Comment votre « type d’attachement » influence vos entretiens d’embauche
02 nov. 2023
9min
Dans les minutes qui précèdent un entretien, alors que vous attendez à l’accueil ou devant votre écran sur Zoom, la nervosité peut prendre le pas. Et si ce n’était pas uniquement à cause des questions qui vous attendent ? Et si notre passé et notre rapport aux autres, appris dans l’enfance, s’en mêlaient ? C’est ici qu’intervient l’idée des « types d’attachement ».
Avec Dani Tan coach en carrière et leadership, nous avons regardé de près la connexion assez intrigante entre les types d’attachement et les entretiens d’embauche. À la faveur de quatre témoignages – relevant chacun d’un type d’attachement différent, à savoir sécure, anxieux, évitant et désorganisé –, nous révélons ici l’influence profonde de ces relations aux autres sur la manière dont nous appréhendons les entretiens et la performance au travail. Et si vous avez envie d’agir plus que de subir, nous vous livrons des clés pour faire de votre type d’attachement un atout – en entretien et tout au long de votre carrière.
Le type sécure : confiant, sociable, dominant
Considéré comme l’unique type d’attachement « sain », les personnes concernées sont généralement sûres d’elles, sociables et à l’aise avec le fait de s’exprimer. Elles sont aussi au diapason de leurs émotions et se nourrissent de liens assez forts avec les gens qui les entourent.
« J’ai toujours aimé les situations dans lesquelles je suis en contact avec les gens, confie Suze, cheffe de projets au sein d’un think-tank et profil sécure. Je suis plutôt extravertie de nature, j’aime bien prendre la parole en public et je parle aisément avec ceux que je ne connais pas. Je suis toujours entourée de plein de monde, mais pour ce qui est des relations plus investies, je fais beaucoup plus le tri et finalement je n’ai que très peu de relations très proches. »
Le profil sécure en entretien d’embauche
Suze admet que son type d’attachement sécure n’est pas toujours bien accueilli. « Jusqu’ici, je n’ai que rarement été retenue après un premier entretien. C’est souvent en lien avec la confiance en moi que je dégage spontanément. »
Cette confiance en eux qu’affichent les profils sécures en entretien peut, en effet, parfois être vue d’un œil négatif. « Il m’est souvent arrivé d’être écartée en raison d’une trop grande confiance en moi ou d’une trop grande aisance à dire ce que je pense, raconte Suze. On m’a dit qu’on voyait en moi une leadeuse, une personne avec un fort caractère ou quelque chose d’un peu fougueux, agressif. »
Une situation très courante, selon Dani Tan : « Les profils sécures sont assertifs, ouverts et ils s’affirment facilement… Il n’y a rien de mal à ça, au contraire, mais on peut avoir tendance, du côté des recruteurs, à la considérer comme des personnes dominantes et autocentrées. »
Alors comment faire pour que votre confiance en vous se voit en entretien, mais pas à votre détriment ? « Il s’agit surtout de faire les ponts entre vos forces et celles de l’entreprise, répond Dani Tan. Essayez de trouver l’équilibre souhaitable entre votre assurance interne et la conscience de l’environnement dans lequel vous vous trouvez. Surtout, ne changez rien à qui vous êtes, parlez, affirmez-vous. Mais plutôt que de mener vous-même l’entretien, pour ainsi dire, vous pouvez montrer que cette confiance en vous est aussi synonyme de curiosité et de proactivité. Et que, grâce à cela, vous avez une meilleure compréhension de l’entreprise, de sa mission et de ses objectifs. »
Autre mur que peuvent se prendre les profils sécures : donner l’impression, en entretien, d’être un peu trop détendus et dans une posture pas assez pro (ou, dans le cas de Suze, un peu trop à l’aise avec la prise de parole). « Ça revient souvent avec mes clients dont l’attachement est de type sécure, confirme Dani Tan. Je suis impressionnée par la facilité que ces personnes ont à s’ouvrir aux autres et se faire des amis partout. Mais en entretien, cette facilité justement à discuter avec les autres, à avoir des échanges un peu plus poussés que la moyenne, peut les conduire à en dire, même involontairement, un peu trop sur elles, à dépasser le cadre normatif, ou même à poser des questions un peu trop perso à leur interlocuteur. »
Il faut réajuster : « Dans une situation aussi particulière et stressante qu’un entretien d’embauche, il vaut mieux ne pas paraître trop à l’aise ou intrusif, explique Dani Tan. Pour éviter cela, il vous revient de vous imposer des limites dans un cadre professionnel. » Vous pouvez vous tourner vers votre mentor ou quelqu’un de votre équipe qui vous connaît bien : « Donnez à cette personne quelques exemples de situations que vous avez vécues et demandez-lui son avis. D’après elle, est-ce que vous avez, dans ces cas précis, dépassé le cadre professionnel ? » Veillez à choisir une personne dont le jugement est digne de confiance à vos yeux.
Le type anxieux : empathique, proactif, en fait toujours plus
C’est le premier des trois autres types d’attachement, moins « sains ». Il trouve ses racines dans une piètre estime de soi et une peur profonde du rejet. Les profils anxieux ont souvent envie d’une relation extrêmement proche, mais avec pour pire crainte celle de l’abandon. Ces personnes peuvent faire preuve d’une grande dépendance aux autres et « tenir » uniquement grâce aux relations qu’elles entretiennent.
« Chez moi, ça se traduit par un cerveau en suractivité constante et de petites angoisses tout au long de la journée, y compris sur des choses franchement triviales, confie Maddy, rédactrice de contenus dans le secteur public et profil anxieux en matière d’attachement. Plus les années passent, plus je vois que mon type d’attachement s’illustre dans un besoin d’être toujours en train de faire quelque chose. La détente n’appartient pas trop à mon vocabulaire et quand je me pose enfin, c’est culpabilité direct, parce que je ne fais rien de productif ou de créatif. J’ai toujours eu ce besoin d’être touche-à-tout, d’être sur plein de choses en même temps, de changer régulièrement d’activités sur le plan perso, d’apprendre de nouveaux trucs, de suivre des cours divers et variés, avec à chaque fois l’injonction de passer à autre chose. »
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Le profil anxieux en entretien d’embauche
Maddy avoue sans détour être bien plus stressée qu’elle ne le voudrait avant les entretiens. Son type d’attachement anxieux la met sur pilote automatique : elle masque son anxiété et son insécurité, cherchant à se vendre autant que possible. « J’essaie toujours de montrer que je suis vraiment la meilleure candidate, même si je n’en suis pas convaincue au fond de moi. J’imagine que c’est pour ça que j’ai eu plein de stages, de projets et postes différents au fil des ans. J’ai tendance à me battre pour décrocher le job dès qu’une occasion se présente. »
Selon Dani Tan, « l’attachement anxieux est très complexe. Cette anxiété que Maddy évoque avant ses entretiens est directement liée à la peur – du jugement, de l’échec ou même de ne pas être vue. Le besoin de validation et d’acceptation qui accompagne le type d’attachement anxieux peut pousser les personnes à croire qu’elles doivent sortir le grand jeu pour correspondre à ce qui serait, à leurs yeux, le meilleur profil pour le poste. » La coach précise cependant que le mieux pour ces personnes est de tâcher de se rappeler qu’elles sont tout à fait qualifiées, qu’elles ont de l’expérience, les compétences et l’expertise nécessaires.
Maddy confie avoir pour plus grosse peur en entretien celle de ne jamais en faire assez. « J’ai souvent le sentiment de ne pas être aussi compétente ou passionnée que les autres candidats. Je remarque que je suis poursuivie par cette peur que le recruteur me voie et se dise en effet que je ne suis pas à la hauteur. »
Dani Tan précise qu’il est très courant chez les personnes à l’attachement de type anxieux d’avoir une mauvaise image d’elles-mêmes et de se sentir insuffisantes. Pour contrecarrer ces pensées, elle vous conseille de garder en tête une chose très importante : si vous avez été convoqué à cet entretien, ce n’est pas pour rien. « Si on vous a retenu parmi tout un tas de candidatures, c’est que vous avez fort probablement les compétences et l’expérience requises. Donc plutôt que de vous mettre sur pilote automatique et d’essayer d’être ce qu’attend (selon vous) la personne en face, dites-vous, et aussi souvent que nécessaire : “Ce que j’ai à offrir suffit amplement, je ne dois rien faire de plus pour correspondre au profil recherché.” »
Le type évitant : secret, critique, dans la protection de soi
L’attachement de type évitant se caractérise par une tendance à prioriser l’indépendance, avec un rejet de l’intimité affective et physique. Les personnes de type évitant paraissent souvent confiantes, voire suffisantes, mais sont bien en peine de faire confiance aux autres.
« Je pense que je suis un cas d’école, annonce Claire, juriste chez un e-commerçant. Je me souviens la première fois que j’ai lu la description du type d’attachement anxieux, c’était à la fois drôle et étrange, parce que je me retrouvais dans tout ce qui était dit. »
Le profil évitant en entretien d’embauche
Selon Claire, son type d’attachement anxieux est utile car il lui permet d’adopter une approche très pragmatique en entretien d’embauche : « Finalement, c’est presque automatique chez moi de ne pas montrer au recruteur que je veux absolument le job, parce qu’au fond, je ne le veux pas vraiment à tout prix. J’ai un côté où ma posture, c’est plutôt de penser que je n’ai pas besoin d’eux mais que je vais faire en sorte qu’ils aient besoin de moi. »
Claire avoue également pouvoir se montrer assez critique lors des entretiens. « Je sais que ce n’est pas la catha si je ne décroche pas le poste, parce qu’il est important pour moi que mon entreprise valorise ce que je fais et me voit comme un super élément. Ça vient peut-être aussi du besoin de me protéger et de garantir mon bien-être à tout prix. Je me souviens que, durant mon dernier entretien en date, j’ai posé plein de questions au recruteur – alors que j’étais clairement prête à changer de boîte et que j’aurais presque pu, sur le papier, m’en passer. Je bossais pour un cabinet d’avocats où l’ambiance était clairement toxique et tout sauf professionnelle. Je voulais m’assurer de ne pas retomber dans le même genre d’environnement. »
Le type d’attachement de Claire se remarque avant l’entretien, dès sa phase de préparation : « Quand j’entre dans un process de candidature, je n’en parle à personne, ni à mon compagnon ni à famille ou à mes amis les plus proches. Je préfère préparer l’entretien dans mon coin, à ma manière, sans que personne ne le sache ou me demande des nouvelles. Si ça se passe mal, je peux décider de ne jamais l’évoquer. C’est la seule manière pour moi d’avoir une vraie tranquillité d’esprit et d’être calme le jour J. C’est comme ça que j’arrive à être au taquet, ultra-bien préparée et à fond, comme lors de mon dernier entretien. Et j’ai décroché le poste. Personne n’était en train de me poser des questions ou de me coller la pression. »
Dani Tan y voit l’illustration d’une peur de l’échec et d’un mécanisme d’autoprotection. « Claire se protège peut-être de la peur d’être jugée et perçue comme ratée par les autres. Ne pas en parler autour d’elle lui permet d’éviter l’éventuel moment où, déçue, elle serait exposée aux yeux de tous. »
Cette approche a ses avantages et ses inconvénients. « Comme vous ne dites rien à personne, vous n’avez pas à vous confronter à la partie émotionnelle de votre type d’attachement. Ça vous laisse du temps et les moyens de bien vous préparer, puis de vous présenter sous les traits d’un candidat solide et de choix. Mais d’un autre côté, il y a de quoi se sentir un peu seul. La prochaine fois, vous pouvez essayer d’en parler à une seule personne de confiance et d’accepter ce que ça vous fait. »
Le type désorganisé : réservé, fiable et submergé
L’attachement de type désorganisé pose de sacrés challenges. Les personnes concernées ont souvent peur de l’intimité, évitent clairement les autres et hésitent à nouer tout type de relation. Leur comportement peut être instable et la question de la confiance est un gros sujet.
« Au début, je n’étais pas certaine d’appartenir à la catégorie des gens à l’attachement de type désorganisé, se souvient Jenny, spécialiste en communication dans le secteur de la publicité. Mais plus j’ai observé mon comportement, plus j’ai vu des signes évocateurs. Je n’ai pas peur de l’intimité et j’aime bien nouer des relations avec d’autres personnes, y compris dans le cadre du travail, mais j’ai remarqué que plus j’ai de boulot, moins je suis organisée et plus j’ai du mal à reprendre les choses en main. Et aussi, je me compare souvent aux autres, surtout quand je vois qu’ils sont mieux organisés que moi et ne perdent rien de leur charisme quand ils sont hyper débordés. Moi en face, je me sens mal. »
Le profil désorganisé en entretien d’embauche
Jenny explique que cela joue surtout sur la manière dont elle prépare l’entretien. « Je vais remettre à plus tard ce qui me stresse et me retrouve à préparer l’entretien au dernier moment et un peu n’importe comment. À cause de ça, je ne suis jamais satisfaite de moi, ou alors j’ai l’impression d’avoir raté l’entretien. Je me dis que je n’ai pas assuré pour un clou et que les autres ont clairement dû faire mieux que moi – même quand finalement l’entretien a finalement une issue positive. »
Dani Tan y reconnaît bien les signes d’un attachement de type désorganisé. « Je vois ça souvent. La personne a une échéance importante qui arrive, et ça lui paraît tellement gros que ça l’écrase complètement. Alors elle met un peu tout sous le tapis et ça ne fait qu’empirer son sentiment d’être totalement submergée. Souvent, ça vient du fait d’avoir grandi dans un environnement où les émotions des adultes n’étaient pas bien régulées, donc cette personne a, à son tour, du mal à identifier et réguler ses propres émotions. »
Pour ne pas rester coincé là-dedans, la coach recommande de se fixer des choses concrètes à faire. Pour les entretiens, elle suggère ainsi de diviser le processus de préparation en quatre étapes. Vous les répartissez ensuite sur quatre jours, en consacrant de 30 minutes à 1 heure pour chaque étape pour :
- Préparer un pitch pour présenter rapidement votre parcours
- Vous préparer à négocier votre salaire
- Faire des recherches sur l’entreprise
- Noter et rassembler vos questions pour l’entretien.
« Si vous pensez avoir besoin qu’on vous cadre un peu et qu’on vérifie que vous avancez, trouvez quelqu’un qui remplira ce rôle, conseille Dani Tan. Ça peut être une amie, un membre de votre famille ou un collègue. »
Ne laissez pas votre type d’attachement dicter votre identité
Comprendre votre type d’attachement vous permet de tirer profit de vos forces et de mieux gérer les éventuelles difficultés qui se présentent pour vous en entretien. « Je tiens à souligner que les types d’attachement n’ont rien d’intrinsèquement bon ou mauvais », insiste la coach. C’est juste un fait, ils reflètent là où on se trouve sur le spectre global. Voyez votre type d’attachement comme un outil utile pour comprendre vos habitudes et voir où vous vous trouvez. Évitez en revanche de trop vous fixer dessus ou d’analyser en détail le moindre pan de votre vie. Vous êtes bien plus que votre type d’attachement. Prenez-le comme un repère et laissez apparaître, en entretien, les qualités qui vous sont propres. Avec cette meilleure connaissance de vous, vous serez mieux équipé pour faire bonne impression et foncer quand une opportunité se présente.
Article traduit par Sophie Lecoq ; Photo de Thomas Decamps.
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