Le congé allaitement n’existe pas en France, quelles sont les alternatives ?
20 mars 2023
4min
Journaliste freelance
Dans l'Hexagone, il n'existe pas de congé spécifique pour l'allaitement. Seuls quelques secteurs proposent aux jeunes mamans, sous certaines conditions, de s'arrêter plus longtemps. Alors, quelles sont vos alternatives si vous souhaitez poursuivre votre aventure lactée tout en étant salariée ? Les lois à ce sujet ont-elles des chances d’évoluer ? On vous dit tout.
La naissance d’un enfant est toujours un bouleversement. Et les premiers mois une période certes heureuse, mais souvent délicate : en effet, un nourrisson nécessite une attention constante de la part de ses deux parents. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le congé maternité existe. Sa durée est cependant limitée à un maximum de 46 semaines, dont 22 semaines après la naissance pour les parents de jumeaux, triplés ou plus. Les femmes primipares ou les mamans d’un second enfant bénéficient, quant à elles, d’un arrêt de 10 semaines post accouchement.
Lorsque l’on sait que l’OMS recommande une durée minimale d’allaitement maternel exclusif de 6 mois, la question du congé allaitement prend tout son sens… Pour celles qui en font les choix, allaiter permet de transmettre des anticorps protecteurs à son enfant.
Un congé allaitement inexistant
S’il a bel et bien existé dans le passé en France entre les années 1950 et 1975, le congé allaitement a ensuite été supprimé et n’a toujours pas officiellement été ré-instauré à ce jour. Seules quelques conventions collectives le mentionnent, au niveau de secteurs d’activité spécifiques ou d’entreprises elles-mêmes. C’est le cas de la Croix-Rouge, par exemple. C’est aussi celui de la convention collective de l’audiovisuel, mais seulement si « la nécessité d’allaiter est attestée par un certificat médical. »
Ceci étant dit, la loi semble pouvoir être détournée à votre intérêt, si vous souhaitez prolonger votre congé maternité pour poursuivre un allaitement exclusif… Nombreux sont les médecins qui vous accorderont, si vous en faites la demande, un congé prolongé pour « suite de couches pathologiques. » Sachez cependant que ce dernier sera soumis aux règles de tout congé maladie, avec notamment la possibilité d’être contrôlé. Sur le site de la CPAM, on trouve cette précision : « Si l’allaitement est bénéfique à la santé de l’enfant, la mère peut demander à un médecin de prolonger son congé, soit par un congé pour couches pathologiques, soit par un congé maladie supplémentaire. » N’est-ce pas une forme de congé allaitement qui ne dit pas son nom ?
Quoi qu’il en soit, si vous souhaitez bénéficier de ces précieuses semaines supplémentaires pour nourrir votre bébé au sein, n’oubliez pas de vous procurer un certificat médical en bonne et due forme, puis de faire une demande en amont auprès d’Ameli. Pour une prolongation de congé maternité pour raisons médicales, soyez consciente que ce temps est considéré comme un arrêt-maladie, avec un salaire à 50 % par rapport à votre contrat de travail.
Quelles alternatives au congé allaitement ?
La pause allaitement
À défaut de profiter d’un véritable congé allaitement, le Code du travail prévoit certaines dispositions pour faciliter les choses si vous souhaitez maintenir votre allaitement malgré la reprise de votre activité. Sachez par exemple que vous avez droit à une heure par jour, pendant vos horaires de travail, pour tirer votre lait et ce pendant une année à compter du jour de la naissance de votre petit bout. Ce créneau est à répartir en deux fois (matin et après-midi) et vous êtes supposée pouvoir bénéficier d’un local prévu à cet effet, où vous pourrez profiter d’un point d’eau, d’une bonne isolation et d’un siège adapté.
Le cas spécifique des fonctionnaires
Si vous êtes fonctionnaire d’État, territoriale ou assimilée, une circulaire datant de 1995 vous interdit malheureusement cette pause allaitement, sauf si votre bébé est gardé dans une crèche intégrée à votre structure de travail. Néanmoins, « des facilités de service peuvent être accordées aux mères en raison de la proximité du lieu où se trouve l’enfant (crèche ou domicile voisin) », précise le Portail de la Fonction publique. Une promesse un tantinet obscure…
Le congé parental d’éducation
Pour maintenir un allaitement sur le long terme, certaines choisissent, à l’issue de leur congé maternité, de prendre un congé parental d’éducation. Il permet de réduire de moitié ou de cesser totalement son activité professionnelle pendant une période plus ou moins longue et peut donc être utilisé dans le cadre d’un allaitement exclusif, même s’il n’a pas été pensé pour ça. Le hic ? Il est très peu rémunéré, sauf pour celles qui auraient acquis suffisamment de droits sur leur compte d’épargne-temps. Renseignez-vous tout de même sur le site de la CAF, car vous pouvez être éligible à la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE) si les ressources de votre foyer ne dépassent pas un certain montant. Cette dernière permet à un ou aux deux parents ayant au moins un enfant à charge de moins de 3 ans de cesser ou de réduire leur travail pour s’en occuper.
Congé allaitement : un enjeu d’avenir ?
La plupart des spécialistes s’accordent sur le sujet : retourner au travail lorsque son bébé a deux mois et demi est beaucoup trop tôt. Concernant l’allaitement en particulier, le taux à la naissance en France s’élève à 68 %, pour retomber à 22 % à l’issue du congé maternité puis à seulement 11 % aux six mois du bébé, selon l’Enquête nationale périnatale 2021. Un résultat particulièrement faible si on le compare aux pays scandinaves, qui bénéficient d’un congé parental beaucoup plus long et d’un taux de 70 % de bébés allaités à 6 mois et 60 % à 1 an.
Pour pallier cette situation, 17 000 signataires ont adressé une pétition au Sénat en début d’année, qui demande l’allongement du congé maternité jusqu’aux six mois de l’enfant. Des députés ont quant à eux déposé une proposition de loi à l’Assemblée nationale « visant à créer un congé de naissance à répartir entre les parents pour une durée totale de douze mois après la naissance de l’enfant ou des enfants », le 29 novembre 2022. Si le gouvernement n’a pour l’instant pas bougé, il est probable que la question du congé allaitement devienne centrale dans les années à venir.
Mais pour l’instant, force est de constater que la situation n’est pas reluisante : trop nombreuses sont celles qui renoncent à allaiter par peur du sevrage aux trois mois de leur bébé. Elles sont par ailleurs très peu à tirer effectivement leur lait au travail. L’allaitement exclusif de six mois recommandé par l’OMS semble quasiment mission impossible aujourd’hui en France, lorsqu’on est salariée. Il y a donc, sans le moindre doute, encore du pain sur la planche !
Article édité par Gabrielle Predko ; Photo de Omar Lopez via Unsplash
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