Pourquoi l'entretien de départ de vos salariés a tant à vous apprendre !
18 janv. 2023
4min
Autrice, consultante et conférencière sur le futur du travail, spécialiste de la productivité, de l’âge et du travail des femmes
Vous êtes tentés de laisser vos collaborateurs sur le départ partir sans un mot ? Erreur ! Notre experte Laetitia Vitaud vous explique pourquoi vous risquez de passer à côté du meilleur audit interne de votre entreprise.
La France n’a peut-être pas connu l’an dernier de « grande démission » historiquement inédite comme les États-Unis. Mais les démissions ont été et demeurent nombreuses. En les mettant en parallèle des difficultés de recrutement inédites connues par la quasi intégralité des secteurs, on constate que plus il y a de nouvelles opportunités sur le marché, plus les salariés seront tentés de démissionner et plus les employeurs s’efforceront de débaucher la main-d’œuvre des concurrents. En somme, chaque démission est riche d’informations précieuses sur la marque employeur d’une entreprise, sa capacité à attirer des candidats et retenir ses salariés.
Défini comme le processus qui accompagne le départ d’un salarié, l’offboarding mérite qu’on s’y intéresse de plus près.** Pourtant, les entreprises négligent encore trop souvent cette étape, convaincues qu’il est préférable de dépenser leur temps et leur l’énergie pour l’onboarding des nouvelles recrues plutôt que pour celles et ceux qui ont décidé de s’en aller (dont certains peuvent encore être perçus comme des « traîtres »). Or, non seulement les salariés qui partent peuvent demeurer des ambassadeurs influents, mais l’offboarding peut, lui aussi, servir de boussole pour mieux recruter. Et c’est précisément parce que recruter devient plus difficile qu’il est essentiel d’en faire un rituel clé.
Une négligence qui coûte cher
L’entretien de départ est essentiel pour une série de raisons :
- Il permet de s’assurer que toutes les tâches et responsabilités du salarié ont bien été transférées et que la continuité de l’activité est assurée,
- Il renforce la bonne relation avec un salarié dont il n’est pas exclu qu’il revienne un jour,
- Il permet de comprendre les raisons d’un départ en collectant des informations sur ce retour d’expérience.
À ce titre, il offre à l’entreprise une forme d’audit interne : les salariés sur le départ sont une riche source d’informations sur ce qu’il faudrait changer pour améliorer l’expérience de travail.
Hélas, cet entretien est trop souvent négligé ou bâclé. On a tendance à le voir comme une formalité administrative plutôt qu’une occasion de collecter des informations précieuses et de renforcer une relation toujours importante. Débordés par les tâches du quotidien, combien de managers et de responsables RH le voient comme une démarche fastidieuse dont il faudrait se débarrasser au plus vite, voire pire mettre de côté ?
Or, le coût le plus visible d’un départ bâclé est la mauvaise réputation. D’après une étude HEC, 38% des salariés licenciés partagent un retour négatif sur leur employeur auprès de leurs réseaux. Un entretien bien conduit permet de réduire considérablement cette publicité négative : une personne qui se sent écoutée éprouve moins de rancœur ! Un autre coût concerne le recrutement, notamment parce que le phénomène des « salariés boomerang » est en croissance. S’il est possible d’augmenter le nombre de retours, c’est autant de recrutements facilités et accélérés : les salariés boomerang sont plus productifs et requièrent moins de formation et d’acculturation que les autres.
Un processus qualitatif entraîne de facto des changements positifs
Il n’y a pas qu’une seule manière de mener un entretien de départ : il peut s’agir d’une simple conversation en face-à-face avec le manager et/ou le DRH, d’un questionnaire écrit ou les deux à la fois. L’objectif est d’abord d’en faire autre chose qu’une formalité creuse et sans effets. Du moment que l’on écoute vraiment, on pourra saisir des axes de progrès ou des éléments de dysfonctionnements au sein de l’équipe et plus globalement de la structure. D’ailleurs, même un silence gêné de la part d’un salarié sur le départ peut être lourd de sens : il n’est pas rare qu’un départ soit secrètement motivé par une situation de harcèlement. Les cas arrivant aux Prud’hommes ne sont qu’une infime minorité de l’ensemble des cas de harcèlement au travail.
Quelles que soient les modalités précises de l’entretien de départ, sa réussite se mesure à ce qu’on en tire. Hélas, une étude menée par la Harvard Business Review a montré que moins d’un tiers seulement des cadres sont capables de mentionner une mesure concrète décidée à la suite d’un entretien de départ. Dans l’écrasante majorité des cas, on se contente d’un mélange d’hypocrisie rassurante et de formalités vidées de toute substance pour ne pas se remettre en question et pour ne rien changer.
La raison principale de la pauvreté des données collectées lors de l’offboarding réside dans le fait que les collaborateurs ne sont pas incités à la franchise dans l’explication des causes de leur départ. Pour ne pas se fâcher avec les personnes qui ont le pouvoir de leur fournir des références utiles à leur carrière, ils sont nombreux à préférer l’hypocrisie à l’honnêteté. D’autres préfèrent éviter l’analyse d’une période qu’ils identifient comme ayant été douloureuse. À cet égard, l’entretien est certainement le reflet d’une culture d’organisation : là où l’expression de la critique est généralement encouragée, la sincérité des démissionnaires l’est aussi.
Dès lors, pour améliorer l’entretien, il s’agit de s’interroger sur les manières de valoriser et encourager l’émission de critiques, sur la part du processus qui devrait être confiée à une personne extérieure à l’organisation, ce qui doit être exprimé à écrit ou à l’oral, ce qui doit et peut être anonymisé… afin d’en faire un outil de veille indispensable et d’augmenter la rétention des autres salariés.
15 questions importantes à poser en entretien de départ
Pourquoi avez-vous commencé à chercher un nouveau poste ?
Qu’est-ce qui vous a finalement conduit à accepter ce nouveau poste ?
Qu’attendez-vous le plus de votre nouvel emploi ?
Avez-vous eu l’impression d’être armé pour bien faire votre travail ?
Comment décririez-vous la culture de notre entreprise ?
Qu’est-ce qui aurait pu être fait pour que vous restiez ici ?
Avez-vous fait part de vos préoccupations à quelqu’un de l’entreprise avant de partir ?
Si vous pouviez changer quelque chose à propos de votre travail ou de l’entreprise, de quoi s’agirait-il ?
Le management est souvent un facteur clé dans la décision d’un employé de partir. Avez-vous été satisfait de la façon dont vous avez été managé ?
Aviez-vous des missions et des objectifs clairs ?
Qu’avez-vous le plus aimé et le moins apprécié dans votre travail ?
Avez-vous eu le sentiment que vos réalisations ont été reconnues tout au long de votre expérience ?
Avez-vous reçu des feedbacks constructifs pour vous aider à améliorer votre travail ?
Comment notre entreprise peut-elle améliorer les programmes de formation et de développement ?
Envisageriez-vous de revenir travailler ici à l’avenir ? Dans quel domaine ou fonction ? À quelles conditions ?
Article édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.
Inspirez-vous davantage sur : Laetitia Vitaud
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