Ce que vos toilettes révèlent de votre entreprise !

14 févr. 2024

6min

Ce que vos toilettes révèlent de votre entreprise !
auteur.e
Laetitia VitaudExpert du Lab

Autrice, consultante et conférencière sur le futur du travail, spécialiste de la productivité, de l’âge et du travail des femmes

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Les toilettes d’entreprise ? S’il y a bien un sujet dont on parle peu dans le monde pro, c’est celui-là, alors même qu’il est incontournable. Bien-être, productivité, diversité, égalité H/F, culture… Sous de multiples angles, le petit coin de votre structure en dit long sur votre culture d’entreprise. Voyez plutôt !

Les toilettes figurent en bonne place parmi les tabous de l’entreprise. Elles qui nous rappellent qu’on ne peut pas se séparer de son corps humain au bureau, même si on aimerait n’être que pur esprit au travail. Abordées par euphémisme (« le petit coin ») ou de manière jargonnante (« les sanitaires »), elles sont pourtant un sujet incontournable pour les entreprises entre obligations légales, aménagement de l’espace et bien-être.

Et pour cause, nous les utilisons tous. Les toilettes sont ainsi un lieu essentiel de socialisation informelle, au même titre que la machine à café ou l’espace cuisine. Pour s’en convaincre, il suffit de se rappeler toutes ces scènes de films américains ayant pour sujet l’entreprise, où des échanges stratégiques se produisent entre hommes d’affaires aux urinoirs… Alors comment en faire un havre de paix et même un outil de productivité pour vos collaborateurs ?

Une question de règlement

Le Code du travail est très clair : pour garantir l’hygiène des salariés et de bonnes conditions de travail, l’employeur est obligé de mettre à leur disposition les moyens d’assurer leur propreté individuelle. Dit autrement, des vestiaires, des lavabos, des « cabinets d’aisance » et dans certains cas, des douches. Les grandes entreprises sont tenues de mettre à disposition des toilettes séparées pour les hommes et les femmes, dont le nombre dépend des effectifs :

  • Pour les femmes : un « cabinet d’aisance » pour un effectif inférieur à 20 femmes, deux pour un effectif de 20 à 39 femmes, quatre pour un effectif de 40 à 59 femmes…

  • Pour les hommes : un « cabinet d’aisance » pour un effectif inférieur à 20 hommes, un « cabinet d’aisance » et un urinoir pour un effectif de 20 à 39 hommes, deux cabinets et deux urinoirs pour un effectif de 40 à 59 hommes…

À cette obligation quantitative, le Code du travail ajoute quelques contraintes qualitatives supplémentaires :

  • Les cabinets doivent être équipés d’une chasse d’eau et pourvus de papier hygiénique (apparemment, cela ne va pas sans dire)

  • Au moins un cabinet doit comporter un poste d’eau

  • Les cabinets ne doivent pas communiquer directement avec un local fermé où on travaille quotidiennement

  • Ils doivent être aménagés de manière à ne dégager aucune odeur, et être suffisamment chauffés en hiver

  • Les cabinets réservés aux femmes « doivent comporter un récipient pour garnitures périodiques »

  • Leur aération doit être conforme à la réglementation

  • Les sols et parois doivent pouvoir se nettoyer facilement, le nettoyage et la désinfection des cabinets et urinoirs doit être effectué au moins une fois par jour

  • Les portes des cabinets doivent être pleines (c’est-à-dire qu’on ne doit pas pouvoir passer en dessous de la porte pour vous faire coucou) et munies d’un « dispositif de fermeture intérieure décondamnable de l’extérieur » (pour vous sauver si vous êtes coincé à l’intérieur)

Reste que le sujet est peu connu : beaucoup d’entreprises sont dans l’illégalité pour ce qui touche à leurs toilettes. C’est le cas, par exemple, des structures à forte croissance dont les bureaux sont trop petits pour les effectifs et où le nombre de toilettes est insuffisant. Ou encore celles dont les bureaux figurent dans de vieux bâtiments où l’aération n’est pas aux normes.

Aménagement des espaces de travail

Et si vous faisiez de vos toilettes d'entreprise un atout pour votre entreprise et vos employé·es ?

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Un lieu de vie pour le meilleur et pour le pire

Les obligations légales sont une chose, la réalité des toilettes d’entreprise en est une autre. Hélas, pour trop de salariés, elles ne sont pas un havre de paix où ils peuvent se soulager, mais davantage un lieu peu accueillant, à l’hygiène douteuse, où ils craignent surtout d’être entendus. D’après une étude Ifop de 2022, 44 % des salariés vivraient ainsi les toilettes de leur entreprise comme un cauchemar où ils se retiennent d’aller. 21 % préféreraient même rentrer chez eux plus tôt ou entre midi et deux, plutôt que d’être entendus par leurs collègues.

Pourtant, malgré leurs défauts, les toilettes d’entreprise restent un lieu de vie que les collaborateurs fréquentent quotidiennement pour le pire, mais aussi pour le meilleur. En passant, ils y saluent leurs collègues, échangent des informations avec eux, se sourient. Pour beaucoup, c’est un lieu de socialisation essentiel, au même titre que l’espace cuisine et le coin canapé. C’est aussi, souvent, le seul lieu où l’on peut s’isoler, se soustraire aux regards des autres. On peut donc y trouver refuge pour enlever son masque et être soi, se ressourcer, faire une pause, se préparer pour la suite, méditer, se maquiller…

Un sondage effectué il y a quelques années avait révélé que 21 % des salariés les utilisent pour y changer de vêtement, 11 % s’y enferment pour faire une pause, 15 % pour téléphoner, 12 % pour envoyer des messages. Plus étonnant, 8 % se lavent aux toilettes et 7 % y mangent. 5 % s’y cachent pour lire des livres ou écrire. 4 % y trouvent refuge pour pleurer ou faire exploser leur frustration. Certains (2 %) y font même des siestes. D’autres y répètent une présentation importante.

Quoi que l’on y fasse, c’est le lieu où l’on peut être soi. Les gourous de la productivité et du bien-être l’ont bien compris. Parmi les conseils qu’ils prodiguent, certains concernent justement les toilettes. Ainsi, Amy Cuddy, professeur à la Harvard Business School, recommande aux personnes qui manquent de confiance en elles, d’aller aux toilettes pour pratiquer des « power poses », comme lever les bras au ciel, bomber le torse et faire des gestes de gorille, avant une réunion ou une présentation importante, pour gagner en confiance en soi.

Un enjeu de productivité et de créativité

Bien que les toilettes soient généralement absentes des publications concernant les espaces de travail et leur aménagement, elles sont pourtant aussi un lieu de travail et -ce n’est pas une plaisanterie- de création. Des études sérieuses sur la créativité ont montré que la meilleure manière de résoudre un problème, c’est de s’en éloigner. C’est uniquement quand on s’éloigne de son bureau que l’on trouve la solution aux problèmes complexes. Au-delà de la distance physique dont on a besoin pour prendre du recul et développer sa créativité, c’est aussi de distance psychologique, afin de créer un nouvel espace mental où les idées neuves peuvent germer. Aller aux toilettes est l’une de ces rares occasions pour les collaborateurs.

Même Steve Jobs avait reconnu le potentiel des toilettes pour booster la créativité des employés. Chez Pixar, il avait ainsi insisté pour que les toilettes soient conçues de manière à maximiser les chances de rencontres et la stimulation de chaque collaborateur. Les entreprises de la Silicon Valley n’ont pas toujours raison, loin s’en faut. Et il ne faut pas forcément imiter tout ce qu’elles font. Mais il y a une chose qu’elles font en général mieux que les autres : créer des espaces propices à la créativité. Leurs employés se définissent comme faisant partie de la « classe créative » et ils exigent flexibilité, confort, et autonomie. Pour recruter et retenir les meilleurs talents, rien n’est trop beau : les meilleures cafétérias, les bureaux les plus beaux, les chaises les plus confortables, et même les toilettes les plus extraordinaires.

Dans les bureaux de Facebook, Google, et de toutes les grandes entreprises numériques, les toilettes sont des havres de propreté, de paix et de confort, où les employés peuvent trouver de nombreux accessoires en libre service : rasoirs et mousse à raser, déodorant, sticks à lèvres, crème hydratante, mouchoirs en papier, tampons et serviettes hygiéniques, élastiques à cheveux, aspirine… Autant de petites choses perçues comme des nécessités que l’entreprise fournit à ses employés pour qu’ils ne soient pas gênés au travail, pour les libérer des petites contraintes physiques du quotidien.

4 conseils pour faire de vos toilettes un atout

Et si vous décidiez vous aussi de miser sur les toilettes pour le bien-être et la productivité de vos employés ?

Conseil n°1 : faites mieux que la réglementation

Pourquoi ne pas opter pour davantage de toilettes encore pour les femmes que pour les hommes ? Après tout, elles y passent en moyenne plus de temps. Ou bien opter pour des toilettes mixtes si la culture de votre entreprise s’y prête ? Côté propreté, la réglementation mentionne le nettoyage quotidien des toilettes, mais plus d’une fois par jour, c’est encore mieux. Il y d’ailleurs un cercle vertueux en matière de propreté des toilettes : plus les toilettes sont propres, plus elles sont gardées propres par ceux qui les utilisent.

Conseil n°2 : misez sur les goodies

Si la présence de papier toilette est un excellent point de départ, pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Les femmes coincées sans serviettes hygiéniques quand elles ont leurs règles, apprécieraient beaucoup d’être dépannées, tandis que des savons doux et crèmes pour les mains sont un petit plus également très apprécié… Les études montrent également que les employés sont nombreux à vouloir se laver les dents ou le visage aux toilettes. Or, souvent, ils ne trouvent rien pour s’essuyer le visage. Pensez-y !

Conseil n°3 : faites de vos toilettes un vrai lieu de vie

Pourquoi ne pas décorer le lieu et le rendre plus chaleureux ? Les idées sont nombreuses et ne sont jamais aussi bonnes que quand elles viennent des employés eux-mêmes. Mais on peut citer, par exemple, les dessins humoristiques au mur, ou le panneau de petites annonces près du lavabo…

Conseil n°4 : l’essentiel, la sonorisation !

Pour beaucoup d’employés, les bruits, et surtout la possibilité d’être entendus des autres, est une crainte majeure, et même un facteur de constipation. Le choix des matériaux et de leur habillage, du mobilier et de l’aménagement, doit être confié à des spécialistes capables de prendre en compte cette dimension.

Article édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.

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