un vrai marqueur de fin, on peut lui faire confiance sur le fait que l’interlocuteur comprendra », explique Margaux Lefebvre. Et si le silence s’installe, il est toujours possible de rebondir par une question. Pour conclure ? Voilà voilà…
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