6 méthodes testées et approuvées pour gérer les « sales cons »
28 août 2020 - mis à jour le 09 janv. 2025
6min
En entreprise, l'un des défis les plus délicats auxquels les managers et les responsables RH sont confrontés est la gestion des personnalités difficiles, souvent désignées par le terme de « sales cons ». Comment faire face sans ciller à ces salariés complexes, susceptibles de faire basculer le collectif ?
Le terme est provocateur. À dessein. Avec son best-seller « Objectif zéro sale con » (Vuibert, 2012), l’auteur Robert Sutton a jeté un pavé dans la mare des RH. Tant et si bien qu’une petite décennie plus tard, la notion de « sale con » est intégrée dans le logiciel de nombreux recruteurs. Les entreprises identifient mieux ces individus qui peuvent sérieusement perturber le climat de travail par leurs comportements toxiques, affectant non seulement le moral des équipes mais aussi leur productivité.
Et pour cause, la personnalité toxique s’accroche à ses passe-droits, avec un coût financier et émotionnel considérable pour l’entreprise. Le professeur Dylan Minor de la Harvard Business School a ainsi analysé 60 000 cas de salariés répartis sur 11 industries différentes. Et sa conclusion est édifiante : un « sale con » anéantit le travail de deux « top talents » de l’entreprise. Comment alors développer des stratégies efficaces pour identifier et gérer proactivement ces comportements, afin de préserver un environnement de travail sain et productif ?
Mais qui sont ces « sales cons » qu’on ne saurait voir ?
Retards quotidiens, mauvaises blagues, critiques constantes, intimidations… Les « sales cons » se distinguent par des agissements qui sapent la collaboration et l’harmonie au sein d’une équipe. Il s’agit souvent de personnes qui font preuve de négativité, d’irrespect ou qui cherchent à créer des tensions entre collègues. « Ma nouvelle cheffe de groupe souhaitait (secrètement) recruter d’autres types de profils pour sa nouvelle équipe. Dès son arrivée, elle a copieusement augmenté ma charge de travail. Elle me dénigrait constamment et m’accablait de reproches sur le travail en retard. Il y avait toujours quelque chose qui n’allait pas », se souvient tristement Gabrielle, cheffe de produit senior pour une marque de prêt-à-porter.
Et les données sont claires : les personnalités toxiques au travail représentent un coût élevé pour les entreprises. Une étude menée par Harvard Business Review révèle ainsi que la présence de « sales cons » peut réduire la productivité d’une équipe de 30 %. Or, 98 % des employés interrogés ont déclaré avoir, à un moment donné, été confrontés à un collègue difficile. Comprendre ces dynamiques est essentiel, car un environnement de travail où de tels comportements sont permis ou ignorés peut entraîner des niveaux de stress accrus, une baisse générale de la satisfaction au travail, sans oublier une augmentation significative du turn-over et de l’absentéisme. D’où l’importance d’adopter une démarche proactive pour gérer ces attitudes difficiles, non seulement pour le bien-être des employés, mais aussi pour la performance globale de l’entreprise. Justement, les organisations qui s’engagent à renforcer une culture positive enregistrent une réduction de 41 % de l’absentéisme lié au stress, selon un rapport de Gallup de 2017.
Si l’enjeu est crucial, encore faut-il parvenir à déceler ces agissements. Car le phénomène reste plus subtil qu’il n’y paraît. Il s’agit le plus souvent de comportements d’apparence anodine, qui asphyxient silencieusement des services entiers. Mais dans les cas plus graves, le collaborateur toxique opère en se focalisant sur une seule proie. Et si la victime traverse une période de fragilité, c’est encore mieux. Gabrielle en a fait les frais avec son ancienne manager : « Je restais jusqu’à 20 h chaque soir pour revoir ou recommencer mon travail. Le vigile finissait par me mettre gentiment dehors. J’ai fini par ne plus dormir. Puis, je suis tombée en dépression et j’ai été hospitalisée. J’ai démissionné et la nouvelle cheffe de groupe a installé son équipe sans encombre. J’ai appris plus tard qu’elle était déjà connue ailleurs pour des faits similaires… ».
6 bonnes pratiques pour venir à bout des « sales cons »
Conseil n°1 : menez l’enquête dès le recrutement
Ne pas avoir à gérer un « sale con » commence par ne pas le recruter au sein de son entreprise. Et en la matière, il ne s’agit pas d’intégrer le FBI, mais presque ! Charlotte Stapf, ancienne chasseuse de tête à Paris et psychothérapeute à Sydney, insiste sur la nécessité d’analyser en profondeur le comportement du candidat, en recoupant ses dires avec des éléments objectifs. « Il faut appeler le réseau du candidat, se renseigner sur son caractère et son comportement dans différentes situations. Ne vous cantonnez pas aux références données. Soyez à l’écoute des signaux faibles, de votre intuition, des bruits de couloir. Élargissez votre recherche si vous avez des doutes. Attention au syndrome “Kiss up, Kick down” (flatteur avec les supérieurs, odieux avec les équipes, ndlr) : il faut toujours contacter des personnes d’un niveau hiérarchique inférieur pour bien vérifier », conseille-t-elle.
Conseil n°2 : mettez en place des limites claires
Pour pouvoir qualifier un comportement de problématique, encore faut-il avoir pris le soin de le définir en amont. En établissant des attentes précises en matière de comportement, par le biais de chartes d’équipe ou de codes de conduite notamment, les managers formalisent des règles communes que l’équipe doit intégrer et appliquer. Par exemple, si un collaborateur a tendance à monopoliser la parole lors des discussions, établissez une règle permettant à chacun de s’exprimer à tour de rôle. Vous mettez ainsi en place un cadre clair et transparent où chacun sait ce qui est attendu, réduisant les malentendus et les comportements inappropriés. Au-delà du carnet de route de votre équipe, un autre rempart passe par l’affirmation d’une culture d’entreprise positive. En organisant des ateliers réguliers sur vos valeurs, vous encouragez vos employés à partager leurs expériences et à s’engager activement dans un environnement inclusif et respectueux.
Conseil n°3 : apprenez à faire face au comportement toxique
Face à un « sale con », la communication est un outil puissant. Pour que ses agissements ne puissent pas perdurer, il est crucial d’aborder le souci de front. « Ma boss est directrice CRM. C’est une personne irascible, au ton cassant, quasi-dictatoriale, qui se laisse déborder par ses émotions. Dans le groupe, une culture dite “de la bienveillance” prévaut… au point d’éviter tout conflit. Elle a été promue de New York à Londres en passant par Paris… C’est un phénomène récurrent ici, qui crée de profondes tensions et des sentiments d’injustice légitimes », regrette Sarah, membre de l’équipe marketing d’un grand groupe de luxe. Faire l’autruche n’est clairement pas une tactique adéquate, il faut aborder le problème directement, mais avec tact. Préparez-vous à la conversation en identifiant les comportements spécifiques qui posent problème et en restant centré sur les faits. Par exemple, utilisez des phrases comme « J’ai remarqué que lors des réunions, tu tends à interrompre tes collègues, ce qui peut diminuer la qualité de nos discussions. Comment pouvons-nous améliorer cela ? ». Une approche qui aide à désamorcer les tensions et montre que l’organisation est engagée à résoudre les problèmes de manière constructive.
Conseil n°4 : coachez vos collaborateurs
Investir dans le développement personnel et la formation des employés est une stratégie gagnante pour atténuer les comportements problématiques. Car on ne naît pas sale con, on le devient généralement dans un contexte particulier, comme face à une charge de travail inadaptée ou une période de vie difficile. Philosophe et auteur de Que faire des cons ? (Éditions Flammarion, 2019), Maxime Rovère suggère que lorsque nous attribuons l’étiquette peu flatteuse de « con », nous en devenons un nous-même en cessant de faire preuve d’empathie. Quelques séances de coaching peuvent ainsi changer la perception de soi et des autres, et par conséquent améliorer le comportement du « sale con ». « J’ai reçu un salarié envoyé par une DRH. Imbuvable, il détenait toujours la vérité, sa vérité. En identifiant ses moteurs et ses comportements sous stress, il a peu à peu pris conscience de son comportement nocif. Ses points de vue sont devenus moins tranchés. Ses collègues lui ont même demandé s’il prenait des anxiolytiques… », se rappelle Cloé Leblanc, coach et formatrice.
Conseil n°5 : limitez la zone de nuisance des « sales cons »
Les équipes des ressources humaines sont souvent les mieux placées pour gérer les conflits interpersonnels. N’hésitez pas à les impliquer lorsque les tensions ne peuvent être résolues en interne, afin d’aider à clarifier les malentendus et faciliter la communication entre les parties impliquées. « J’ai connu un jeune manager sous pression qui appelait quatre fois à la suite, envoyait des emails et des WhatsApp nuit et jour à son assistant », se souvient Claire, DRH au siège d’un grand groupe d’assurances, qui est parvenue à trouver un terrain d’entente et à encourager l’assistant à poser ses limites. En ayant recours à des professionnels formés pour gérer ces situations, vous augmentez les chances de résoudre les conflits de manière constructive et durable. D’autant que, si « le sale con » demeure imperméable à toute remarque, plusieurs options RH permettent de limiter son pouvoir de nuisance : la réduction de son périmètre d’action (zones géographiques, nombre de projets ou de collaborateurs), la possibilité de recruter, ou encore la réduction des distances (changement de projets, télétravail…).
Conseil n°6 : documentez et sanctionnez les comportements abusifs
On ne change pas un individu toxique conscient de son pouvoir de nuisance et des dégâts qu’il cause. Malheureusement, la seule solution est d’avoir le courage managérial de s’en séparer, même s’il est compétent. Le Code du travail met à la charge de l’employeur l’obligation de protéger la santé physique et mentale de ses salariés. Le DRH doit, par conséquent, prendre les mesures nécessaires pour prévenir toute forme de harcèlement moral - de la sanction au licenciement pour faute grave. Mais avant cela, il est nécessaire de diligenter une enquête pour vérifier que les faits rapportés sont réels et bien imputables à la personne mise en cause. Cela passe notamment par l’évaluation du comportement incriminé. Pour lever le doute sans esclandre, réalisez un feedback 360° avec les managers d’équipe. Cela vous permettra de rester discret sans incriminer la personne directement, mais tout en vous fournissant un bon premier indice. Sans oublier d’aider la personne harcelée à rassembler des preuves écrites. À l’issue de l’enquête, si le harcèlement est documenté, des mesures pour faire cesser les agissements et sanctionner l’auteur des faits doivent être prises.
Gérer un « sale con » compte parmi les plus gros challenges des managers et des équipes RH. Mais avant de pointer qui que ce soit du doigt, il reste primordial de s’interroger en miroir : votre structure ne favorise-t-elle pas ces profils ? L’écoute, l’entraide et le droit à l’erreur sont-elles des valeurs incarnées au quotidien ? Car le « sale con » peut difficilement prospérer, s’il n’est toléré à aucun échelon de l’entreprise.
Article rédigé par Lucie Goutany et édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.
Inspirez-vous davantage sur : Expérience collaborateur
Affinez vos connaissances et vos méthodes en matière d'expérience collaborateur.
Managers : ces signes qu’un salarié est en difficulté (et nos conseils pour agir)
Un collaborateur sur deux est en détresse psychologique. Comment détecter les signaux d'alerte avant qu'il ne soit trop tard ?
19 déc. 2024
Comment le Pecha Kucha va-t-il révolutionner vos présentations ?
Votre mission : captiver vos interlocuteurs en 6 minutes 40, top chrono.
28 nov. 2024
« C’est une machine » : pourquoi ce faux compliment nuit à vos meilleurs talents
Bien qu'elle cherche à valoriser un salarié particulièrement performant, notre experte Laetitia Vitaud revient sur la face cachée de cette expression.
21 nov. 2024
Revue de la performance : comment assurer des évaluations justes et objectives ?
La période des entretiens annuels approche. Découvrez nos conseils et astuces pour garantir une évaluation exempte de biais à vos salariés.
14 nov. 2024
Marque employeur : comment la rendre unique à chaque étape du parcours collaborateur
Pensez le parcours collaborateur comme une expérience inoubliable !
10 oct. 2024
Inside the jungle : la newsletter des RH
Études, événements, analyses d’experts, solutions… Tous les 15 jours dans votre boîte mail.