Coup de foudre en entretien : « Je suis tombé raide dingue de la recruteuse »

25 juil. 2024

6min

Coup de foudre en entretien : « Je suis tombé raide dingue de la recruteuse »
auteur.e
Aurélie Cerffond

Journaliste @Welcome to the jungle

Quand on pense aux événements qui ont bouleversé notre vie à tout jamais, il est rare de songer à… un entretien d’embauche. Et pourtant, c’est bien là où l’attend le moins que surgit parfois la magie, comme celle de la rencontre incroyable entre ce candidat et une chargée de recrutement qui dépasse de loin le scénario classique qui se joue d’habitude en entreprise. Témoignage.

Suite à une rupture conventionnelle, je me suis retrouvé pour la première fois de ma vie au chômage, et c’est encore, à ce jour, la pire période de ma vie. Inactif depuis huit mois, je m’inflige toutefois une hygiène de vie stricte au quotidien : lever à 6H30, 1H30 de sport, répondre à 5 offres d’emploi par jour minimum et passer trois entretiens d’embauche par semaine. À bientôt 36 ans, je me fixe une nouvelle ligne de conduite professionnelle : désormais pour éviter les déceptions, je décide de m’affirmer dès le recrutement en donnant une vision claire sur ce que j’attends de mon prochain poste de commercial. Sauf qu’après plusieurs échecs, je commence sérieusement à être déstabilisé : quand je me montre sous mon vrai jour, mon profil, mes compétences et mes valeurs ne séduisent pas ! Ma confiance commence sérieusement à s’éroder, et d’entretien en entretien, l’enjeu devient plus grand. Sentimentalement, c’est le néant. J’ai parfois des dates mais honnêtement je pense que mon anxiété transparaît dans mon envie de plaire… En gros : je n’ai pas le modjo.

Puis je postule à une offre d’emploi sur LinkedIn, pour un poste dans le digital. En candidat appliqué, je fais mes devoirs : je personnalise mon CV, ma lettre de motivation et je consulte le profil du recruteur qui a publié l’annonce pour avoir un maximum de billes si la personne me contacte. On m’appelle, mais quand la recruteuse se présente, je l’interpelle : « ce n’est pas vous qui avait posté l’annonce ? » Ce à quoi elle me répond, qu’effectivement, ce n’est pas elle, mais qu’elle prête main forte à une collègue débordée. Au bout d’une minute 30 de conversation, je ressens déjà quelque chose de très fort : j’adore sa voix. Une voix grave, légèrement cassée… irrésistible. Surtout, je l’entends sourire, je la trouve chaleureuse, je me sens bien en lui parlant, si bien que je baisse un peu la garde et m’autorise à blaguer. Elle rit, je sens que je marque des points, je me sens à l’aise (presque trop), en tous cas l’issue est positive : elle m’annonce que je vais recevoir un mail pour un entretien physique dans quelques jours. En raccrochant, je suis sur un petit nuage : j’éprouve un sentiment de bien-être, je suis de bonne humeur et j’ai la niaque. Je saute sur mon clavier pour chercher son profil LinkedIn et là, fracture de la rétine : une bombe. Je fais le bilan : elle est gentille, douce, intelligente, sa voix est incroyable et elle est canon. On est proche de la perfection, en tous cas de mon idéal. J’essaie de me raisonner, en me disant qu’une seule photo ne peut faire foi. Du coup, je la stalke sur tous les réseaux et découvre quelques clichés et quelques infos qui me plaisent encore plus. Comme le fait qu’elle est adhérente à la SPA (comme moi), et qu’elle adore les chiens (bingo). À ce moment-là, je m’enflamme un peu en pensant à elle mais je décide de me ressaisir : je suis là pour pecho un job, pas la recruteuse !

LA rencontre…

Un lundi 18 avril, je me présente à 10H dans les bureaux de l’entreprise. J’ai couru une heure avant de venir pour être en forme, et je porte ma plus belle chemise et mon plus beau costard que j’ai fait nettoyer au pressing. Je suis stressé mais motivé : j’ai décidé de laisser de côté mon coup de cœur pour sa voix et de me concentrer sur l’enjeu pro de la rencontre. Je patiente sur la banquette de l’accueil en lisant mes mails quand j’entend au-dessus de ma tête : « Bonjour Franck,
j’espère que tu vas bien. Tu me suis ?
» Je lève alors les yeux sur elle pour la première fois et là, plus de son, plus d’image : la perfection se tient devant moi. Game over, je tombe amoureux à la seconde, de cette grande blonde au large sourire façon Julia Roberts. Je me dis intérieurement : « ok c’était pas prévu mais c’est aujourd’hui que tu rencontres la femme de ta vie. »

Moi qui suis si bavard, je peine à aligner deux mots en la suivant dans les couloirs. Je glisse la main dans la poche de mon pantalon pour me pincer fort : il faut absolument que je me ressaisisse. On s’assoit face à face, elle sort un petit carnet, moi j’ai la jambe qui tremble et je me rends compte que je souris niaisement en la regardant (au secours !) J’essaie de respirer lentement par le nez (merci le yoga) mais mon esprit est en feu : je l’aime. Et ce n’est pas qu’une attirance physique, elle dégage une aura chaleureuse, elle me fait l’effet d’un plaid dans lequel on se love au coin du feu, sa présence m’est vraiment apaisante.

Je bois ses paroles, je suis plongée dans ses yeux, et son sourire illumine la pièce, j’arrive quand même à donner des réponses intelligibles mais c’est un combat psychologique. Au bout de 15 minutes, j’ai l’étrange impression qu’elle ressent la même chose. Il y a une connexion, une synergie entre nous si bien qu’au bout de 20 minutes, je perds le contrôle et je me mets à blaguer (ce qui arrive chaque fois que je suis submergé par mes émotions). On se marre, on partage même un fou rire, on dérive sur des sujets persos même si on la joue fine : on évoque nos hobbies, j’explique par exemple comment la pratique de la callisthénie (ensemble d’exercices de musculation issus de la gymnastique, ndlr) m’aide dans mon job de commercial. On se vouvoie, on reste pro, et on balaie tout ce qu’il faut savoir sur le poste, le salaire and co, et objectivement le job me plaît. L’entretien se termine, on regarde notre montre : il est midi. Ça fait deux heures qu’on se parle (ressenti : 30 minutes). On se serre la main longuement et elle m’assure que je vais poursuivre le processus de recrutement.

En sortant de là, j’appelle mon meilleur ami qui me coachait dans ma recherche d’emploi. Il m’assaille de questions : « c’est fou deux heures pour un premier entretien ! Alors le job ça donne quoi ? » Ma réponse est mémorable : « Mec, j’en ai rien à foutre de ce boulot ! Je viens de rencontrer ma femme ! Je déconne pas, je suis amoureux et je vais faire ma vie avec elle ! »

… et ses prolongations

La suite du processus de recrutement traîne en longueur, les autres entretiens sont plusieurs fois décalés, annulés… Le seul point positif est que je suis toujours en contact avec Ludivine, la recruteuse de mes rêves, qui me soutient et s’excuse pour ces déconvenues. Au bout de deux mois, la dernière rencontre, celle avec le DG a lieu, mais se passe mal : il trouve mon profil trop « affirmé » et cherche un profil plus docile, qui appliquera les consignes sans broncher. Ludivine m’annonce alors au téléphone que je ne suis pas pris, elle semble déçue et me propose de me contacter si d’autres opportunités venaient à se présenter. Après avoir raccroché, je sais qu’il est impossible que ça s’arrête là ! Je lui envoie alors une friend request sur Facebook en prétextant qu’elle pourrait m’aider dans ma recherche d’emploi en relisant mon CV (gros bluff évidemment). S’ensuit une conversation où j’ose lui confier que ma plus grosse déception dans cette histoire est surtout de ne pas l’avoir rencontrée dans un autre contexte. Ce à quoi elle répond… « Moi aussi ». Cri de joie ! Après une danse de la joie derrière mon ordinateur, on fixe un rencard dès le lendemain soir. On se pose dans le premier bar venu, et au bout de 10 minutes je l’embrasse et elle me rend mon baiser. Je lui avoue tout : « Je sais que c’est flippant de le dire lors d’un premier date, mais depuis le premier jour où je t’ai vu ce lundi matin 18 avril à 10H, je suis raide dingue de toi. » C’est là que j’apprends que tout est réciproque ! On repasse le film de l’entretien ensemble et je lui raconte le coup de fil avec mon ami : « Tu te fous de ma gueule ? » me lance t-elle. De son côté ce jour là, quand elle est revenu à son bureau, ses collègues l’ont gentiment taquinée sur la (très) longue durée de cet entretien et surtout sur la banane qu’elle affichait sur ses lèvres, ce à quoi elle a rétorqué « Vous ne comprenez pas, je n’ai pas rencontré un candidat, j’ai rencontré mon mari ! ».

Et depuis ? Deux semaines après ce bisou, je trouvais un job, au bout de trois mois on emménageait ensemble, un an et demi plus tard on avait notre premier enfant. S’en est suivi un mariage, une maison et un deuxième enfant. Surtout, on est toujours fous amoureux depuis maintenant 8 ans. Ce qui est drôle c’est que peu de temps après cette histoire d’entretien, elle quittait sa boîte pour une autre entreprise… que j’ai rejoint un an après, et le schéma s’est répété et encore aujourd’hui on bosse dans la même entreprise ! On est dans des services différents, si bien que certains de nos collègues ont mis plusieurs mois à réaliser qu’on portait le même nom.

En tous cas, le contexte peu commun de notre rencontre régale toujours les personnes de notre entourage, davantage habituées aux dates Tinder… Et on s’estime très chanceux d’avoir connu ce coup de foudre incroyable qui ne s’est que confirmé avec les années. En bref, un scénario digne des meilleures comédies romantiques qui mériterait d’être adapté à l’écran.

Les prénoms ont été modifiés.

Article écrit par Aurélie Cerffond et édité par Gabrielle Predko ; photo par Thomas Decamps.

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