Portraits de reconvertis : tout changer pour mieux se réengager ?
23 mars 2023
5min
Chercher sa voie, prendre un métier, se questionner, virer de bord… La quête pour trouver un job qui correspond à nos aspirations peut être mouvementée. Et garder la motivation n'est pas toujours facile. Alors quitte à avoir plusieurs vies professionnelles, certains téméraires n'hésitent pas à se reconvertir pour retrouver la flamme. Même si, la poursuite d’une meilleure situation a aussi son revers... En photo, ils tirent le bilan de leur mue professionnelle.
Ombeline, responsable de communication en agence, aujourd’hui humoriste et comédienne
Avant de fouler les planches des théâtres, je travaillais dans une grande agence de communication. Une charge de travail importante en pensant que « faire carrière » était le seul et unique but de ma vie professionnelle. Mais le manque de reconnaissance, la vanité des projets sur lesquels je travaillais, l’absence d’évolution à laquelle j’aspirais et par-dessus tout, la connerie et le manque de compétences de mon ancien DG, m’ont convaincu d’une chose : il fallait absolument que je démissionne. Le hasard a bien fait son travail, lui, puisqu’un an plus tard, après avoir quitté mon ancienne vie, j’ai accompagné ma fille aînée à son cours de danse et le destin m’a fait un petit signe… Sur une devanture se trouvait une affiche pour une « École de one-man show » : Mon cerveau et moi, on s’est dit « bingo » ! Malgré la baisse de salaire qu’il ne faut pas sous-estimer et les discussions autour de la machine à café avec mes collègues qui me manquent, parfois, j’ai retrouvé une véritable joie de bosser, et de l’assurance. Les critiques positives des spectateurs à la fin de chaque spectacle compensent tout le reste. Le rapport entre le monde de l’entreprise et l’humour n’est pas à chercher bien loin, les situations ubuesques que j’ai vécues auront eu le mérite de m’inspirer.
Eloyse, ingénieure paysagiste, puis cheffe d’entreprise, revenue à l’ingénierie d’affaires auprès d’une société de conseil
Avoir plusieurs vies professionnelles ça me parle évidemment. Et pour cause, j’ai porté de nombreuses casquettes dans ma carrière, à des postes, dans des secteurs et avec des statuts différents. Les déclics pour moi ont été multiples : j’ai d’abord ressenti le besoin de faire un métier manuel avec l’envie de monter mon entreprise pour la fleuristerie. Puis, j’ai eu le souhait d’apprendre de nouvelles choses et de développer des compétences commerciales, en revenant à un métier d’ingénierie pour mon poste actuel de Business Unit Manager (ingénieure d’affaires) auprès d’une société de conseil. Dans mon job actuel, je trouve de la motivation dans la découverte de nouveaux aspects techniques, l’absence de routine, le côté intrapreneur du métier et la bienveillance de mes collègues et responsables. Mon rôle d’entrepreneur dans mon ancien métier était synonyme de fatigue physique, d’une charge mentale trop importante, de plages horaires difficilement conciliables avec une vie sociale correcte. Quelque soit la reconversion, j’ai gagné une certaine indépendance et une liberté quant à mes choix en termes de stratégies commerciales et actions. En quittant la fleuristerie, j’ai perdu les aspects manuels et créatifs du métier mais sans regret. J’ai pu intégrer ma boîte actuelle qui me fait confiance et m’a permis d’exploiter mes expériences précédentes.
aXelle, des ressources humaines au statut de dominatrice professionnelle
Ressources humaines, création de bijoux, marketing, lobbying et d’autres trucs en « ing »… J’ai occupé de nombreux métiers dans ma vie. Sans jamais trouver chaussure à mon pied. C’est simple, je manquais d’épanouissement au point de changer de voie tous les 3 ans, jusqu’à ce que je devienne dominatrice professionnelle il y a 10 ans. Et depuis un an, Directrice de l’Ecole des Arts Sadiens, un organisme qui forme novices et expérimentés aux pratiques BDSM. J’ai tout d’abord eu un premier déclic après avoir été frappé par un cancer. Je me suis retrouvée face à la mort et à une question : qu’est-ce qui me donne le goût de vivre ? Deux ans après avoir échappé à cet enfer, j’ai eu un deuxième déclic. Un 14 décembre, alors que j’assistais à une réunion du personnel, j’écoutais les objectifs de l’année à venir, les mêmes depuis sept ans : personnaliser la relation client et décloisonner les directions. Je me suis dit : stop, je n’en peux plus, rien n’avance, la vie est trop courte pour perdre son temps. Dans mes anciens jobs, la motivation était avant tout politique, j’aimais penser que je pouvais améliorer le bien-être des salarié·es et promouvoir un système de gouvernance paritaire. Aujourd’hui, ce que j’aime quand je reçois mes client·es et les élèves de l’école, c’est l’espace de liberté que j’offre, la possibilité de parler d’intimité sans jugement, de réaliser des fantasmes. J’ouvre le monde des possibles. En tant qu’indépendante, j’ai certes perdu la sécurité du salaire, les congés payés, la délimitation claire entre travail et vie privée mais le tout au profit de la liberté. De part la spécificité de mon métier, je suscite la curiosité, mais je suis aussi stigmatisée, je dois me cacher sous des faux noms pour exister administrativement parlant. Mais grâce à ce métier, j’ai pu aligner mes centres d’intérêt (le sexe créatif et le militantisme) avec mes valeurs (liberté, exigence, créativité).
Julien, directeur financier dans une boîte américaine d’aménagement du tertiaire, aujourd’hui barman et co-patron du Bar Chez Brigitte
Ce qui m’a amené à ranger mon costume de directeur financier, c’est d’abord une envie profonde et lointaine de changement. Avant, je débutais ma semaine avec pour seul horizon le début du week-end. Ce qui me démotivait dans mon ancien environnement professionnel, c’était la futilité des projets mêlée à l’arrogance des personnes que je côtoyais. Et je ne me fais pas d’illusion, j’ai dû moi-même incarner cette personne un peu détestable, qui fait passer les chiffres avant l’humain. Mais tout cela m’a conduit à un manque de sens. Bref, je ne me voyais plus vivre comme ça et cherchais quelque chose de « plus vrai » dans mon travail. Aujourd’hui, j’aime profondément ce que je fais, je viens avec plaisir dans le bar où j’officie. J’apprécie surtout l’idée de rencontrer des personnes différentes, qui m’intéressent, et de pouvoir les accueillir chez moi, dans mon bar. J’aime me dire qu’après une dure journée de taf, je suis celui qui va divertir ces gens-là, leur permettre de se retrouver dans la convivialité. Bien sûr, dans cette nouvelle vie, tout n’est pas parfait. Mes revenus ont évidemment diminué et je dois gérer quelque chose de nouveau pour moi : travailler de nuit. Rien d’une sinécure donc, surtout quand on envisage de fonder une famille. Avec du recul, quand tu es salarié, tu fantasmes beaucoup l’idée de liberté, mais honnêtement, c’est compliqué partout, même pour un indépendant. Maintenant le quotidien, je l’adore et je suis content quand je rentre de vacances de retrouver mon comptoir et d’y poser les premières bières.
Louise, étudiante en école de management devenue fondatrice de la pâtisserie La Tarte au Carré
Au fil de mes études, tout me destinait à embrasser une carrière classique de management au sein de grands groupes. Étudiante à l’ESSEC, j’ai eu des expériences professionnelles qui m’ont permis de me forger une opinion et plus tard, d’opérer un tri pour faire les choix de vie pro que je voulais. Notamment un stage de communication dans un grand groupe, puis un autre dans une start-up du secteur de la logistique. J’avais trouvé une structure qui me correspondait à travers cet esprit entrepreneuriat de la start-up. Restait à déterminer un secteur qui me branchait plus que la logistique et trouver « mon truc ». « Alors qu’est-ce que tu aimes faire Louise ? » Cette question, je me la suis posée en boucle alors que l’obtention de mon diplôme précipitait le moment où je devrai postuler pour un premier cdi. J’avais bien entendu une réponse, j’ai toujours aimé la pâtisserie ! Alors pourquoi ne pas enfiler le tablier et être à mon compte ? C’est ce que j’ai fait. Développer mon entreprise, avoir des journées variées entre terrain et gestion… Je n’étais pas motivée par un travail 100% bureau. J’ai l’impression d’avoir gagné la liberté de m’organiser comme je veux. Mais surtout, j’ai gagné la grande responsabilité de gérer une entreprise avec onze personnes. Alors c’est sûr, la charge mentale ne disparaît pas le vendredi à 18h et ce n’est pas de tout repos.
Article édité par Manuel Avenel ; Photos Thomas Decamps pour WTTJ
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