Du « petit chef » au « réunion-man » : Quentin Périnel raille 60 nuances de collègues
01 févr. 2024
4min
Le journaliste Quentin Périnel a transformé en un livre, « 60 nuances de collègues » (éd Presse de la Cité / Le Figaro), sa passion pour les manies et les petits détails vestimentaires qui sont le sel de la vie de bureau. Dans cet ouvrage qui compile ses meilleures chroniques parues dans les colonnes du Figaro, il dévoile avec humour les subtilités du monde professionnel. Mais l’exercice ne s’arrête pas là, l'auto proclamé « bureaulogue », s’amuse aussi sur Instagram, en imaginant des portraits professionnels fictifs de passants capturés de dos.
Comment est née l’idée des 60 nuances de collègues ?
Depuis toujours, ce que j’aime dans la vie, comme dans mon travail, c’est observer les personnes qui m’entourent, et particulièrement celles et ceux avec qui je travaille. Avec le temps, j’ai fini par me rendre compte qu’il y avait certains traits de personnalité qui revenaient. Alors pourquoi ne pas dépeindre grossièrement ces travailleurs et les classer par catégorie ? À travers ces profils, qui sont bien évidemment des clichés, je voulais que tout le monde puisse reconnaître les personnes avec qui il travaille, peu importe le secteur d’activité et la taille de l’entreprise. Il fallait que ça parle au plus grand nombre.
Après, il faut savoir que c’est un exercice que j’ai initié en 2019 sur le site web du Figaro, dont près de quarante articles ont été extraits. Disons que ce livre est une compilation des meilleurs clichés de collègues enrichie d’illustrations et une quinzaine d’inédits pour ajouter un peu de croustillant.
Hormis tes collègues directs, quelles sont tes principales sources d’inspiration ?
Bien évidemment, mes collègues ont contribué de façon indirecte, mais ce n’est pas suffisant pour arriver à un éventail de personnalité aussi complet. Je me suis d’abord inspiré de ce que me racontaient mes amis, ma famille, et plus simplement, j’ai laissé traîner l’oreille et j’ai ouvert l’œil un peu partout. Couloirs de bureau, open-space, afterwork… Heureusement pour moi, tout ce qui fait partie du décorum de la vie d’entreprise alimente mes clichés. C’est un vivier d’inspiration inépuisable.
Entre-nous, tu n’as pas un ancien chef à balancer ?
Je travaille au même endroit depuis dix ans, donc c’est un peu compliqué de donner des noms comme ça ! (Rires) Après, c’est bien le fruit de ce que j’ai personnellement vécu au bureau. On travaille avec des personnes différentes qui ne fonctionnent pas du tout comme toi. C’est d’ailleurs ce qui fait qu’il y a sans cesse des rebondissements et du piment dans nos vies pro !
Quels sont les profils que tu affectionnes le plus ?
Déjà et je pense que c’est important de le rappeler, que ce soit dans les 60 nuances de collègues comme dans les #Portraitdebosseur que je publie quotidiennement sur Instagram, il n’y a pas de malveillance de ma part. Le but, n’est pas de juger ni d’être méchant, seulement de relever quelques petites singularités. Dans le livre, je peux sembler un peu sévère avec des profils toxiques comme le p’tit chef ou le pervers narcissique, mais entre nous, j’ai toujours espoir qu’eux aussi changent. Pour revenir aux profils que j’affectionne particulièrement et qui rendent nos journées de travail plus intéressantes, je dirai que ce sont tous les profils qui osent faire un pas de côté, ceux qui sont enthousiastes et qui inspirent. Il y en a beaucoup !
Et toi, tu es quel cliché de collègue ?
Je pense que personne ne colle à une seule case et c’est très bien comme ça ! Mais s’il fallait prendre des exemples : même si je suis manager, je ne pense pas être « flic », je ne suis pas non plus « présentéiste », ni « bordélique » parce qu’on travaille en open-space, en revanche, il y a un peu de moi dans le caféinomane, le père de famille et le diplomate… Je sais que ce n’est pas très surprenant, mais je n’aime pas trop le conflit.
Tout à l’heure, tu évoquais les « portraits de bosseurs » que tu dépeins chaque jour sur ton profil Instagram. Qu’est-ce qui t’a poussé à te lancer ?
Comme je le disais plus tôt, j’ai toujours aimé regarder les gens et je me suis toujours amusé à inventer des vies de personnes qui croisent ma route. Que ce soit dans la rue, dans un musée, dans un supermarché, mon œil est souvent attiré par un détail qui dénote des autres. Ça peut être un twist vestimentaire, une démarche, une façon de parler au téléphone… En quelques secondes, je me mets à imaginer ce que cette femme ou cet homme fait dans la vie. Les portraits de bosseurs sont tout simplement nés de ses observations.
Dans les vidéos que tu postes, on a l’impression que ce sont des personnes souvent assez pressées, des entrepreneurs… Tu as des profils que tu affectionnes plus que d’autres ?
C’est qu’il y a pas mal d’entrepreneurs, d’avocats d’affaires et de personnes qui travaillent dans le marketing ou dans la tech. Je dois avouer que j’ai un faible pour les cadres sup parisiens. Mais il ne faudrait pas que tous les profils se ressemblent, c’est d’ailleurs pour cette raison que j’essaie d’être un peu plus éclectique dans mes choix. Heureusement pour moi, parmi mes abonnés, beaucoup m’envoient des vidéos, ce qui m’aide à changer de quartier et d’ambiance pour mes histoires.
Tu penses que ça donne une information ou que ça montre quelque chose du monde du travail ?
Pour moi, ce n’est pas de l’information et ça n’a pas vocation à l’être. Je le conçois comme une petite récréation que l’on consomme en quelques secondes. Le contexte actuel est déjà suffisamment anxiogène pour vouloir dire autre chose que ce que ça montre.
Le monde du travail ne se porte pas bien ?
Disons que ça dépend de quel côté on se place, mais pour les salariés, je pense qu’il se porte plutôt bien. Il suffit d’ouvrir l’œil pour voir qu’il n’y a jamais eu autant de possibilités que ce soit avec le télétravail ou l’hybridation. Aussi, de moins en moins de salariés font toute leur carrière dans la même entreprise. L’ère de la libre circulation, c’est assez excitant !
Article édité par Gabrielle Predko ; Photo de Thomas Decamps
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