Pour adopter un animal ou soigner une gueule de bois : les congés les plus insolites

1. Pour animal de compagnie

C’est bien connu, vos Kitty et Médor font partie intégrante de la famille ! Alors, pourquoi ne pourrions-nous pas bénéficier d’un congé le jour de l’adoption de notre animal, lorsqu’il est malade ou à son décès ?

À l’étranger, le concept de “Pawternity leave” (congé de patte-rnité) commence en tout cas à prendre forme. Les premiers congés spécifiques pour les animaux de compagnie ont vu le jour il y a quelques années, notamment avec la brasserie écossaise Brewdog en 2017, qui a offert à ses employés une semaine de congé pour l’adoption d’un chien. La popularité de ces congés a ensuite augmenté pendant la pandémie de Covid-19, en raison de la hausse des adoptions d’animaux de compagnie.

Dans un sondage publié en 2021 par Roger Wade, président de l’entreprise anglaise Boxfund, auquel ont participé environ 33 000 travailleurs, les opinions sur le Pawternity leave semblent partagées. 61% des répondants se sont même exprimés contre ce type de congé payé ! La principale objection repose sur l’argument selon lequel les animaux ne peuvent être assimilés à des enfants en termes de responsabilités et que de tels congés engendrent des coûts trop importants pour l’entreprise.

Et en France, où 52% d’entre nous possèdent un chien ou un chat ? S’il n’existe pas de liste exhaustive des entreprises offrant ce (rare) avantage, quelques spécialistes du domaine animalier s’en sont emparés pour leurs salariés. Par exemple, le groupe lyonnais Santévet, spécialisé dans l’assurance santé pour animaux offre à ses employés deux jours de congé suite à l’adoption d’un animal de compagnie et un jour de congé en cas de deuil. Une autre entreprise, Wamiz, un site web dédié aux animaux, accorde à ses employés trois jours de congé pour prendre soin de leur animal de compagnie malade.

2. Spécial non-fumeurs

En 2017, l’entreprise japonaise de marketing Piala Inc. a accordé six jours de congé supplémentaires aux employés non-fumeurs. Cette décision a été prise suite à un sondage interne révélant que les pauses cigarettes des employés fumeurs prolongeaient significativement leur temps de pause pendant les heures de travail. Pour Piala Inc, la raison principale de cette offre anti-nicotine serait de “promouvoir un environnement de travail sain”, ainsi que “d’encourager les fumeurs à arrêter” afin d’augmenter la productivité et de réduire les coûts de santé.

En 2020, inspirée par l’initiative japonaise, l’entreprise anglaise KCJ Training and Employment Solutions a accordé quatre jours de congé supplémentaires aux employés non-fumeurs. Le dirigeant de cette entreprise a estimé le temps perdu par les employés fumeurs à un total de 16 jours de travail par an.

Outre les coûts liés aux pauses clopes, l’impact de la nicotine sur les congés maladie constitue également un enjeu. Une étude de 2020 publiée par le Scandinavian Journal of Work, Environment & Health a montré que les employés fumeurs sont 30 % plus susceptibles de prendre des congés maladie par rapport aux non-fumeurs. De plus, une étude publiée par l’American Journal of Preventive Medicine indique que le coût total des pertes de productivité attribuables à la morbidité liée au tabagisme s’élevait à 184,9 milliards de dollars aux États-Unis en 2018. De quoi nous aider à - enfin vraiment - quit ?…

3. Pour coeur brisé

Vous l’avez peut-être déjà expérimenté, et la Science l’a même confirmé : avoir le cœur brisé n’est pas du tout bon pour notre productivité au travail ! Une étude menée en 2010 a ainsi révélé que les personnes ayant récemment vécu une rupture amoureuse passaient environ 85 % de leurs heures éveillées à penser à l’individu qui les avait rejetées. En outre, l’étude indique que le chagrin d’amour peut aussi engendrer une douleur physique. Face à cela, ne serait-il pas justifié d’envisager un jour de congé pour cœur brisé ?

Dans une entreprise au Japon (et oui, encore le Japon), cette idée a été embrassée. En 2008, l’entreprise Hime & Company a mis en place ces jours de congé pour ses employés, afin qu’ils puissent retourner au travail avec un nouvel élan. « Tout le monde n’a pas besoin de prendre un congé de maternité (sic), mais face à un chagrin d’amour, tout le monde a besoin de prendre du temps pour soi, comme lorsque l’on tombe malade » a expliqué dans une interview à Reuters Miki Hiradate, PDG de l’entreprise

Il y a également des exemples plus récents, comme celui de l’hôtel Cebu Century Plaza aux Philippines. Depuis janvier 2023, les employés de cet hôtel ont droit à cinq jours de congé suite à une rupture amoureuse. Cependant, il y a une mauvaise nouvelle pour les serial lovers : ce congé n’est accessible qu’une seule fois par an, à condition que l’employé puisse fournir des preuves attestant de la relation et de sa fin.
En plus de ce congé, l’équipe des ressources humaines de l’hôtel est prête à soutenir l’employé au cœur brisé en proposant un accompagnement psychologique pour faciliter son rétablissement.

4. SOS gueule de bois

Nausées, maux de tête, cerveau en pagaille… Que celui ou celle qui n’a jamais passé une horrible journée au travail au lendemain d’une cuite magistrale jette la première pierre !
Il n’est donc pas surprenant que, selon un sondage de 2022, le congé que les Américains souhaiteraient le plus recevoir de leur entreprise est le congé pour gueule de bois. Il est probable que de tels congés soient également populaires parmi les Britanniques. Une étude menée par l’Institute of Alcohol Studies au Royaume-Uni en 2019 a révélé que 42 % des participants avaient déjà été au travail avec la gueule de bois ou sous l’influence de l’alcool. Selon la même étude, ces travailleurs causent d’énormes pertes à l’économie britannique : la baisse de productivité due aux gueules de bois et à l’intoxication due à des surconsommations d’alcool coûterait entre 1,2 et 1,4 milliard de livres sterling chaque année !

L’entreprise britannique de billetterie pour spectacles musicaux, DICE, a bien compris l’enjeu et a décidé en 2017 d’autoriser ses employés à prendre jusqu’à quatre jours de congé après des soirées trop arrosées. Il faut dire qu’avec un tel domaine d’activité, DICE sait que ses employés assistent souvent à des concerts jusqu’à tard dans la nuit !
Et DICE s’en amuse presque : car si l’employé·e n’est même pas en état de rédiger une phrase normale pour informer son manager de son état, il peut toujours lui envoyer des emojis de musique, de bière et de nausée sur WhatsApp… et le jour de congé sera approuvé !

5. Juste pour… enfin vous reposer

Vous avez un léger rhume, mais vous n’êtes pas assez malade pour prendre un congé maladie ? Vous êtes fatigué ? Vous n’avez tout simplement pas envie d’aller travailler aujourd’hui ? Le “duvet day” (le jour du couette) est fait pour ça. Il s’agit d’un jour de congé fourni par l’entreprise sans préavis de la part de l’employé, populaire aux États-Unis et en Angleterre. La première entreprise à avoir instauré le Duvet Day était l’entreprise anglaise August One en 1997, bien avant que le “work-life balance” ne devienne une priorité, et à une époque où l’on était beaucoup moins sensibilisé à la santé mentale au travail.

Selon un sondage publié en Angleterre en 2018 par Time4Sleep, 61 % des participants ont déjà bénéficié d’un Duvet Day : 36 % d’entre eux l’ont pris en raison de la fatigue et 33 % en raison du stress lié au travail. De plus, 36 % des participants estiment que les Duvet Days peuvent aider à réduire le stress et l’anxiété.
l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que la dépression et l’anxiété coûtent chaque année 1 trillion de dollars à l’économie mondiale en termes de perte de productivité. Pas inutiles, les Duvet Days ne devraient cependant pas masquer les situations les plus graves pour les salariés. Car un jour de congé n’empêchera jamais un burn-out…

6. Pour souffler vos bougies

Vous souhaitez profiter à 100% de votre anniversaire sans sacrifier vos jours de congés payés annuels ? Si vous travaillez chez H&M, ce ne sera plus un problème. Les salariés de l’entreprise de prêt à porter bénéficient en effet d’un jour offert par an pour souffler leurs bougies.

Les congés d’anniversaire sont désormais considérés comme l’un des avantages les plus recherchés. Selon une étude menée par Perkbox en 2018 auprès des employés britanniques, le congé d’anniversaire figure à la sixième place parmi les 100 avantages les plus demandés dans le sondage.

« Les congés payés aident les employés, mais aussi l’entreprise »

Face à ces nouveaux congés, dont certains peuvent paraître superflus voire mauvais pour l’équilibre financier d’une entreprise, qu’en penser ? Interrogée, Candice Vander Weerdt, professeure de management à l’Université de Cleveland et co-auteure de l’étude « Is paid sick leave bad for business? A systematic review », y voit le changement dans la conception de l’équilibre travail - vie personnelle, qui a pris de l’ampleur ces dernières années.

L’experte explique aussi que les employeurs qui accordent des jours de congé comprennent qu’ils contribuent à la santé mentale et physique des salariés, ainsi que l’importance d’avoir des employés en bonne santé et satisfaits pour l’entreprise : « Les congés payés aident les employés, mais aussi l’entreprise. Cela rend les travailleurs plus heureux, les incitant à rester plus longtemps dans l’entreprise, à être plus impliqués, et les résultats des employés s’en trouvent améliorés. »

D’après l’experte, les jours de congés payés revêtent également une importance cruciale pour l’avenir des nouvelles entreprises : « Dans notre étude, nous avons examiné la survie des nouvelles entreprises. Ainsi, si une entreprise était lancée et qu’elle offrait des avantages et des congés payés, elle avait une plus grande probabilité de survivre sur une certaine période par rapport à celles qui ne le faisaient pas. »

Candice Vander Weerdt indique que plus ces jours de congé sont généreusement accordés, plus les employés sont enclins à en bénéficier. Par contre, quand une entreprise offre moins de dix jours de congés payés par an - une situation très courante aux États-Unis où exerce la professeure -, les employés ont tendance à les garder pour des urgences et, parfois, à ne pas les utiliser même quand ils en auraient besoin.

Alors, si ces jours de congé s’avèrent si bénéfiques et que la prise de conscience de l’importance d’un équilibre entre vie personnelle et professionnelle continue de croître, pourrait-on envisager que ces jours de congé, que nous considérons maintenant comme « insolites » deviennent courants dans quelques années ?
Selon Candice Vander Weerdt, accorder des jours de congé « spéciaux » est un excellent moyen pour les entreprises de se différencier et d’attirer davantage de salariés, mais elle est sceptique quant à leur popularité croissante à l’avenir. « À l’heure actuelle, il semble que ces jours de congé soient plus populaires parmi les jeunes entreprises, ou parmi celles dont l’activité principale est en lien avec ce jour de congé, par exemple, le congé de patte-rnité chez les entreprises dont l’activité principale concerne les animaux », explique l’experte. « Je ne sais pas dans quelle mesure les entreprises plus « traditionnelles » adopteront également ces jours de congé. »

Article rédigé par Nitzan Engelberg, édité par Clémence Lesacq - Photo Thomas Decamps pour WTTJ