Du prank à la vendetta : 5 histoires de vengeance au taf
23 nov. 2022
7min
Journaliste - Welcome to the Jungle
Drôle d'écosystème que la vie de bureau. On fréquente des individus que l’on n’a pas choisis, en huit clos, et ce, cinq jours sur sept pendant des années. Et si la plupart s’en tiennent à une relation de collègues, d’autres liens peuvent aussi se créer et donner lieu à des interactions… Plus ou moins professionnelles. À commencer par les représailles imaginées après avoir été victime d’un mauvais coup au bureau. Tour d’horizons des meilleures revenge story, allant du simple prank à la véritable vendetta.
Julie : « Ici, on ne plaisante pas avec les pains au chocolat »
À l’époque, je travaille dans une boîte avec une dizaine de collègues que je considère comme mes copains. D’ailleurs, nous avons instauré, chaque vendredi matin, un petit-déjeuner avec café, jus et viennoiseries pour toute l’équipe. L’un de nous est nommé responsable du buffet matinal et on alterne toutes les semaines. Mais un jour, l’un de nous a le malheur d’oublier son tour. C’est un junior qui vient d’arriver et tout le monde l’apprécie beaucoup. Il n’empêche que ce vendredi, nos regards mécontents se croisent et nos estomacs vides s’en plaignent. L’air affiché sur son visage est tellement désolé que nous lui pardonnons instantanément, à condition qu’il soit de nouveau responsable la semaine suivante. Seulement, le vendredi d’après, il oublie à nouveau. Après trois semaines sans déguster la meilleure tradition que l’on ait pu instaurer, on décide de lui faire comprendre son erreur. À notre façon. Quelques jours plus tard, on profite de son absence dûe à une réunion pour actionner notre plan. L’un d’entre nous s’occupe alors de remplacer le fond d’écran de son ordinateur par un écran bleu. Il se rend dans ses paramètres et bloque l’écran de veille pendant que nous gloussons à l’unisson et se rassoie aussi sec à son bureau. Quand le junior revient et se retrouve nez-à-nez avec un écran vide, nous essayons tant bien que mal de garder notre sérieux. En quelques secondes, la panique le gagne, il ne parvient plus à accéder à ses documents et la souris ne répond pas. Les minutes passent, on l’entend tour à tour râler et angoisser à l’idée d’avoir cassé l’ordi de la boîte. De notre côté, on se demande qui sera le premier à craquer. Jusqu’à ce que les regards en coin s’intensifient, les gloussements étouffés aussi et que l’un d’entre nous lui révèle la supercherie. Tout le monde éclate de rire après un quart d’heure de supplice et le junior comprend qu’il a été berné. Il s’amuse de la situation lui aussi, sans doute un peu soulagé, et nous promet qu’il n’oubliera pas de sitôt de nous apporter le petit déjeuner. Et il n’a plus jamais trahi sa parole car ici, on ne plaisante pas avec les pains au chocolat.
Thibault : « Elle n’arrêtait pas de râler, alors j’ai changé son clavier en QWERTY »
Lors de mon tout premier CDD, j’ai vingt ans, je viens de finir mes études et plonge avec plaisir dans le grand bain de la vie active. Je suis plein de bonnes intentions et prêt à faire bonne impression. Jusqu’à ce que je réalise qu’on m’a collé à côté de la peau de vache de service. Il s’agit d’une collègue à un an de la retraite, désagréable à souhait et qui n’a pas peur de me le montrer. À chaque grincement de ma chaise, je l’entends grogner, souffler dès que je parle au téléphone ou que je tape trop bruyamment sur mon clavier. Je subis notre cohabitation pendant des mois, et chaque renouvellement de mon contrat est terni quand je repense à la voisine que je vais encore devoir me coltiner. Excédé par sa mauvaise humeur, je finis par craquer et me plaindre de son attitude à la hiérarchie. On me répond que sa réputation est bien connue des services, mais qu’il s’agit d’une des plus anciennes salariées de la boîte et que par conséquent, personne ne souhaite la contrarier si proche de la sortie. Je me résigne donc à accepter mon funeste destin jusqu’à ce que cette dernière me réclame de taper moins fort sur mon clavier pour la troisième fois de la matinée. Cette fois-ci, je manque de perdre mon sang froid pour de bon. Mais plutôt que de gaspiller mon énergie à lui crier ses quatre vérités, je décide spontanément, et sans vraiment réfléchir, de chercher sur google comment inverser le clavier AZERTY en QWERTY. J’attends qu’elle quitte le bureau pour prendre sa pause déjeuner, me jette sur son ordinateur pour mettre en œuvre ma vengeance et me rassoit, souriant et satisfait. Lorsque Cerbère revient, je l’entends se battre avec son ordinateur, s’égosiller, hurler dans le bureau qu’on lui a arraché les lettres de son clavier pour les inverser. Elle débranche même ledit clavier pour le montrer à tout le monde et peste contre chacun. Au bout de plusieurs heures à tourner en rond dans tout l’open space, elle finit par avoir la présence d’esprit de contacter le service informatique qui lui remet le mode AZERTY en une seconde. Et je ne l’ai plus entendu de la journée. Alors certes ce n’était pas très malin de ma part, mais la satisfaction immédiate que m’a procuré cette petite vengeance en valait la peine. Ainsi qu’un silence délicieux durant tout un après-midi.
Evelyne : « J’ai publié son numéro dans un magazine en le faisant passer pour le plus généreux des vétérinaires »
J’ai eu l’opportunité de travailler une bonne partie de ma vie dans une boîte d’édition où on s’amuse beaucoup. La boss est d’un caractère bon vivant, toujours prête à rire pour passer un bon moment. L’atmosphère qu’elle a insufflée dans ses bureaux lui ressemble. Aussi, nous sommes habitués, mes collègues et moi, à nous jouer des tours en permanence. Comme nous sommes tous écrivains, les idées grimpent toujours d’un cran à chaque fois. Pour ma part, j’entretiens une véritable relation de défi avec l’un d’entre eux, car les plans les plus farfelus sont toujours les nôtres. Impossible de savoir qui de nous deux a lancé la première offensive tant ces dernières ont pu être nombreuses. En revanche, je me souviens bien de la vengeance qui m’a accordé le plus de crédit. La semaine précédente, mon collègue a accroché une vingtaine de canettes de coca cola vides à l’arrière de ma voiture. Et je m’en suis évidemment rendu compte après avoir démarré en entendant le brouhaha dans toute la rue. Alors je compte bien lui rendre la pareille. Il faut savoir qu’à l’époque, un journal avec une petite notoriété est distribué gratuitement dans toute la capitale. Il s’appelle Paris Boum Boum et offre la possibilité de publier des petites annonces gratuites entre les articles. Avec l’aide d’une collègue, j’envoie donc une annonce au magazine selon laquelle un vétérinaire vertueux s’engage à consulter tous les animaux domestiques gratuitement le jeudi de l’ascension. Avec un penchant pour les petits canaris blessés. Et en prime le numéro de mon collègue affiché en grand. Il s’en est rendu compte le jour même après avoir refusé plusieurs dizaines de consultations improvisées. Encore maintenant on s’en souvient comme l’une des meilleures blagues qu’on ait pu faire dans ces bureaux. Aujourd’hui, je me dis surtout qu’on a eu de la chance de baigner dans cette insouciance. Autant de légèreté, c’est si précieux.
Mila : « Son sweat s’est malencontreusement retrouvé dans le congélateur de la boîte »
Fascinée depuis toujours par l’univers de l’animation 3D, j’en ai fait mon métier après un boulot étudiant l’été de mes vingt-cinq ans. Cette première entreprise à m’engager déborde d’imagination et mes collègues sont de grands farceurs. Chacun a toujours un plan en tête pour faire une crasse à son voisin et on passe beaucoup de temps à préparer notre prochaine supercherie. Un jour, j’aperçois par la fenêtre du bureau mon vélo saucissonné avec du papier toilette. Je devine très rapidement l’identité du coupable, démasqué pour cause de gloussements derrière son ordinateur. Je promets à mon collègue hilare de me venger et pars en quête de représailles suffisamment marquantes pour lui passer l’envie de recommencer. Quelques semaines plus tard, le temps que ce dernier relâche la garde, je lui dérobe son sweat laissé sur le dossier de sa chaise à l’heure de la pause déjeuner, le plonge sous l’eau du robinet et la cache au fond du congélateur de la boîte. Ni vu ni connu, je retourne à mon bureau et brûle d’impatience à l’idée de découvrir son visage plus perplexe que jamais. Chose qui se concrétise seulement quelques minutes plus tard à son retour. Je le vois chercher son sweat dans les moindres recoins, mener son enquête et finir par retrouver son bien une heure après. Ou plutôt ce qu’il en reste. Un cube solidifié aussi dure que de la pierre dont seule la couleur peut lui confirmer qu’il s’agit bien du sien. Plus tard, je l’ai aperçu rentrer chez lui avec ses deux kg de sweat glacé sous le bras, à la fois amusé et penaud et je n’ai pas pu m’empêcher de me dire que j’avais gagné. Par la suite, le concours de prank a continué avec ce même collègue mais le niveau de créativité a clairement baissé d’un cran. Sans doute avait-il peur de l’escalade vers laquelle on se dirigeait… Et de voir de ce dont j’étais capable pour défendre mes arrières.
Sybille : « Mon sang ne fait qu’un tour et l’instant d’après, je frottais ses stylos préférés entre mes orteils »
Après de longues études pour plonger la tête la première dans le secteur de l’administration publique, j’obtiens sans grand enthousiasme mon premier CDI dans un cabinet. L’atmosphère y est assez pesante, les missions sont loin d’être agréables, et pour couronner le tout ma voisine de bureau est insupportable. Cette collègue d’une trentaine d’années est réputée dans tout le secteur pour être directive, agressive et surtout pour avoir une dent contre les nouvelles recrues. Si l’un des aspects du métier consiste à aller sur le terrain, personne ne court après car l’exercice est plutôt désagréable. Et pour notre plus grand malheur, cette collègue était la plus à même de décider qui devait se déplacer au vu de son ancienneté. Son plus grand plaisir consistait à nous prévenir du jour pour le lendemain d’un déplacement, sans qu’on ait eu le temps de se préparer à l’idée. Un matin fatal, elle m’annonce d’une voix faussement guillerette : « puisque tu a l’air de t’ennuyer tu vas pouvoir aller te balader dehors ça va te faire du bien ». La proposition est évidemment ironique puisque ce jour-là, l’air se rapproche des 45 degrés et les bouchons saturent le centre-ville. Elle affiche un air triomphant et, sans me laisser le temps de répondre, quitte l’open space en direction des toilettes. Mon sang ne fait qu’un tour et mon regard se pose immédiatement sur la collection de stylos colorés qu’elle mâchouille allégrement à longueur de journée. Une vilaine habitude qui nous rendait tous fous à force de l’entendre mastiquer le plastique comme si sa vie en dépendait. Ni une ni deux, je plonge sur eux, les empoigne, retire ma chaussure, fait glisser ma chaussette et frotte ses fichus stylos entre chacun de mes orteils et les remet sagement à leur place. Depuis, chaque fois qu’elle m’adresse son plus grand sourire en mordillant ses stylos, je me fais un plaisir de le lui rendre. Un acte de vengeance d’une bassesse innommable qui m’a permis de tenir pendant encore deux ans dans cette entreprise, et dont le mérite est, encore aujourd’hui, de faire glousser mes amis à chaque fois qu’ils entendent cette histoire.
Article édité par Gabrielle Predko, photo Thomas Decamps pour WTTJ
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