Joindre l'acte à la parole : 3 conseils pour des réunions (vraiment) utiles
13 déc. 2022
6min
Pourquoi la propension à augmenter le nombre des réunions est-elle l’inverse de celle qui consiste à en attendre un résultat concret ? Retour d’expert.
Avant la pandémie déjà, les cadres passaient 27 jours par an en réunion, et 75 % des réunions ainsi menées n’aboutissaient à aucune prise de décision… Des chiffres marquants mais malheureusement pas si surprenants, n’est-ce pas ? Car en dépit de la communication abondante sur la tendance à la réunionite, improductive qui plus est, le phénomène n’a fait que se renforcer ces dernières années. Pour quelles raisons a-t-on tant de mal à organiser et participer à des réunions utiles ? Notre expert Louis Vareille, réuniologue et auteur, propose quelques conseils concrets à mettre en œuvre au plus vite pour améliorer la qualité de vos échanges et la mise en œuvre des décisions qui en résultent.
Conseil n°1 : pas de réunion utile, sans réunion bien préparée
« Bien souvent, on invite des personnes potentiellement concernées à assister à des échanges non préparés, peu structurés, sur lesquels ils ont peu d’impact et qui ne déboucheront sur rien de tangible », observe Louis Vareille. Le constat est dur, mais bien réel. Mais alors, comment permettre aux participants de venir préparés, et les encourager à le faire ?
Partager un ordre du jour clair et en amont
Réunion ne rime pas avec improvisation (enfin, littéralement si, mais elle ne devrait pas). En transmettant un ordre du jour suffisamment explicite, avec des objectifs clairs pour chaque sujet abordé, vous maximisez les chances que chaque participant prenne le temps nécessaire pour réfléchir et réunir les informations pertinentes pour le jour J. « Il est important de garder en tête que les bonnes idées ne viennent pas uniquement des personnes extraverties qui peuvent avoir tendance à parler avant de réfléchir, mais aussi des personnes introverties qui ont besoin de réfléchir avant de parler. »
Diffuser le maximum d’éléments en amont
Dans les pays anglo-saxons, on les appelle les pre-reads. En transmettant toutes les informations nécessaires à la compréhension du sujet et de son contexte, le temps de réunion est ainsi concentré sur la question à traiter. Bonne nouvelle, et non des moindres, vous pouvez oublier le deck de cinquante slides et vous contenter de trois ou quatre, afin de rappeler les points clés de la réunion. « David Askienazy, du cabinet Oasys, parle de “slide en or”, partage Louis Vareille. Le slide qui fait la différence et qui permet de focaliser le temps partagé sur la discussion et non l’écoute passive d’une longue histoire. Les fans de foot apprécieront. »
« Une réunion se justifie par son objectif. Or, il y a souvent une confusion entre le “sujet” de la réunion et son “objectif” concret. »
Tester des approches différentes
Vous doutez que les participants prennent le temps de lire la documentation transmise en amont de la réunion ? Jeff Bezos aussi. Et c’est effectivement un changement de pratique qui ne se produit pas du jour au lendemain. C’est pourquoi, chez Amazon, les réunions commencent par plusieurs minutes de silence imposé, pendant lesquelles chacun est invité à lire la documentation en question, avant de se jeter dans la discussion.
Conseil n°2 : pas de réunion utile, sans un objectif et un ordre du jour clairs
« Une réunion se justifie par son objectif. Or, il y a souvent une confusion entre le “sujet” de la réunion et son “objectif” concret », rappelle Louis Vareille. Donc non, « discuter du séminaire de fin d’année » n’est pas un objectif. En revanche, « déterminer la thématique des trois ateliers et lister les cocktails à commander au traiteur » en est un.
Prendre le temps de formuler un objectif simple, et le partager
Et cela ne s’improvise pas sur le coin d’une table, cela demande du temps. Louis Vareille recommande de s’assurer que l’objectif soit formulé de manière compréhensible et directe. Par exemple, « Quelles idées pourrions-nous mettre en œuvre pour traiter le problème auquel nous sommes confrontés ? ». Partagé en amont de la réunion, il permettra à chacun de venir avec de premières idées.
Proposer un ordre du jour réaliste
Êtes-vous déjà sorti d’une réunion avec la frustration de n’avoir vu abordée que la moitié des points évoqués (et pas de chance, celui qui vous intéressait le plus était à la fin) ? Louis Vareille recommande de calculer le temps nécessaire pour chaque point de l’ordre du jour… puis de le multiplier par deux. « Pensez à prendre le temps d’un retour d’expérience si l’incapacité à le couvrir dans le temps prévu est récurrente », ajoute-t-il pour les animateurs un peu trop optimistes.
Valider l’ordre du jour et les modalités de la réunion avec les participants à son lancement
« Ainsi, la responsabilité du succès de la réunion change de main. Et passe de son initiateur et animateur, à l’ensemble des personnes présentes », observe Louis Vareille. Par ailleurs, veillez à vous assurer - dès le début de la réunion - que les participants vous autorisent à mettre en œuvre les moyens que vous jugez utiles pour qu’elle soit couverte comme convenu… y compris des rappels à l’ordre sur la concision (n’est-ce pas Jean-Claude, l’éternel bavard ?).
Solliciter l’aide d’un time keeper
Avant de commencer les échanges, sollicitez l’un des participants pour vous assurer que le temps consacré à chaque point de l’ordre du jour est bien respecté. « Finalement, il joue le rôle d’horloge parlante et vous rappelle à vous, mais aussi aux participants, que l’heure tourne », ajoute Louis Vareille.
« Il ne faut pas hésiter à répéter les décisions et les actions à réaliser à de multiples reprises. »
Conseil n°3 : pas de réunion utile, sans des discussions qui aboutissent à des décisions
Rappelez-vous du chiffre évoqué en introduction de cet article : trois réunions sur quatre ne mènent à aucune prise de décision. Et les raisons de ce phénomène sont multiples. Alors, comment organiser des réunions qui mènent réellement à des décisions et des plans d’action clairs sur lesquels les acteurs s’engagent ? Puis vous assurer que ces plans seront suivis ?
Inviter le juste nombre de participants
« Plus on est, moins on fait, alerte Louis Vareille. Plus le groupe est grand, plus il est difficile de faire travailler tout le monde et plus nombreuses sont les opportunités pour que les non-engagés désengagent, par leur comportement, les autres participants. » Un conseil partagé par Jeff Bezos, fondateur d’Amazon, qui invite à ne jamais organiser de réunions pour lesquelles deux pizzas ne seraient pas suffisantes pour nourrir tous les participants. « Et pour que chaque participant puisse donner son avis, il faut qu’il ait été bien choisi, à la fois pour sa capacité à contribuer… et de préférence son envie de le faire », ajoute l’expert.
Permettre à chacun de s’exprimer
L’animateur doit solliciter nominativement et de manière régulière les différents participants. Sans quoi, les plus introvertis et silencieux n’auront pas l’occasion de s’exprimer sur leurs réserves, partager leurs idées ou risquent de ne pas adhérer à leur mise en œuvre par la suite.
Animer avec vitalité et maintenir l’attention
Vous le savez, c’est parfois un challenge (notamment après le déjeuner, n’est-ce pas ?). L’animateur de la réunion doit ainsi varier les formats, observer les comportements de chacun et passer le bâton de parole : personne ne doit se sentir mis de côté ou dispensé de participer. « Il peut également responsabiliser les porteurs de projet pour qu’ils animent la partie de la réunion qui leur revient. Ils peuvent ainsi apporter de la variété et mieux maintenir l’attention des participants. Mettez des vitamines… », recommande Louis Vareille.
Varier les moyens et les modalités de la réunion
« Chacun de nous dispose d’un bouquet unique de ce que Gartner appelle les intelligences multiples, rappelle Louis Vareille. Pour que tous s’y retrouvent, il convient d’utiliser différents moyens de communiquer et de faire contribuer, oralement ou par écrit, de manière spontanée ou bien réfléchie. » Lecture silencieuse, partage oral autour d’un slide, échanges en sous-groupe réflexion ou à l’aide de post-it… que les réunions se déroulent en présentiel ou à distance, il s’agit d’exploiter toutes les options disponiblespour maintenir l’attention et prendre les meilleures décisions.
Et toujours : rappeler les décisions prises
Trop nombreuses sont les réunions qui débordent de quelques minutes puis se terminent dans la précipitation, chacun fermant son ordinateur afin de courir vers la réunion suivante. C’est pourquoi il ne faut pas hésiter à répéter les décisions et les actions à réaliser à de multiples reprises : avant de passer au point suivant de l’ordre du jour, avant de se séparer en fin de réunion, puis dans un compte rendu diffusé dans la foulée. Ainsi, vous n’offrez aucune opportunité aux participants d’oublier leurs engagements.
« La réunion est au leader ce que le tournevis est à l’électricien. »
Voilà de nombreux conseils qu’il serait illusoire de vouloir mettre en place du jour au lendemain. Louis Vareille recommande ainsi d’en sélectionner un ou deux, puis de travailler dessus de manière déterminée. « Tous ceux qui ont cru dans la méthode que je propose et l’ont appliquée de façon méthodique ont vu leurs pratiques transformées », partage-t-il. Concentrez-vous ainsi sur l’un des quatre points clés d’une réunion utile : un objectif clair, des participants sélectionnés avec soin, des modalités de réunion qui maintiennent l’attention et permettent à chacun de s’exprimer, ou un animateur et des participants bien préparés. « La réunion est l’outil de chaque leadership : chaque leader va pouvoir exprimer son style à travers la réunion et le format choisi, conclut Louis Vareille. Finalement, la réunion est au leader ce que le tournevis est à l’électricien. »
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Article édité par Mélissa Darré, photo : Thomas Decamps pour WTTJ
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