Système de garde : “On ne veut plus choisir entre être mère ou femme active !”

08 nov. 2021

4min

Système de garde : “On ne veut plus choisir entre être mère ou femme active !”
auteur.e.s
Thomas Decamps

Photographe chez Welcome to the Jungle

Anais Koopman

Journaliste indépendante

TRIBUNE - Pauline Bar est la CEO de The Working Mums, qui vise à aider les femmes qui ont des enfants à concilier - et gérer au mieux - leurs vies professionelle et personnelle. Pour Welcome to the Jungle, l’entrepreneuse revient dans une tribune sur la charge mentale du système de garde pour les mamans actives.

Maman de deux enfants, j’ai monté ma boîte “The Working Mums” il y a trois ans, pour aider les femmes qui travaillent et ont des enfants. Depuis, je navigue entre Genève, Paris… et les garderies. Il y a un mois, à bout, j’ai poussé un coup de gueule sur LinkedIn ; un post que j’ai titré : “Facile, t’as qu’à prévoir un système de garde”. Dedans, j’explique en quoi travailler et tout faire pour faire garder ses enfants est extrêmement compliqué. Entre les listes d’attente à rallonge pour une place en crèche, les problèmes de capacité d’accueil en centres de loisirs, les empêchements d’une ou de plusieurs baby-sitters en même temps, oui, organiser la prise en charge de ses enfants et rester actif·ve professionnellement est un vrai casse-tête… qui incombe bien plus aux femmes qu’aux hommes !

Cela fait maintenant huit ans que je me bats pour concilier ma vie de mère avec ma vie pro. Au boulot, j’interviens auprès d’entreprises et de particuliers, autour des sujets de parité, d’égalité hommes-femmes, de gestion du retour de congé maternité, bref, tout ce qui touche à l’empowerment et à l’équilibre des vies professionnelles et personnelles. Que ce soit au bureau ou à la maison - s’agissant de mon statut de maman -, j’agis au quotidien pour que carrière et maternité ne soient plus des terrains antagonistes. Et aujourd’hui, si c’est encore souvent le cas, c’est en grande partie à cause de la complexité du système de garde.

« Aujourd’hui, je ne compte plus le nombre de femmes qui se sentent encore obligées de choisir entre être mères et être actives, pendant une période plus ou moins longue, et non sans conséquence » - Pauline Bar, CEO The Working Mums

Ce n’est pas nouveau, les places en crèches sont souvent très chères. En France, d’après le rapport annuel 2021 de l’Observatoire national de la petite enfance (Onape), il y a 59 places pour 100 enfants de moins de trois ans. Et en 2013, 61% des enfants de moins de trois ans étaient principalement gardés par leurs parents en semaine, d’après les chiffres de 2015. Cela reste très loin des pays nordiques, où les enfants peuvent généralement être admis en garderie dès deux ans et demi dans des écoles gratuites. Et même lorsque l’enfant a un·e ou plusieurs baby-sitters attitré·e·s, cela reste toute une organisation… souvent prise en charge par la mère : il faut régulièrement renouveler son carnet d’adresses, leur écrire, prévoir leur paie, etc. Il en va de même lorsque l’enfant a l’âge d’aller à l’école. S’agissant d’aller le(s) récupérer en fin de journée, même combat : bien souvent, les pères emmènent leurs enfants à l’école, pendant que les mères s’occupent d’aller les chercher… donnant ainsi l’impression de négliger leur carrière en partant du travail vers 17 ou 18h.

Aujourd’hui, je ne compte plus le nombre de femmes qui se sentent encore obligées de choisir entre être mères et être actives, pendant une période plus ou moins longue, et non sans conséquence. En réalité, c’est difficile de quantifier le nombre de concernées, car beaucoup n’osent pas dire qu’elles ont arrêté de travailler pour prendre ce rôle, tandis que d’autres s’auto-convainquent que c’est mieux pour elles et pour leur(s) enfant(s) de s’en occuper 7j/7, 24h/24. Mais ce que je peux cependant vous dire, c’est que quand vous arrivez au boulot, que vous avez payé la crèche et la baby-sitter la même journée car votre enfant est malade, que chaque minute compte, et que vous vous prenez quand même des remarques en arrivant un peu en retard au boulot, croyez-moi, vous êtes proche du burn-out !

Congé parental et salaires : même combat

Alors, pourquoi est-ce majoritairement le problème des femmes ? Il y a des raisons concrètes qui expliquent en quoi les rôles traditionnels sont encore bien ancrés dans la société. D’abord, le congé parental est encore en grande partie l’apanage des mères. Et pourtant, c’est pendant les premiers jours qui suivent la naissance de l’enfant que les habitudes se mettent en place : dans les couples où le père est très présent dès la naissance (et je ne parle pas de quelques jours seulement), ce dernier reste très impliqué au niveau de la charge mentale parentale, longtemps après le congé parental, et notamment lorsqu’il s’agit de garder ou de faire garder l’enfant. Dans le cas contraire, soit la mère conserve une grande part de la charge mentale vis-à-vis de l’enfant, soit elle a la charge mentale de déléguer

Il y a aussi un lien évident entre les rôles de mères et les écarts de salaires. Il n’y a qu’à se rappeler le confinement : la personne qui s’est le plus sacrifiée pour faire moins de réunions et s’occuper davantage des enfants était celle qui avait le poste le moins bien payé et avec le moins de responsabilités. Autant dire… majoritairement les femmes puisqu’en 2017, les femmes salariées du secteur privé gagnent en moyenne 16,8 % de moins que leurs homologues masculins, d’après l’Insee (2020). Le salaire est ainsi un des déterminants de la charge mentale parentale, et la raison pour laquelle il faudrait commencer par se battre pour réduire les écarts salariaux : tant que les hommes gagneront plus que les femmes, tant que les femmes auront des congés maternités bien plus longs que les hommes, ce seront les femmes qui devront sacrifier leur carrière pour compenser un système de garde aujourd’hui obsolète.

Pour que ça change, il faut créer un véritable effet boule de neige : plus les pères seront impliqués dans leur vie de famille, plus on trouvera ça logique qu’ils partent parfois plus tôt le soir. Ainsi, la société toute entière bougera. Pour moi, il y a deux leviers d’amélioration pour évoluer au niveau individuel d’abord, puis collectif ensuite : en tant qu’individu postuler dans des entreprises ouvertes et flexibles autour de ces sujets, et en tant qu’entreprise, s’adapter aux demandes de télétravail, d’horaires aménagées, etc. C’est autant notre responsabilité en tant que particuliers, que celles des entreprises, des associations et de l’État. Il s’agit de vases communicants qui s’influencent les uns les autres. En attendant, mes collègues, clientes, amies et moi, continuons de se booster, de se donner des coups de main en cas de problème de garde, bref : nous faisons tout pour avancer dans nos carrières sans renier nos enfants pour autant !

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Article édité par Clémence Lesacq ; Photos Thomas Decamps pour WTTJ

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