Entretien d'embauche et superstition : « Sans mon trajet en musique, c'est mort »
22 févr. 2024
6min
Dans la vie de tous les jours, il est possible de gérer un pic de stress en prenant une grande respiration ou en s’enfilant une plaquette de chocolat. Mais quelles sont vos stratégies avant un entretien d’embauche ? Comme lorsqu’on était enfant et qu’on devait absolument marcher sur les lignes de l’asphalte pour éviter de tomber dans les abysses, chacun a son petit rituel ou son gri-gri porte bonheur. Vous pensiez qu’à l’âge adulte vous en auriez fini avec tout ça ? Que nenni !
« Écouter religieusement des musiques qui m’apaisent sur le trajet », Aurélie
Avant un entretien d’embauche important, c’est simple, je suis stressée. Pour contenir mon anxiété avant un rendez-vous, j’ai besoin d’un rituel assez simple mais redoutablement efficace : m’offrir le luxe d’un long trajet en musique. C’est la seule chose capable de m’apaiser. Le casque vissé sur les oreilles (#lookd’ado), mon cerveau décroche. En pilote automatique, je ne pense plus, je ressens. Les mélodies vont alors faire baisser mon niveau de stress (et de cortisol) et m’aider à me concentrer pour arriver dans les meilleures conditions au rendez-vous. Et malgré ses vertus apaisantes, il n’est pas question de musique classique ici. Dans mes oreilles, vous trouverez un pot-pourri de sonorités diverses et variées, à l’image de mes goûts musicaux éclectiques. De la new wave au rap français, en passant par la folk (et bien plus encore), aucun critère, si ce n’est celui de me plaire, ne donnera de cohérence aux sons qui composent ma playlist pré-entretien (dédicace aux algorithmes de Spotify en PLS).
Pour être sûre de bénéficier de l’effet magique de ce petit rituel, je n’hésite pas à prendre une bonne marge sur mon trajet (vingt minutes en plus au moins). Aussi, je charge la veille la batterie, et je vérifie frénétiquement quelques heures avant qu’elle est pleine, allant jusqu’à emporter un Ipod ancienne génération et des écouteurs filaires, juste au cas où ! Voyez-vous, si je suis en rade de musique, c’est sûr, l’entretien se passera mal et je ne décrocherai pas le job.
« Des clopes et une haleine fraîche », Romane
Yoga, méditation, sport, make-up sophistiqué… Avant un entretien d’embauche, il suffit d’observer ses amis pour se rendre compte que chacun a mis en place un rituel qui lui est propre. Bien sûr, j’aimerais faire partie de la team qui a une hygiène de vie irréprochable, mais il faut rendre à l’évidence et accepter ses failles. Ma drogue à moi, c’est la nicotine. Et quand un moment stressant se dessine, l’entretien d’embauche étant un point culminant de tension dans nos vies, le nombre de volutes de fumées est savamment calculé. Que l’entrevue dure 15 minutes ou une heure, c’est la même chose : j’ai besoin d’avoir fumé une cigarette sur le chemin et une autre avant de pénétrer dans la pièce où les recruteurs m’attendent. Bien sûr, mes potentiels futurs collègues ne doivent pas se douter une seconde que je fume, de nos jours, ce n’est plus si commun et puis, ça fait mauvais genre. Ma stratégie ? Me cacher sous les fenêtres des bureaux dans un angle mort et toujours avoir des tic-tac et des chewing-gums menthe forte dans mon sac. Si je suis loin d’être irréprochable, quand on me salue pour la première fois, je veux qu’on soit emporté par un vent de fraîcheur.
« Une bonne respiration et des bagues anti-stress », Marguerite
Je les envie ces gens qui ne sont pas (ou qui n’ont pas l’air) stressés. Si je les vois un peu comme des aliens, peut-être qu’eux aussi, tremblent secrètement dans leur for intérieur. Enfin j’espère. Personnellement sujette à de l’anxiété depuis ma plus tendre enfance, je sais qu’il n’y a pas de remède quand le stress prend possession de mon corps. Et avant un entretien, j’ai beau être archi préparée et avoir réfléchi à un discours en plusieurs actes, il est assez fréquent que je sois paralysée au point de tout oublier. C’est là que les routines anti-stress me sauvent la vie. Je n’ai pas vraiment de bague dédiée pour éliminer le stress, mais j’ai remarqué que les faire tourner tout doucement en attendant l’heure fatidique de l’entretien me permet de me focaliser sur autre chose et d’éloigner le stress. Et quand ça ne suffit pas, je pratique aussi ce qu’on appelle la respiration carrée. Concrètement, il s’agit d’inspirer pendant quatre secondes, de bloquer pendant quatre secondes, d’expirer les quatre suivant et de bloquer à nouveau quatre secondes. Si certains peuvent y trouver une source d’angoisse, elle a l’effet d’une bouée de sauvetage sur mon corps. Quand on veut mettre les formes et réussir ce qu’on entreprend, autant y aller à fond !
« Un bracelet pour être en veine », Manuel
S’il y a bien un accessoire dont je ne me sépare jamais, en dehors de mes nuits et de mes douches, c’est mon bracelet. Dans tous les moments importants de ma vie, il m’accompagne. Quand je monte dans un avion, il est là pour éviter le crash, quand j’ai un rendez-vous galant, il me donne du courage et bien sûr, quand mon équipe de foot préférée joue, je le caresse pour qu’il nous fasse gagner… Lorsque je me rends à un entretien d’embauche, évidemment, c’est grâce à lui que je décroche un job. Une fois l’entretien passé, en proie au doute, il m’arrive de le triturer tel un chapelet pour exaucer mon souhait. Est-ce que ça fonctionne ? Je ne sais pas. Il y a parfois des turbulences sur mes vols, je suis célibataire, le club que je supporte squatte les dernières places du championnat, mais mon job me plaît.
Disons que mon « porte bonheur » a la vertu de me rassurer lorsqu’il sert mon poignet. Il n’a pourtant rien de précieux, juste une valeur sentimentale. Ce fil de nylon qui empêche mon sang de circuler correctement a été fabriqué par ma jeune cousine de dix ans, avec des matériaux issus d’un kit de perles à enfiler bon marché. Avec ses macarons roses, violets, vert menthe et blancs, peut-on dire qu’il est moche ? Oui. Pour ajouter une touche cringe, des lettres noires sur fond blanc épellent mon prénom
« Manu », bien en contraste. Il manque deux lettres qui ont sans doute été distribuées à un Raphaël ou une Gabrielle… Même si c’est bidon, je me dis que le recruteur pourra se rappeler de moi avec cet élément de style agitant mon prénom sous ses yeux (j’ai tendance à remonter les manches). Et puis, si je me fais écraser, contrôlé par les autorités ou si je deviens subitement amnésique, cet indice d’identité me sera bien utile. Ma seule crainte serait de l’égarer ou de le casser et de voir s’échapper les perles de ma veine.
« Les séances d’auto-hypnose pour maîtriser les effets physique du stress et être toujours plus “en trannnnse” », Gabrielle
Je ne suis pas particulièrement stressée, mais mon corps a tendance à me trahir lorsque je dois relever un challenge comme un entretien d’embauche ou une présentation orale. Même si mon discours est rodé et que je me sens aussi confiante qu’un coach en séduction amoureuse, ma gorge se noue et s’assèche dès le matin dudit événement. Alors pour éviter de m’égosiller en énumérant mes « trois défauts », j’ai pris l’habitude de faire une petite séance d’auto-hypnose avant l’entretien. Je prévois généralement d’arriver vingt minutes en avance au rendez-vous, je trouve un banc proche des locaux de l’entreprise pour lancer une séance d’auto-hypnose de Benjamin Lubszynski sur YouTube (cet homme et ses « R » roulés a préludé à tous mes entretiens, présentations et dates importants). Cela me permet de penser à autre chose et de maîtriser les réactions physiques du stress. D’ailleurs, même sans accompagnement, il existe un tas d’exercices d’auto-hypnose pour mieux gérer la pression. L’un d’entre eux consiste à visualiser son stress pour le désamorcer. Par exemple, moi, je le vois comme une boule rouge qui se dégonfle et s’assèche en tournoyant. Je pense aux sensations physiques qu’il déclenche en moi, puis j’essaye de modifier sa projection. La boule rouge prend une couleur bleue, elle respire, gonfle, ne se déshydrate pas.
C’est ma mère médecin qui m’avait initiée à ces techniques avant un examen de guitare pour lequel j’étais particulièrement stressée quand j’étais ado. Impossible de dire si ça fonctionne, mais je ne préfère pas m’imaginer ce que cela donnerait si je ne les faisais pas.
« Acheter une tenue spéciale pour l’occasion », Claude
Il suffit de se poser quelques secondes devant sa penderie et d’en analyser chaque tiroir pour voir qu’elle est souvent organisée de telle sorte qu’on y retrouve un savant mélange de tenues confortables pour la vie de tous les jours, de legging/joggings qui servent essentiellement à acheter de la fast food les jours de pluie, de petits ensembles pour des dîners romantiques, de pièces plus ou moins extravagantes pour des soirées entre potes. Mais parmi tout ça, il y a aussi des habits qui font de moi une professionnelle de haut vol. Instinctivement, je me trompe rarement. Je n’ai par exemple jamais mis de nuisette pour aller manger un poulet du dimanche chez ma grand-mère.
Bref, comme je me suis toujours méfiée de l’image que je pouvais renvoyer lors d’un premier rendez-vous, la veille d’un entretien d’embauche, j’ai tendance à dresser mentalement une liste de tout ce que je pourrais potentiellement mettre pour l’occasion. Et vous pouvez être sûr qu’il n’y aura jamais ce qu’il faut exactement. Évidemment, comme l’image que j’avais projetée de moi n’existe pas - vu qu’il manque la moitié des pièces -, je fonce dans les magasins en quête des vêtements manquants. Peut-être que ça dénote un manque de confiance en moi ou que ça révèle une certaine superficialité, mais depuis que j’occupe des fonctions managériales, j’aime que les vêtements que je mets me donnent de la force et ceux que je viens d’acheter ont l’avantage de ne porter aucun souvenir malheureux en eux. Vous voyez la valkyrie qui part au combat avec une armure flambant neuve ? J’aime cette énergie. Mais cette superstition a deux inconvénients de taille : en plus de faire des trous dans mes finances, lorsqu’un entretien ne se déroule pas tout à fait comme prévu, il est ensuite très difficile de remettre le vêtement en question.
Article édité par Gabrielle Predko, photographie par Thomas Decamps
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