Pourquoi offrir une prime à un salarié qui rompt sa période d’essai ?
03 juin 2019
6min
Rédactrice
Onboarding impec’, équipe aux petits soins, fête de bienvenue… Vous avez beau tout faire pour que la période d’essai se passe au mieux, il y a toujours une part d’incertitude. Eh oui, vous n’êtes pas dans la tête du nouveau salarié, donc difficile de savoir s’il se plaît réellement dans son poste, s’il adhère à 100% à la culture de l’entreprise et s’il est motivé à rester sur le long terme. On l’oublie parfois, mais il arrive fréquemment qu’une nouvelle recrue sache dès les premiers jours qu’elle ne souhaite pas rester. Cependant, le délai entre le moment où elle sait qu’elle veut partir et celui où elle part vraiment, peut durer des semaines, des mois voire même des années… Un laps de temps au cours duquel la motivation s’effrite progressivement, engendrant des effets néfastes sur l’entreprise.
Quelques statistiques pour illustrer ce phénomène :
- [Un salarié sur deux ]https://www.focusrh.com/strategie-rh/attirer-et-fideliser-les-salaries/un-salarie-sur-deux-songe-quitter-son-poste-pendant-la-periode-d-essai-23043.html)songe à quitter son poste pendant la période d’essai.
- Le coût moyen de la démotivation des salariés est de 13 340 € par an et par tête.
Alors, comment être certain de l’engagement réel d’un salarié et ce, avant même de valider sa période d’essai ? Certaines entreprises semblent avoir trouvé une parade… La prime de départ ! Son principe est simple : offrir une prime à tout employé qui choisit de faire ses cartons. Mais est-ce réellement une bonne pratique ? Et quelles précautions faut-il prendre pour la mettre en place au cours de la période d’essai ? Enquête !
Être payé pour démissionner, est-ce sérieux ?
Très sérieux ! Même si cette pratique est encore peu répandue en France, elle semble faire des adeptes aux Etats-Unis…
À commencer par Zappos, un célèbre site de vente de chaussures, racheté en 2009 par Amazon. Cette entreprise américaine de 1 500 employés a été l’une des premières à offrir une prime à la démission. Elle a baptisé son initiative : «The Offer ». Celle-ci consiste à proposer à tout nouvel employé de suivre un programme intensif de 4 semaines, durant lequel il est immergé dans l’organisation, la culture et la stratégie de l’entreprise. À l’issue de ce programme, il est confronté à un dilemme : intégrer définitivement l’entreprise ou être rémunéré pour ses 4 semaines de formation et toucher en plus une prime de 1 000$ pour la quitter. Une manoeuvre atypique certes, mais qui semble porter ses fruits puisque l’entreprise a depuis connu une croissance fulgurante !
Suivant l’exemple de sa filiale, Amazon a récemment mis en place un programme baptisé « Paid to Quit ». Une démarche légèrement différente. Dès leur première année d’embauche, les employés se voient offrir un chèque de 2 000$ pour démissionner. Puis chaque année, le chèque augmente de 1 000$, et ce, jusqu’à atteindre 5 000$. Selon Jeff Bezos,l’objectif est d’encourager les salariés à s’interroger régulièrement sur ce qu’ils veulent réellement. Mais attention, l’offre n’est ouverte qu’à certaines périodes de l’année et il y a une condition : ceux qui l’acceptent, ne peuvent plus jamais retravailler pour Amazon.
Pourquoi est-ce une bonne idée de proposer une prime de départ pendant la période d’essai ?
Même si la prime de départ peut être proposée à tout moment, il est particulièrement pertinent d’y songer durant la période d’essai. En effet, comme on l’a vu, beaucoup de salariés pensent démissionner au cours de cette étape initiale. Aussi, il vaut mieux s’assurer de la motivation d’un employé avant de valider définitivement son embauche plutôt qu’après… D’autant plus que la période d’essai sert précisément à cela : tester !
Pour vous convaincre, voici les 4 principaux avantages à proposer une prime de départ au cours de la période d’essai :
- Démarrer une collaboration sur de bonnes bases. Lors de l’embauche d’un salarié, il est particulièrement crucial de jouer la carte de la transparence. Cela permet d’installer immédiatement un climat de confiance et d’éviter les malentendus et les déconvenues par la suite. En proposant une prime de départ pendant la période d’essai, vous envoyez un message très clair au nouveau salarié : « Si vous n’êtes pas sûr(e) à 100% de vouloir travailler pour nous, nous préférons vous voir partir. » Et la prime en elle-même vise à récompenser « l’honnêteté » du salarié qui décide de partir. Quant au salarié qui choisit de rester, il signe un pacte moral, celui de s’investir dans son poste et dans l’entreprise. De quoi démarrer une collaboration sur les chapeaux de roues !
- Protéger votre entreprise contre les ravages de la démotivation. On l’a vu, un employé démotivé peut coûter cher à l’entreprise. Manque de productivité, mauvaises performances, clients mécontents… Il peut aussi plomber l’ambiance et dénigrer l’entreprise. Au fils du temps, cela peut dégrader considérablement la qualité des services, l’image et les performances de l’entreprise. La prime représente un bon moyen de préserver son entreprise contre les risques de la démotivation, car elle permet de ne garder que ceux dont la motivation est la plus forte et la plus susceptible de durer dans le temps !
- Écourter le délai de prévenance. Lorsqu’un employé accepte une prime de départ au début de son contrat, il accepte aussi de rompre sa période d’essai. Or, le délai de prévenance en France est plus court quand il est initié par le salarié. En effet, contrairement à l’employeur qui doit respecter un délai pouvant aller jusqu’à 1 mois, en fonction de la durée de la période d’essai, le salarié, lui, a un délai de 48 heures maximum (24 heures si sa présence dans l’entreprise est inférieure à 8 jours). Retenez bien ceci : plus vite un salarié démotivé sera parti, mieux se portera votre entreprise.
- Prévenir les départs. Qu’il s’agisse de licenciements, de démissions ou de ruptures à l’amiable, les départs nuisent au bon fonctionnement de votre entreprise et ils sont chronophages en termes de démarches administratives. Sans parler du coût de remplacement qui représente en moyenne jusqu’à 3 fois le salaire de l’employé parti ! Pour éviter d’en arriver là, mieux vaut agir le plus en amont possible. Une prime de départ, proposée dès les premières semaines, peut encourager des employés à partir de leur propre gré. Vous évitant ainsi beaucoup de désagréments par la suite. Et comme le dit si bien l’adage : mieux vaut prévenir que guérir !
Quelles précautions prendre pour mettre en place une telle initiative ?
Vous êtes tenté(e) par l’instauration d’une prime de départ pendant la période d’essai ? Avant de vous lancer, prenez le temps de bien vous préparer, car si elle est n’est pas suffisamment cadrée, cette initiative pourrait bien vous desservir…. Pour vous donner un coup de pouce, on vous livre quelques savants conseils :
Familiarisez-vous avec la loi en vigueur
Avant de penser à la mise en œuvre de ce dispositif, il est important de connaître les règles juridiques à respecter en matière de versement d’une prime à la démission :
- Le consentement du salarié doit être libre et éclairé, pour éviter la requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse
- Il est nécessaire de limiter la prime dans le temps (ex: lors de la période d’essai)
- Le montant de la prime doit être proportionnel à l’implication du salarié dans l’entreprise (ex : l’ancienneté d’un salarié en CDI)
- Le nombre de bénéficiaires de la prime à la démission ne doit pas être supérieur à 10 personnes - afin de ne pas enfreindre la réglementation relative à la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE)
- La prime doit être assujettie aux cotisations sociales
Définissez tous les aspects du dispositif
Pensez à préciser les éléments ci-dessous et à les inclure dans le contrat des nouveaux salariés :
- La période pendant laquelle la prime de départ sera disponible (ex : les deux dernières semaines de la période d’essai )
- Le montant de la prime (ex : le même pour tous les nouveaux salariés ?)
- Comment et dans quelles conditions celle-ci pourra être perçue (ex : l’employé doit rompre la période d’essai, envoyer une confirmation écrite…)
- Les contreparties (ex : le salarié ne peut plus travailler pour l’entreprise)
Bonne pratique : Il peut être utile de réfléchir à un nom (cf. The Offer ou Pay To Quit) afin de faciliter la compréhension et la promotion de l’initiative, en interne comme à l’externe.
Expliquez votre démarche
La prime à la démission étant quelque chose d’encore nouveau en France, il est important de prendre le temps d’expliquer cette démarche ; d’abord à tous les salariés de l’entreprise puis, aux nouveaux arrivants. Voici quelques astuces pour remporter l’adhésion de tous :
- Préparer un document expliquant en détails les raisons de la mise en place de ce dispositif ; à qui il s’adresse, comment il fonctionne etc. Puis, l’envoyer à tous les salariés de l’entreprise.
- Avant de le déployer, prévoir une réunion pour présenter le dispositif à toute l’équipe et expliquer en quoi cela concerne aussi les salariés en CDI (ex : répondre aux questions, se préparer à voir partir certaines recrues…)
- Enfin, avant la signature d’un contrat de travail, envoyer ce document explicatif au futur collaborateur et prévoir un rendez-vous avec lui pour être sûr qu’il l’a bien compris.
Bonne pratique : Il est important de faire preuve de transparence vis-à-vis de votre équipe. Ainsi, il ne faut pas oublier de spécifier si la prime à la démission est également ouverte aux employés en CDI. Par soucis d’égalité, il peut être judicieux de la proposer, de manière exceptionnelle, à tous les salariés, lors de la première année d’existence du dispositif.
Enfin, comme tout cela est un peu nouveau, on vous laisse y réfléchir tranquillement… Et puis, qui sait ? Peut-être serez-vous l’une des premières entreprises françaises à tenter l’aventure de la prime à la démission ? Un pari qui pourrait bien se révéler gagnant !
Photo : WTTJ
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