Rencontres avec ceux qui se sont lancés dans un autre job pendant leurs congés

02 sept. 2024

5min

Rencontres avec ceux qui se sont lancés dans un autre job pendant leurs congés
auteur.e
Etienne Brichet

Journaliste Modern Work @ Welcome to the Jungle

contributeur.e

Habituellement, les congés sont le moment rêvé pour se reposer, oublier ses soucis et recharger ses batteries… Mais pendant que vous vous prélassez au soleil les doigts de pied en éventail ou que vous préparez votre prochaine randonnée, d’autres voient dans leurs congés une opportunité pour se lancer dans une autre activité professionnelle. Entre raisons financières, besoin de renouveau et recherche de sens, Alma, Victoria et Ludovic racontent leur expérience.

Alma (1), 42 ans : « J’ai dû négocier le contrat de travail avec mon employeur pour pouvoir faire du coaching pendant mes congés »

Après avoir exercé quelque temps en tant que consultante, j’ai repris des études en psychologie parce qu’il me manquait un lien humain dans mon travail. En parallèle, j’ai créé une micro-entreprise pour proposer mes services en tant que coach de carrière. Lors de mes premières missions en free-lance, j’accompagnais principalement des gens qui souhaitaient faire une reconversion professionnelle, chose que j’avais moi-même vécue. Après mes études, j’ai eu envie de retourner dans le monde de l’entreprise pour retrouver le plaisir de travailler en équipe, mais je tenais à garder une activité en freelance à côté.

Quand j’ai retrouvé un emploi salarié, il se trouve que mon nouvel employeur proposait des formations en management, ce qui était en partie en concurrence avec mes activités en freelance. J’ai dû alors négocier mon contrat de travail pour pouvoir proposer mes services à mon compte en parallèlle. Il aurait très bien pu refuser ma demande, mais il avait bien senti que je ne comptais pas signer, s’il n’autorisait pas mon activité en freelance à côté. Une avocate m’a conseillée et nous avons négocié trois jours par mois de congés non payés pour que je puisse m’adonner à des missions de coaching, aux dates qui me convenait.

Mes missions de freelance n’étaient pas vraiment du travail à mes yeux, mais plus une activité qui me faisait plaisir et me stimulait. Certaines périodes furent assez intenses. J’ai parfois dû travailler le week-end et/ou le soir en rentrant du boulot. Il m’est aussi arrivé de travailler pendant mes congés estivaux. Je me souviens notamment d’un été à la Baule, où j’essayais de bosser pour ma deuxième activité, tout en levant un peu le pied (en m’octroyant des journées courtes et longues pauses déjeuner), pour ne pas faire complètement l’impasse sur le repos.

On aurait pu croire que j’allais finir en burn-out, mais en réalité, le cumul de ces deux activités m’a aidée à garder un esprit plus serein ! D’un côté, mon emploi salarié m’a fait progresser dans mes méthodes de travail et m’a offert une stabilité financière, quand de l’autre, mon activité en freelance a donné plus de sens à ma vie professionnelle, ce qui compte énormément pour moi.

En tant qu’indépendante, cela m’a permis de mieux poser les bases de mon activité. C’est-à-dire que j’ai pu la développer à mon rythme, sans devoir accepter n’importe quelle mission, contrairement à d’autres confrères, parfois contraints d’accepter des tarifs trop bas. Plus à l’aise lors des négociations avec les clients, je n’avais aucun problème à décliner une mission qui n’allait pas être rémunérée à sa juste valeur. Un luxe rendu possible par mon revenu de salariée.

Au bout d’un certain temps, j’ai finalement quitté le salariat, et grâce aux économies réalisées, j’ai pu crée ma propre société de coaching et de formation. Une réussite qui valait bien le sacrifice de quelques vacances !

Ludovic, 36 ans : « Cette deuxième activité est surtout un moyen de monter un petit capital pour mes enfants »

Actuellement, je suis directeur d’une filiale d’un bureau d’études en génie électrique, mais je suis également électricien en freelance pour des particuliers pendant mes congés payés. J’ai commencé cette activité parallèle car mon salaire ne me permet pas de subvenir aux besoins de ma famille. Je n’ai pas mis au courant mon employeur car cette deuxième activité est très différente de mon emploi salarié : elles ne sont donc pas en concurrence.

J’investis tout l’argent que je gagne en plus dans de la SCPI (société civile de placement immobilier), des actions européennes et dans un PEA (plan d’épargne en actions). Je viens d’un milieu modeste, j’ai dû emprunter pour pouvoir payer mes études et je souhaite pouvoir financer celles de mes filles. Ce sacrifice sert à préparer l’avenir à long terme, pour avoir la possibilité de léguer un héritage à mes enfants. Le revers de la médaille est de ne pas avoir réussi jusqu’à présent, à partir plus de deux ou trois jours en voyage, même en été, et cela principalement par manque de moyens.

Avant de me lancer, j’ai réfléchi au fait d’être potentiellement débordé par cette charge de travail. Mais étant donné que mon job d’électricien est un métier manuel, ça me relaxe plus que ça ne me stresse, je joins ainsi l’utile à l’agréable. En termes de carrière, étant en contact avec des particuliers, je me suis amélioré dans les discussions lead et le démarchage auprès des clients pour ma boîte. Des choses qu’on n’apprend pas en école d’ingénieur finalement, je développe ainsi de nouvelles softs skills.

Victoria (1), 34 ans : « J’avais besoin de cette activité complémentaire car j’avais l’impression d’avoir fait le tour de mon poste »

Il y a quelques années, j’étais account manager dans le département commercial d’une start-up de la Tech. Mais je tournais en rond, j’avais le sentiment d’avoir fait le tour de mon poste. Alors après un bilan de compétence, je me suis lancée en tant que prof avec un statut d’auto-entrepreneure pour donner des cours de marketing en école de commerce, en parallèle de mon autre job. J’ai démarré par des interventions au sein du campus d’une école de commerce à Orléans. Cette deuxième activité n’était pas un secret, bien que je n’avais pas demandé l’avis de mon employeur. Selon moi, ce n’était pas nécessaire étant donné que cela se déroulait sur mon temps perso et qu’il n’y avait aucun risque de concurrence.

Les jours où je faisais classe, je prenais un train Paris-Orléans très tôt pour être sur place à 8h30, ce qui m’obligeait à poser des congés payés pour les assurer. Sachant qu’il fallait prendre en compte la préparation des cours, je travaillais également le dimanche. Avant cela, je ne prenais déjà quasiment jamais de vacances de manière générale, donc ça ne me dérangeait pas. Je ne craignais pas l’épuisement, au contraire : j’avais besoin de cette activité pour me sentir épanouie.

D’ailleurs, les deux activités se nourrissaient l’une-l’autre : mes cours étaient teintés de mon expérience du terrain en entreprise, ce qui plaisait beaucoup aux étudiants, et d’un autre côté, les cours m’ont permis de rencontrer des jeunes profils prometteurs avec lesquels je suis encore en contact et que je pourrais être amenée à recruter un jour dans mon équipe.

Aussi, cela a consolidé mon personal branding. En partageant mon expérience en tant que prof sur les réseaux sociaux, les gens ont découvert d’autres aspects de ma personnalité, ce qui m’a amené d’autres opportunités pro. Un bénéfice qui ne m’a jamais fait regretter de renoncer à mes vacances estivales !

Que ce soit rémunéré ou non, je continue aujourd’hui à investir mon temps libre pour d’autres activités, comme donner des cours d’écriture, être chroniqueuse sur une web radio ou encore intervenir lors d’événements RH.

Si les discours d’Alma, Ludovic et Victoria peuvent inspirer les haters du farniente, il faut cependant rappeler que commencer un nouveau travail pendant ses congés n’est pas autorisé par le Code du Travail et peut présenter des risques juridiques ! En effet, un salarié n’a pas le droit de travailler pour un autre employeur durant ses congés, d’autant plus s’il travaille pour une entreprise concurrente. Seules exceptions : le cumul d’emplois préexistants (sans dépasser les durées légales de travail) ; le contrat de vendange ; le congé sans solde ; la mission bénévole et la prestation en tant qu’auto-entrepreneur. Alors avant de mettre à profit vos prochaines vacances, nous vous encourageons à en discuter avec votre responsable, notamment si votre contrat de travail contient une clause d’exclusivité.

(1) Le prénom du témoin a été modifié pour préserver son anonymat.

Article rédigé par Etienne Brichet et édité par Aurélie Cerffond et Camille Perdriaud ; photo par Thomas Decamps.

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