10 conseils pour adapter ses rituels à une équipe multiculturelle
05 mars 2021
6min
Rédactrice indépendante.
Lorsqu’une entreprise s’internationalise, il est parfois compliqué d’intégrer des collaborateur·rices d’un autre pays ou d’une autre culture. Peur d’aborder le sujet culturel, management peu adapté, rituels franco-français… Malgré les velléités d’afficher une culture d’entreprise ouverte à la diversité culturelle, certains comportements, parfois inconscients, peuvent rapidement devenir vecteurs d’exclusion. Alors, comment transformer sa culture interne pour en faire un vivier d’intégration ? Comment améliorer l’animation d’une équipe multiculturelle ? Voici quelques conseils pour mettre en place des rituels et des pratiques en faveur de l’ouverture culturelle, tout en maintenant le sentiment d’appartenance.
1- Multiculturel versus interculturel : bien comprendre la nuance
Philippe Pierre, docteur en sociologie de Sciences-Po et expert en Management interculturel explique que « dans une approche multiculturelle, chacun est de son côté et l’on coexiste. Dans une approche interculturelle, on cesse d’attribuer à l’autre la source de ses problèmes ». Il fait référence à D. Schnapper, sociologue et politologue qui indique « qu’il y a deux façons fondamentales de considérer l’Autre : dans le premier cas, la réflexion se fonde sur le constat de la différence : l’Autre est autre, les sociétés humaines sont diverses. Cette différence est inévitablement interprétée en termes d’infériorité. L’attitude inverse n’est pas du même ordre. […] Par-delà la constatation des différences, un principe universaliste affirme l’unité du genre humain. Il pose que l’Autre est un autre soi-même ». Pour fonctionner durablement et être générateur d’interactions positives, la gestion de l’interculturel au sein d’une entreprise doit donc s’appuyer sur ce postulat.
2- Oser parler des différences culturelles
S’exprimer ouvertement sur le sujet de la diversité ou de la différence culturelle en milieu professionnel s’avère parfois un terrain glissant. Pourquoi ? Peur de commettre un impair, de paraître trop intrusif ou encore de s’aventurer dans la sphère personnelle d’un collaborateur·rice. Géraldine Gahagnon, DRH Southern Europe chez Manhattan Associates, entreprise internationale impliquée dans les sujets de diversité, souligne que cette omerta est à proscrire. « S’il n’y a pas de barrière à en parler, alors chaque collaborateur·rice peut vivre sa diversité. Cela pose un problème si nous en faisons un sujet tabou. Chez nous, ce n’est pas gênant d’aller voir une personne et de lui demander ce qui fait sa culture et sa différence », explique-t-elle. La culture d’entreprise doit donc véhiculer cette ouverture à l’autre et encourager la curiosité réciproque.
3- Intégrer la dimension multiculturelle dès le processus de recrutement et d’onboarding
Ces deux processus sont clés car ils reflètent très tôt la culture d’entreprise. Il faut donc les repenser en y intégrant le volet multiculturel dès les premiers échanges. « Ce qui compte, c’est l’ouverture d’esprit au démarrage : concernant les candidatures, il ne faut pas se fermer des portes », insiste Géraldine Gahagnon. Concrètement, cela veut dire lever les freins administratifs grâce à un accompagnement des équipes RH dans la réalisation des démarches de visa ou de titre de séjour. Quant aux entretiens, certaines soft-skills prévalent : « Au niveau de la présélection du candidat, nous mettons beaucoup l’accent sur l’ouverture d’esprit, les expériences à l’étranger ». Quant à l’intégration, le fait de le réaliser en mode « promo internationale » permet de regrouper les différentes cultures autour d’un événement fédérateur. Bien sûr, la langue anglaise est de rigueur !
4- Célébrer la diversité et les cultures au sein de l’entreprise
Oser parler culture, cela veut aussi dire mettre en avant les différences culturelles des salarié·es. « Nos collaborateur·rices proposent les événements relatifs à leur culture qu’ils veulent célébrer au sein de l’entreprise. L’idée est de faire en sorte que les personnes se rassemblent autour de cette célébration et réalisent une activité ensemble », explique Géraldine Gahagnon. Les collaborateur·rices sont à l’initiative de ces rendez-vous internes et collectifs. L’objectif étant de rassembler autour d’une fête culturelle et de créer ensemble afin de découvrir les contours d’une culture ou d’un pays. Une manière immersive de reconnaître les différences et d’en imprégner tous les membres d’une équipe. À noter que le distanciel n’est pas un frein car ces RDV peuvent être imaginés en virtuel.
5- Mettre en place un management représentatif de l’interculturel
Pas de gestion de la dimension multiculturelle sans un management représentatif et aguerri sur ces sujets. Les managers doivent représenter cette diversité en étant eux-mêmes issus de diverses nationalités. Il s’agit également de bâtir une culture managériale capable de gérer la complexité d’une équipe multiple. Ainsi, Philippe Pierre invite les managers à mener quelques pratiques telles que la dynamique de l’étonnement volontaire. « On passe son temps à questionner les autres, un peu moins à se questionner. Dans un contexte multiculturel, se laisser questionner est très important. J’ai l’habitude de dire qu’un manager efficace est quelqu’un qui crée volontairement un espace de parole pour s’entendre dire quelque chose que l’on n’a pas envie d’entendre ! ». De même, il propose de réaliser une note d’étonnement en mots et en images : quelles sont les cinq images qui illustrent votre étonnement depuis que vous avez rejoint nos équipes ? Si vous aviez une baguette magique, quelles sont les trois choses que vous feriez évoluer rapidement ? Cette note d’étonnement est à réaliser deux fois : « trois semaines après l’arrivée au sein de l’équipe et deux à trois mois plus tard pour marquer des différences et répondre à ce qui doit être amélioré ».
6- Animer des cercles culturels pour débattre des enjeux sociétaux
La création de cercles culturels permet d’aborder, sous la forme d’un débat, des thématiques liées à la diversité et à l’inclusion. À travers le monde, les collaborateur·rices se retrouvent autour d’un thème et échangent afin de comprendre les différents enjeux auxquels ils/elles font face dans leur pays ou culture. Au sein de Manhattan Associates, « des collaborateur·rices volontaires lancent un sujet et animent un groupe de 10 à 30 personnes. L’idée est de couvrir une thématique de manière globale. C’est pourquoi, avant tout échange, des vidéos inspirationnelles types Ted ou de courtes formations en elearning sont proposées aux membres du cercle », raconte Géraldine Gahagnon. Les bénéfices de ces initiatives ? D’abord, nourrir la réflexion des salarié·es autour des enjeux sociétaux liés à la diversité. Puis, grâce au pré-requis académique, cela permet de structurer les échanges autour de notions clairement explicitées.
7- Encourager les prises de parole des collaborateur·rices
La dimension multiculturelle ne se décrète pas en entreprise, elle se vit au travers des multiples expériences collaborateurs. C’est pourquoi, selon Géraldine Gahagnon, « il faut écouter les gens, c’est le meilleur driver de la diversité. Faites-les participer à votre développement interne ». En termes de communication, chaque semaine, un podcast est diffusé durant lequel un salarié·e du groupe partage quelques aspects de sa vie professionnelle sous le prisme culturel. Il/elle y explique, notamment, ses motivations pour son job ainsi que ses passions personnelles. « Un autre vrai point de diversité est la manière dont les salarié·es parlent l’anglais différemment. Pouvoir comprendre l’anglais de tous, c’est être tourné vers l’autre. Peu importe le niveau hiérarchique ou le poste, chacun se retrouve dans une posture d’humilité ». Pour communiquer sur les différentes expériences salariés, chaque entreprise devra trouver le canal le plus adapté à sa culture : email, vidéo, réseau social d’entreprise etc.
8-Donner de l’élan grâce à un board investi sur le sujet culturel
Pour lancer et donner du sens à ces événements, la direction doit être sponsor. Dans l’idéal, le/la CEO doit oser parler des sujets culturels, lancer des événements autour de la diversité, faire partie des cercles de discussion, etc. Certains boards vont même jusqu’à prendre la parole lors d’événements internationaux afin d’affirmer leur soutien à des mouvements en faveur de l’inclusion. « Lors des événements aux Etats-unis liés au décès de George Floyd, le CEO s’est exprimé sur le sujet via une vidéo », explique Géraldine Gahagnon. Cette intervention quasi politique a lancé une dynamique mondiale auprès des salarié·es : des tables rondes sur la diversité ont été menées afin d’en tirer des enseignements et initier de nouveaux axes de développement sur l’inclusion.
9- Miser sur la mobilité internationale pour expérimenter la différence culturelle
Même si la mobilité internationale est largement ralentie depuis la pandémie, construire des programmes internes en faveur des mouvements intra-filiales reste un levier clé pour faciliter le travail en équipe multiculturelle. L’entreprise doit donc encourager ces passerelles afin d’immerger les collaborateur·rices au cœur de la différence culturelle. « Nous créons des postes allant de 18 mois à deux ans qui sont proposés à des employé·es d’autres entités. De même, il est important d’être à l’écoute des volontés des collaborateur·rices et de les accompagner s’ils/elles souhaitent bouger dans un autre pays », affirme Géraldine Gahagnon.
10- Rassembler les différentes cultures autour d’un « purpose » partagé
Si les différences culturelles doivent être exprimées et célébrées, il est fondamental de fédérer les salarié·es autour d’une mission, d’un « purpose » commun. L’expérience culturelle de chacun doit facilement trouver écho avec la raison d’être de l’entreprise. Pour cela, il faut bâtir cette mission avec les collaborateur·rices afin de créer du liant au cœur de cette mosaïque culturelle. « De nombreux ateliers autour du purpose personnel existent afin de le relier à celui de l’entreprise. Nous avons également des « purpose ambassadors » qui permettent de poursuivre ces réflexions à travers les différentes entités », raconte Géraldine Gahagnon. C’est un cercle vertueux, car en procédant ainsi, la raison d’être individuelle, imprégnée par la culture personnelle, permet ensuite d’alimenter le sens commun.
Photo by Thomas Decamps pour WTTJ
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