Semaine de 4 jours : comment la mettre en place en 7 étapes

27 sept. 2023

6min

Semaine de 4 jours : comment la mettre en place en 7 étapes
auteur.e
Laure Girardot

Rédactrice indépendante.

contributeur.e

Un tiers des Français préféreraient travailler 4 jours par semaine selon une récente étude d’ADP. Peut-être est-ce le cas de vos salariés ? Pour se préparer à un réaménagement du temps de travail, voici 7 étapes incontournables à connaître.

La semaine de 4 jours fait peu à peu son nid à l’international : 92 % des 61 entreprises britanniques l’ayant testé depuis juin 2022 veulent poursuivre sur ce rythme. La même année, les salariés belges ont obtenu le droit d’effectuer 4 jours au lieu des 5 habituels, sans perte de salaire. Au Japon, les grandes entreprises s’aventurent sur ce terrain, suite à l’annonce par le gouvernement japonais, en 2021, d’un plan visant à instaurer un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

En France, cette avancée sociale pourrait faire partie de la feuille de route du gouvernement après la remise du rapport des Assises du Travail par Sophie Thiéry (CESE) et Jean-Dominique Senard (Renault) à Olivier Dussopt, ministre du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion. 17 recommandations ont été mises au jour, visant à « re-considérer le travail » : l’une d’elles propose d’explorer les organisations alternatives du temps de travail, notamment la semaine de 4 jours. L’objectif est de répondre aux aspirations des Français en quête d’équilibre et de flexibilité, notamment à celles des plus jeunes – 41 % des 25-34 ans revendiquent le format des 4 jours selon le même rapport ADP (« People at Work 2023 : l’étude Workforce View »). Néanmoins, opter pour ce tournant organisationnel n’est pas sans effets. Sa mise en place doit être balisée, pensée et portée par les salariés pour en faire une réussite collective. Autant d’étapes à appréhender pour réinventer et parachever l’expérience collaborateur.

« Le(s) semaine(s) de 4 jours », un dispositif protéiforme

Si la semaine de 4 jours propose une architecture du temps plutôt alléchante – sur papier –, ses applications ne sont pas monolithiques. Il existe plusieurs modèles en fonction des moyens, objectifs et métiers de l’entreprise.

  • Réduire le nombre d’heures de travail hebdomadaires et passer à une semaine de 32 heures au lieu de 35 heures. On maintient les 8 heures par jour tout en bénéficiant d’un jour de congé supplémentaire.
  • Augmenter la charge de travail journalière : il s’agit ici de ventiler les 35 heures légales sur 4 jours.

Néanmoins, le point nodal reste le salaire, surtout en période inflationniste. Même si 27 % des collaborateurs seraient prêts à accepter une baisse de leur rémunération en contrepartie de la flexibilité de leurs horaires de travail, le maintien du salaire reste une condition d’acceptabilité du modèle. Quant au déploiement : cela peut être un jour fixe de congé hebdomadaire en plus, une semaine libre sur cinq, l’alternance de semaines longues et de semaines courtes ou encore un week-end de 4 jours toutes les deux semaines, etc. D’ailleurs, pourquoi ne pas imaginer un dispositif modulaire, cyclique ou temporaire qui s’appliquerait à certaines périodes de l’année (périodes de vacances, fêtes de fin d’année…) comme le suggère Jean-Marc Morawski, expert RH, dans l’un de ses articles.

Expérience : la semaine de 4 jours chez Welcome to the Jungle

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Semaine de 4 jours : 7 étapes à connaître pour un déploiement réussi

1. Sonder les besoins des salariés

« La semaine de 4 jours apparaît aujourd’hui comme une solution RH miracle : mais est-elle adaptée à mon entreprise ? » : c’est la première question à se poser selon Marie-Sophie Zambeaux, fondatrice du cabinet ReThinkRH et experte du Lab. Comment ? « Il faut consulter les salariés via un sondage interne pour savoir s’ils adhèrent au concept, et connaître leurs attentes réelles. Ils doivent pouvoir s’exprimer librement sur le sujet, émettre des réserves, souligner des difficultés ou encore proposer des idées. » Cette étape d’écoute permet également d’acculturer les équipes : « Beaucoup de personnes ne connaissent pas cette organisation du travail, ce qu’elle implique, ses conséquences. Il est donc essentiel de pouvoir exposer les modalités de la manière la plus exhaustive possible ».

2. Mener une « enquête » externe approfondie

L’idée de cette veille est de comprendre les différentes formes d’organisation, les difficultés rencontrées par les entreprises pionnières, les meilleures démarches de déploiement ou encore les écueils afin de se forger une opinion. Quelques pistes à explorer : LDLC, Welcome to the Jungle, Structa, Mozoo, URSSAF Picardie, Elmy… Ne pas hésiter à prendre contact avec les responsables de la réorganisation pour glaner leur vision et retour d’expérience. En effet, certains impacts, notamment sur le business (« une baisse potentielle de mon résultat de 10 % »), sont à appréhender à court terme comme le souligne Laurent de la Clergerie, président du directoire du Groupe LDLC et initiateur de la semaine de 4 jours sans perte de salaire, dans un article Malakoff Humanis. C’est aussi une opportunité d’échafauder un argumentaire pour la communication auprès des équipes.

3. Réaliser une étude interne de faisabilité et d’impacts

Cette compréhension des impacts externes doit être appliquée à l’écosystème de l’entreprise : « Il s’agit d’analyser les effets sur les salariés, les clients et l’activité de manière générale, en s’interrogeant tout particulièrement sur les avantages, les inconvénients, les coûts associés, l’effet sur la productivité et la pérennité de l’organisation », souligne Marie-Sophie Zambeaux.
Quelques questions clés à se poser :

  • Est-il vraiment possible que l’entreprise travaille 4 jours sans se mettre en péril ?
  • Faut-il assurer une continuité de service opérationnelle et commerciale, et rester joignable 5 jours sur 7 ?
  • Quel sera l’impact sur les délais de production ? Quid des délais de réponse aux clients ?

« Cette phase inclut la prise en compte du contexte réglementaire et du droit du travail : durée de travail journalière maximale de 10 heures, durée maximale hebdomadaire de 48 heures, 1607 heures annuelles max, durée légale du travail fixée à 35 heures… », insiste Marie-Sophie Zambeaux.

« Il est important d’impliquer les collaborateurs grâce à une approche collaborative. »

4. Co-construire un modèle idoine pour son entreprise

C’est l’une des conditions phares de la réussite du projet selon Marie-Sophie Zambeaux : « Il est important d’impliquer les collaborateurs grâce à une approche collaborative axée sur la concertation et le dialogue afin d’anticiper au maximum les écueils et de maximiser l’adoption. » Avec eux, l’objectif est de plancher sur la manière la plus adaptée de procéder. « Il convient de choisir celle qui convient le mieux pour le collectif et d’éviter l’approche “à la carte” qui est difficilement gérable.» Ce dialogue constructif ne peut se faire sans inclure les partenaires sociaux qui ont leur mot à dire dans le choix des nouvelles modalités de répartition du temps de travail. Le but est de « déboucher sur un accord collectif négocié ».

5. Cartographier les métiers pour repenser l’organisation

« Déployer la semaine de 4 jours nécessite de questionner l’organisation du travail à l’échelle globale, mais aussi au niveau de l’équipe (charge de travail, polyvalence…) », explique Marie-Sophie Zambeaux. En effet, tous les postes ne sont pas égaux. Si les fonctions dites « en flux » (commerciaux, fonctions support ou services clients) doivent maintenir une qualité de service en 5 jours – qui reste le modèle dominant – les postes « en mode projet » disposent d’une plus grande autonomie dans leur gestion du temps : l’ampleur du changement ne sera donc pas la même pour les uns et les autres. La question sous-jacente est celle des inégalités et de l’efficacité en 4 jours : « Ceci nécessite une réflexion sur la manière de travailler de manière plus efficiente : automatisation de tâches chronophages, allègement de processus, réduction du nombre et de la durée des réunions, par exemple », décrit Marie-Sophie Zambeaux.

6. Accompagner le changement culturel

Comme tout projet de transformation, soutenir les collaborateurs dans le changement est le nerf de la guerre : « La direction des ressources humaines doit anticiper au maximum les problématiques internes et mettre à disposition un arsenal d’outils : une FAQ (foire aux questions), une présentation de la semaine de 4 jours et de ses modalités, un guide des bonnes pratiques, etc. », explique Marie-Sophie Zambeaux. Autre action utile : désigner un ou plusieurs référents internes sur le sujet afin de répondre aux questions, communiquer sur le terrain et faire remonter les signaux faibles. L’adhésion des managers est aussi un levier capital de la transformation : les outiller et les former à un management plus flexible, moins orienté sur la « gestion du temps » mais davantage sur les « objectifs », est une piste à explorer. Enfin, pour orchestrer un lancement dans de bonnes conditions, les entreprises peuvent se faire accompagner par des spécialistes : des psychologues pour l’aspect santé mentale, des experts de la conduite du changement ou encore des cabinets spécialistes en transformation organisationnelle.

« Si les premiers résultats sur la productivité peuvent être décevants à court terme, il ne faut pas tirer de conclusions hâtives. »

7. Réaliser une expérimentation… et itérer

Comment tester ? « Mener une expérimentation grandeur nature et itérative sur une population test telle qu’une équipe ou une filiale », explique Marie-Sophie Zambeaux. Pourquoi éviter un déploiement « big bang » (sur toute l’entreprise) ? « Itérer est le seul moyen d’identifier les dysfonctionnements et les problématiques avant un déploiement à plus grande échelle. » Entre les deux étapes, il convient de mener différents bilans en examinant les indicateurs déterminés à l’avance : évolution de la productivité, de la rentabilité, du taux d’absentéisme ou encore du taux de satisfaction clients. Il faut être particulièrement vigilant vis-à-vis de la charge de travail et des effets sur la santé mentale des salariés. Condenser 35 h sur 4 jours n’équivaut pas forcément à réduire le temps de travail de 20 % ni même les objectifs. À quel rythme réaliser ces bilans ? « Un mois, trois mois, six mois puis 1 an après le lancement afin de prendre le pouls social », souligne Marie-Sophie Zambeaux. « Si les premiers résultats sur la productivité peuvent être décevants à court terme, il ne faut pas tirer de conclusions hâtives. L’organisation doit retrouver un équilibre. »

Les premiers retours peuvent donc nécessiter quelques ajustements avant un déploiement plus généralisé. Néanmoins, « si au bout de 18 mois, les résultats concrets remontés du terrain ne sont pas concluants, il faudra peut-être repenser le modèle », conclut Marie-Sophie Zambeaux.


Article édité par Ariane Picoche, photo : Thomas Decamps pour WTTJ

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