Horaires jamais mentionnés dans les offres d'emploi : comment aborder le sujet ?
23 oct. 2023
4min
« Dis, à quelle heure on finit ? » Les horaires de travail dans les offres d’emploi, ce grand mystère des temps modernes. Entre leur absence mystérieuse dans les annonces et notre réticence à en parler pendant l'entretien, on se retrouve bien souvent à jouer aux devinettes jusqu’à notre première semaine dans l’entreprise. Plongeons ensemble dans ce casse-tête pour comprendre pourquoi ces informations sont camouflées et, surtout, comment les débusquer habilement lors de vos prochaines candidatures.
Vous avez postulé à une dizaine d’offres d’emploi, passé quatre rounds d’entretiens et n’avez toujours pas l’ombre d’un indice sur votre futur timing quotidien ? Vous n’êtes pas seul•e dans cette quête et votre frustration est d’ailleurs partagée par une bonne partie du monde du travail. Selon une étude d’Indeed réalisée en collaboration avec OpinionWay, 49% des candidats grimacent devant l’absence récurrente de cette information (pourtant cruciale) dans les annonces. Et on les comprend. Après tout, qui n’aime pas savoir s’il faut dire adieu à ses grasses matinées ou à son cours de poterie de 17h30 ?
Mais pourquoi tant de mystère ?
Les raisons derrière cette pratique sont nombreuses et parfois enchevêtrées dans un ensemble de tabous et de non-dits. D’un côté, les recruteurs, dans une tentative (maladroite) de séduire, omettent parfois volontairement ces détails pratiques, craignant qu’une tranche horaire moins sexy ne rebute les potentiels talents. En effet, selon l’étude Indeed, 32% des recruteurs avouent ne pas systématiquement mentionner les horaires dans leurs offres d’emploi.
De l’autre, il existe dans certaines entreprises une certaine flexibilité, une adaptation des horaires selon les départements, les projets, ou encore les saisons, rendant la tâche de définir un “horaire type” assez complexe.
Le culte de la surcharge
À cela s’ajoute une culture du travail qui, admettons-le, glamourise parfois le surmenage et les longues heures passées derrière un bureau. Préciser des horaires pourrait donc être perçu comme un engagement à respecter un équilibre vie pro/vie perso - engagement que toutes les entreprises ne sont pas prêtes à marquer au fer blanc.
Là où le bât blesse, c’est qu’en mettant de côté cette information, les entreprises laissent les candidats dans un flou anxiogène. Cela équivaut à acheter un produit sans connaître une caractéristique essentielle qui influencera votre utilisation quotidienne. En signant un contrat de travail, tout le monde souhaite savoir à quoi s’attendre en termes d’organisation quotidienne afin de ne pas être en désaccord avec ses propres besoins et sa vie familiale.
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En entretien, l’heure est-elle vraiment au dialogue ?
Et pourtant, le flou persiste. Même durant les entretiens, les deux parties naviguent souvent prudemment autour de la question. Par crainte qu’on leur reproche d’être trop à la recherche de confort, ou pire, d’être perçus comme le candidat paresseux, les postulants esquivent le sujet des horaires, s’embarquant ainsi dans une aventure aux limites indéfinies.
Le tabou des questions “gênantes”
Savoir à quelle heure sonnera la fin de la journée est tout aussi crucial que de connaître la nature de nos futures missions. Pourtant, la peur du jugement pèse et on se retrouve bien souvent, en fin d’entretien, à jongler avec des questions périphériques, espérant glaner l’information tant désirée sans avoir à la nommer.
Alors, qui doit mettre les pieds dans le plat ? Apparemment, personne ! Il existe un décalage notoire entre les attentes des candidats et celles des recruteurs lorsqu’il s’agit d’aborder les sujets essentiels durant l’entretien. D’après l’étude Indeed, 86% des candidats se sentent rassurés lorsque c’est le recruteur qui prend l’initiative de discuter de sujets comme la rémunération. À l’inverse, 94% des recruteurs estiment que le candidat doit se montrer proactif et aborder de lui-même les sujets tels que la rémunération, les avantages et les horaires. Cette dissonance crée un terrain miné où chaque partie s’attend à ce que l’autre prenne les devants, générant ainsi des non-dits frustrants - à mille lieues d’une communication ouverte et efficace.
Une discussion maladroite, mais nécessaire ?
Ce ballet de questions non posées et d’attentes non verbalisées, nous laisse souvent sur notre faim et pourrait même mener à des déceptions une fois le contrat signé. Là est toute la quête : comment introduire ces questions sans que cela n’entâche notre image ? Comment faire pour que nos futures journées de travail ne soient pas un mystère jusqu’à notre premier jour en poste ? Comment aborder sereinement le sujet sans craindre d’être catalogué·e ?
Faire bouger les lignes (et les aiguilles de l’horloge)
Nous désirons tous intégrer pleinement les horaires de travail dans notre décision de rejoindre (ou pas) une entreprise. Face à un mur de silence en ce qui les concerne, il est essentiel pour les candidats de faire le premier pas.
Être audacieux, mais malin
Exprimer le besoin de connaître les horaires de travail ne doit pas être perçu comme un tabou, mais plutôt comme une étape logique de l’évaluation de l’offre. Présentez votre demande en soulignant que votre organisation et gestion du temps requièrent une vision claire de votre future routine de travail. L’argument est subtil, et évite l’épineux sous-entendu de vouloir privilégier le temps hors travail. Par exemple : « Je tiens beaucoup à m’organiser et planifier mon emploi du temps de manière efficace, pourriez-vous me donner une idée des horaires de travail habituels ? » est une façon judicieuse de soulever la question sans donner l’impression de chercher à compter vos heures de sommeil.
Faire du bien-être une priorité
Parler d’horaires, c’est aussi aborder la question de l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle. Mettez en avant votre désir d’harmonie et votre conscience de l’importance du bien-être dans la productivité et l’engagement professionnel. En exprimant que vous valorisez votre vie en dehors du travail, non seulement vous démontrez que vous êtes soucieux de votre bien-être, mais également que vous comprenez l’importance de la régénération pour offrir le meilleur de vous-même au travail. En effet, de nombreux employeurs reconnaissent la valeur d’un employé équilibré et en bonne santé mentale, tant pour le climat de travail que pour la performance globale de l’équipe.
Et là réside une opportunité inattendue : si, en exposant vos besoins et valeurs, l’entreprise se montre réticente ou inflexible sur la question du bien-être et des horaires, vous aurez peut-être esquivé une balle. En effet, une entreprise qui ne prend pas en considération le bien-être et l’équilibre de ses employés peut souvent présenter des environnements de travail stressants et potentiellement toxiques. Cela pourrait traduire une culture d’entreprise où le personnel est vu plus comme une ressource que comme un capital humain précieux. Autrement dit, si la transparence et le bien-être ne sont pas des valeurs partagées, vous vous épargnez peut-être une future situation inconfortable en faisant le choix de chercher un environnement de travail plus aligné avec vos principes et vos besoins personnels.
Célébrer la transparence
N’oublions pas de valoriser les entreprises qui pratiquent déjà cette transparence en ce qui concerne les horaires de travail dans leurs annonces. En faisant l’éloge de ces attitudes, que ce soit dans nos réseaux ou lors des entretiens, nous encourageons une culture de l’honnêteté et de l’ouverture dans le monde du travail. Cela envoie également un message clair aux autres organisations sur ce qui est valorisé par les candidats et pourrait, à terme, influencer positivement l’ensemble du marché du travail.
En ancrant la question des horaires de travail dans un discours plus large sur le bien-être, l’organisation et la transparence, nous contribuons non seulement à normaliser cette discussion, mais aussi à évoluer vers un paysage professionnel plus sincère et respectueux des besoins des employés. Après tout, une adéquation entre les attentes des deux parties n’est-elle pas la clé d’une collaboration réussie et durable ?
Article édité par Gabrielle Predko , photo : Thomas Decamps pour WTTJ
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