Télétravail : comment aider ses salariés à déconnecter ?
19 avr. 2021
4min
Rédactrice indépendante.
Après plus d’un an de vagues de confinement, le télétravail a accéléré cette injonction à la disponibilité permanente. Conséquence ? Une enquête de l’Ugict-CGT, réalisée avec la Dares début mai 2020, souligne que 40% des encadrants déplorent une hausse de leurs temps et charge de travail. Comme le souligne le baromètre T6 d’Empreinte humaine sur de la santé psychologique des salarié·e·s Français·e·s en période de crise, « ce sont aujourd’hui les télétravailleurs qui sont les plus en détresse psychologique ». Cette enquête met en évidence que 6 télétravailleur·euse·s sur 10 disent travailler trop et 1 sur 2 déclarent travailler plus tôt et finir plus tard.
Si le droit à la déconnexion a été introduit dans le Code du travail en 2017 dans le cadre des négociations obligatoires d’entreprise, 80% des télétravailleur·euse·s n’en disposent pas selon l’enquête de l’Ugict-CGT. Il est censé poser le cadre en donnant le droit aux salarié·e·s de ne pas répondre à des courriels, appels téléphoniques et autres sollicitations numériques professionnelles en dehors du temps de travail, sans être sanctionné·e·s. Au regard de la situation actuelle, la question de la déconnexion se positionne comme pilier à la fois du dialogue social et de la réussite d’une organisation du travail hybride. Autant de problématiques soulevées lors d’un sondage en ligne, et qui indiquent que, plus que jamais, le droit à la déconnexion s’impose comme un garde-fou indispensable pour veiller à la santé, à l’engagement et à la productivité des équipes. Voici 4 enseignements, tirés de notre étude, utiles aux décideurs pour établir une stratégie de déconnexion en phase avec un modèle de travail hybride durable et efficace.
Déconnexion : 5 pistes pour aider vos salarié.e.s à décrocher
Méthodologie : étude réalisée en ligne auprès de 845 répondant·e·s français·e·s, entre le 2 mars et le 12 avril 2021. Ces derniers appartenaient à deux catégories de travailleur.euse.s : les salarié.e.s d’une part et les RH, managers et dirigeant.e.s d’autre part.
Droit à la déconnexion : votre nouveau sujet de discussion incontournable
Posé par le rapport Mettling et enrichi par la loi Travail de 2016, le droit à la déconnexion doit permettre aux salarié·e·s de concilier vie personnelle et vie professionnelle, afin de lutter contre les risques psychosociaux liés aux nouveaux modes de travail et à la digitalisation. Ces dernier·e·s ont le droit de ne pas se connecter aux outils numériques et de ne pas être contacté·e·s par leur employeur·e en dehors du temps de travail, à savoir congés payés, jours de RTT, week-end…
Si les bases sont posées par la loi El Khomri, elle ne prévoit pas d’obligation d’aboutir à un accord, ni de sanctions en cas de manquement. Ce sont aux employeur·e·s de mettre en place les dispositifs adéquats, mais aussi aux salarié·e·s de s’astreindre à respecter les règles.
Or, l’étude Welcome to the Jungle révèle que, si le droit à la déconnexion est considéré comme indispensable de façon quasi-unanime par l’ensemble des répondant.e.s, seuls 1/4 des salarié·e·s et un peu moins de la moitié des managers, dirigeant·e·s et RH le voient comme un sujet de préoccupation au sein de leur entreprise. 23% des collaborateur.rice.s estiment même qu’il n’est pas du tout pris en compte dans leur structure.
Des chiffres qui indiquent que les décideurs devront remettre au coeur des préoccupations de chacun.e ce sujet essentiel, au vue des enjeux tant en matière de santé, d’engagement et de productivité des collaborateur.rice.s.
Penser des mesures… et les faire appliquer !
Les outils digitaux s’immiscent dans toutes les sphères de notre vie, privée comme professionnelle. Pour palier cela, les bonnes pratiques envisagées au coeur des organisations en matière de déconnexion sont le plus souvent :
- Des consignes pour ne pas répondre aux mails ou à des appels sur son téléphone portable en dehors des heures de travail ;
- Des dispositifs de mise en veille des serveurs informatiques en dehors des heures de travail ;
- Une activation des messageries d’absence et de réorientation ;
- Une détermination d’horaires fixes pour les salariés en télétravail ;
- Une signature automatique indiquant le caractère non impératif d’une réponse immédiate.
Si 56% des salarié·e·s confirment l’existence de ces mesures au sein de leurs structures, seulement 12% considèrent qu’elles sont véritablement appliquées dans les faits, tandis que 39% estiment que ce n’est pas du tout le cas.
74% des décideurs reconnaissent, quant à eux, ne pas avoir initié de dispositifs de sensibilisation veillant à la bonne application de ces mesures dans leur entreprise.
- Lire aussi : Vincent Dupin : favoriser le droit à la déconnexion
Un seul mot d’ordre : exemplarité
La connexion permanente favorise une forme d’aliénation sociale. La culture et les codes véhiculés au sein des organisations en sont des relais implicites. En effet, la charge mentale s’installe par des normes sociales propres au milieu ou au secteur de l’entreprise. Les premiers impactés sont les manager·euse·s pris au piège, malgré eux, de l’hyperconnexion. Selon une étude, plus des deux tiers des manager·euses·s et cadres travaillent le soir après le travail et utilisent leurs outils numériques professionnels le week-end. D’ailleurs, un tiers culpabilise lorsqu’ils/elles se déconnectent le soir ou le week-end. L’étude Welcome to the Jungle indique effectivement que 1/3 des managers, dirigeant·e·s et RH reconnaissent ne pas être valeur d’exemple de l’application de ce droit à la déconnexion.
En 2020, le confinement a indéniablement entraîné des situations d’urgence qui ont poussé des managers·euse·s à travailler énormément et à ne plus faire attention à l’heure d’envoi des mails. Or, ces usages toxiques se normalisent et les dommages collatéraux sur leurs équipes sont immenses car cela impacte négativement l’engagement des salarié.e.s soumis.e.s à une énorme pression. 1/3 des salarié·e·s éprouvent notamment des difficultés à faire respecter leur droit à la déconnexion. Ils/elles estiment majoritairement avoir du mal à “décrocher” (47%), quand leur hiérarchie (24%), leurs collègues (11%) ou la culture d’entreprise (4,6%) ne sont pas mis en cause.
La pandémie, une “opportunité” à ne pas louper
Les tentatives individuelles, les dispositifs de sensibilisation au niveau de l’entreprise et les mesures législatives sont nécessaires, mais insuffisantes, face aux défis de la nouvelle organisation du travail. Dans le cadre de l’étude, si 61% des salarié·e·s déclarent en effet que le contexte de pandémie est un facteur de dégradation du droit à la déconnexion dans leur entreprise, seuls 37% des managers, dirigeant·e·s et RH partagent ce point de vue.
Pourtant, dans le contexte d’accélération du télétravail et à l’aune des derniers indicateurs alarmants sur la santé mentale et psychologique des salarié·e·s, les entreprises doivent prendre conscience du besoin pressant de repenser la déconnexion de manière systémique au sein des organisations, en initiant différentes actions cohérentes.
Agir dès maintenant sera qui plus est l’occasion d’avoir un temps d’avance, puisque la question est d’ores et déjà considérée du côté de l’Union Européenne. Un rapport d’initiative adopté le 21 janvier 2021 par le Parlement Européen expose cette nécessite de légiférer au sujet de “ce droit fondamental”.
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