Travail : 6 mauvaises raisons de le larguer…

21 juin 2022

6min

Travail : 6 mauvaises raisons de le larguer…
auteur.e.s
Roseline LaloupeExpert du Lab

Consultante et influenceuse RH spécialiste en marque employeur et création d’identité professionnelle

Gabrielle de Loynes

Rédacteur & Photographe

« C’est décidé, j’te quitte ! », criez-vous sur le palier du bureau en claquant la porte. Que ce soit parce qu’il vous fatigue, parce qu’il vous ennuie, ou parce qu’il n’a plus rien à vous offrir, toutes les raisons sont bonnes pour larguer un job qui ne nous satisfait plus. Et pourtant… En amour comme au travail, lorsqu’une relation tourne au vinaigre, l’autre n’en est pas toujours la cause. Même si le premier réflexe, c’est bien sûr le « tu qui tue ». Parce qu’accuser l’autre d’être la cause de son malheur est toujours plus facile que de parler de soi… mais c’est aussi le meilleur moyen de ne pas se remettre en question et de reproduire ailleurs un affreux schéma. Et si on s’inspirait de l’amour pour faire le bon choix professionnel ? Pour vous aider à faire la part des choses, nous avons questionné Roseline Laloupe, notre experte du Lab spécialisée sur les questions RH. Voici, selon elle, six mauvaises raisons de larguer son job.

« Tes potes… euh, collègues pas très sympas »

On dit souvent qu’« on épouse un homme / une femme, pas sa famille », ni ses amis d’ailleurs. Au travail, c’est la même histoire. « Quitter son job parce qu’on n’aime pas ses collègues, ce n’est pas une bonne raison, estime Roseline Laloupe. Car on va au travail pour travailler, pour s’exercer, se réaliser, toucher un salaire… Créer du lien avec ses collègues n’est pas l’objectif premier. » Bien sûr, il est toujours préférable de travailler dans une symbiose totale (‘’ils travaillèrent heureux et eurent pleins d’afterworks’’), mais ce n’est pas le plus important. « Si les relations sont cordiales, c’est suffisant, affirme l’experte. On ne va pas au travail pour se faire des amis. Nous avons tendance à rechercher auprès de nos collègues ce que nos amis ou notre famille sont censés nous apporter : l’amour et l’amitié. C’est ce que Sigmund Freud appelle un transfert. » Plaquer son job à cause de son entourage serait bien dommage. « Vous risquez de passer à côté d’une carrière ou d’une évolution professionnelle à cause de problèmes secondaires », avertit-elle. Si vous êtes en manque de lien social au travail, « investissez davantage votre sphère personnelle : vos relations familiales et amicales », conseille Roseline Laloupe. Bien sûr, vous pouvez chercher à créer du lien, organiser des afterworks ou des déjeuners d’équipe, mais attention ne pas « se rajouter du travail et une charge mentale supplémentaire », nuance l’experte. À vous de voir si le jeu en vaut la chandelle…

« Toi et ta fiche de poste dont j’ai fait le tour »

Vous avez dit “oui”. Au début, il vous intimidait un peu, vous aviez des papillons dans le ventre. Pour lui, vous auriez tout fait, tout sacrifié. Et puis, un jour, la routine s’est installée. Depuis, vous avez l’impression qu’il ne vous fait plus vibrer. Vous songez même à le quitter… « C’est une mauvaise raison, garantit Roseline Laloupe. Car, la routine fait partie de la relation. On ne peut pas la fuir, elle fait partie de l’équation. Elle permet de se réaliser, d’être plus expérimenté, d’inspirer confiance, de se voir confier plus de responsabilités, d’oser davantage… » Tout plaquer parce qu’on est lassé, c’est risquer de « mettre fin prématurément à la relation », explique-t-elle. Avant de prendre une décision, demandez-vous déjà : comment rallumer la flamme ? Comment retomber amoureux-se de son job ? « Cette relation peut être renouvelée, poursuit l’experte, elle peut être stimulée et chouchoutée. » Pour cela, Roseline Laloupe recommande « d’effectuer un travail d’introspection pour savoir concrètement ce qui nous pèse, ce qui nous déplaît : les horaires, le manager, les tâches qui nous sont attribuées ? Puis d’en parler ouvertement à son N+1 dans le cadre d’un entretien professionnel dans lequel on peut exprimer ses besoins et ses objectifs. »

« Tes petites manies qui me dépriment »

Tous les jours, le même métro, le même bureau, les mêmes têtes à l’apéro. Il arrive un moment où vous ne pouvez plus l’encadrer. Vous avez envie de changer d’air, de faire de nouvelles découvertes… Pourtant, tout n’est pas à jeter. « Il est possible de pimenter la relation, explique Roseline Laloupe. Par exemple, de changer vos habitudes de travail. Vous pouvez remplacer la réunion habituelle par un brainstorming ou demander du télétravail. » Avant de prendre vos cliques et vos claques, exprimez vos besoins à votre manager. « Vous n’êtes peut-être pas le/la seul·e de votre équipe à vouloir renouveler un peu vos rituels. D’autres personnes ont peut-être les mêmes aspirations que vous, remarque-t-elle. Ça vaut la peine de faire une action groupée. Plus on est nombreux, plus on a de chances d’obtenir ce qu’on veut. » Réfléchissez, vous pouvez peut-être proposer des évolutions dans les process, dans l’organisation de vos semaines, dans vos groupes de travail, votre stratégie, etc.

« Tes entretiens rasoirs »

« Il faut qu’on parle ». Ou plutôt, « il faut que tu parles et que moi je t’écoute ». Combien de monologues ou de discussions stériles s’inflige-t-on dans une relation ? Au travail c’est la même chose. Entre collègues, avec son N+1, on enchaîne les réunions et les entretiens… « Parfois, l’autre a besoin de communiquer et ça peut être chiant, reconnaît Roseline Laloupe. Pour autant, il y a toujours des choses ennuyeuses dans une relation quelle qu’elle soit. C’est important de s’adapter à l’autre, de l’écouter. » Une relation n’est pas à sens unique. Pour dépasser ses frustrations, l’experte recommande de faire un bilan : quels sont ses points positifs ? Ses points négatifs ? « Souvent, admet-elle, on se focalise sur ce qui ne va pas. Il faut se recentrer sur les aspects positifs. » Une fois les plus et les moins mis dans la balance, vous changerez peut-être de regard. Enfin, si vous avez vraiment besoin d’air et que vous ne tenez pas particulièrement à vous voir quotidiennement, faites comme ces couples libérés, prenez un peu de liberté. « On peut être un rebelle, s’amuse Roseline Laloupe, chacun doit prendre ses responsabilités. Ceux qui ne tiennent pas à assister à toutes les réunions peuvent le manifester. Il faut alors accepter d’être un rebelle et assumer que l’on sorte du rang. C’est une manière de suivre ses envies. L’autre ne partira pas pour autant. Quelque part, cette prise de liberté participe à la séduction. »

« Ta caisse ringarde et ton ordi pourri »

C’était le coup de foudre. Son style, ses valeurs, ses bureaux, sa caisse de fonction… il vous en a mis plein la vue. « On ne se rend pas compte, observe Roseline Laloupe, mais on choisit aussi un job par rapport à l’image que ça renvoie. » La belle voiture, le beau téléphone, l’ordinateur dernier cri, pour beaucoup d’entre nous, cela a de l’importance. « Nous sommes attirés par ces acquis sociaux, assure-t-elle. Ils sont ce que le sociologue Pierre Bourdieu appelle des capitaux symboliques (économique, culturel et social) et qui sont reconnus par les autres comme étant des valeurs. Ces éléments permettent une reconnaissance sociale. On recherche ce job pour obtenir ces acquis sociaux et, en même temps, ces acquis sont une récompense du job. » Vouloir quitter son job parce qu’il ne nous offre pas assez d’avantages ou d’acquis sociaux est compréhensif, mais, selon Roseline Laloupe, ça ne suffit pas. D’abord, ces acquis là sont accessoires, ils ne sont pas la raison d’être de notre travail. Ensuite, « c’est une mauvaise raison parce qu’on a tendance à vouloir tout de suite les choses au lieu de faire preuve de patience, insiste-t-elle. Il faut laisser du temps au temps. Plus on grimpe les échelons, plus on obtient des acquis sociaux. Il faut accepter de faire ses preuves et d’être patient. » Pour apaiser ses frustrations, l’ancienne RH recommande de continuer à travailler sérieusement et de s’investir dans l’entreprise. « Cultiver son réseau en interne, créer des liens avec d’autres équipes, apprendre à être visible, c’est un excellent levier d’évolution, propose-t-elle. On n’évolue pas seulement parce qu’on travaille bien, mais aussi parce qu’on sait communiquer, nouer des relations avec les bonnes personnes, se faire remarquer. »

« Ton manque d’attention pour moi »

« Tu fais du bon travail », « tu es top », « Bravo, tu es incroyable »… Les paroles valorisantes, voilà un langage de l’amour puissant. Qu’il s’agisse de compliments, de primes ou de moments de qualité en équipe, en amour comme au travail, nous avons tous besoin d’attention et de reconnaissance. « Quand on commence à ne plus recevoir d’attention des autres, il y a un problème, relève Roseline Laloupe. On perd progressivement confiance en soi. » Néanmoins, la solution ne consiste pas forcément à chercher un poste dans un nouvel environnement. « On peut changer de job, mais ce n’est pas pour autant que l’on aura davantage confiance en nous ailleurs, affirme-t-elle. Bien sûr, le rôle du manager est de valoriser son collaborateur. Mais on ne peut pas le forcer à le faire. On peut lui demander davantage de feedbacks. » Vous vous sentez en carence d’attention de votre manager ? Vous avez beau le manifester, rien n’y fait ? Ne plaquez pas forcément votre job dans l’instant. « C’est aussi un travail à faire sur soi-même, propose Roseline Laloupe. Se donner à soi-même ce qu’on recherche chez l’autre : se formuler à soi-même des phrases affirmatives, se lancer des mini-défis personnels, faire appel à un coach professionnel… »

Qu’elles soient professionnelles ou non, les relations humaines ne sont pas un long fleuve tranquille. Il y a des périodes de remous, des courants chauds et des calmes plats. Souvent, à la moindre difficulté, on jette les rames et on quitte le navire. Parfois c’est nécessaire, vous n’avez plus l’énergie, ni l’envie de continuer. Alors il faut s’arrêter et changer d’itinéraire. D’autres fois, travailler sur soi peut s’avérer bénéfique. Il arrive qu’un petit rien redonne une dynamique à la relation. Dans cette hypothèse, Roseline Laloupe suggère de réapprendre à se séduire, de raviver la flamme. « Cela implique, selon elle, de travailler son branding, développer son réseau. Parfois on n’obtient pas ce que l’on désire parce que physiquement on ne se montre pas, l’autre ne nous voit pas. C’est une question de pouvoir. Plus on est visible et important aux yeux des autres, plus on a de chances d’obtenir ce qu’on veut. »

Article édité par Gabrielle Predko, photo Thomas Decamps pour WTTJ

Les thématiques abordées