« En devenant manager, j’ai eu (subitement) plein d’amis »
03 sept. 2024
4min
Quand on accède au management, c’est souvent le début de la solitude. Sauf que, l’entreprise étant un espace politique, la prise de responsabilités peut s’accompagner de la survenue de nouvelles amitiés. Pour de vrai ou pour de faux ? Témoignages.
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Le jour où je me suis fait plein d’amis
« Quand j’ai intégré ma précédente entreprise, je n’étais qu’un “simple développeur”. Puis je suis monté en grade jusqu’au poste de Directeur R&D. Du jour au lendemain, je suis devenu “intéressant” pour certains, ou du moins, on a découvert mon existence. Il s’agissait plutôt de personnes qui faisaient partie d’autres équipes (sales, marketing). D’abord, elles m’ont félicité, puis certaines sont venues à la piscine avec moi, ou m’ont proposé de déjeuner ensemble régulièrement. Mais là où cela a été encore plus flagrant, c’est lorsque j’ai intégré le board. À cette époque, j’avais des informations confidentielles sur ce qui se passait dans l’entreprise, et des collègues se sont rapprochés de moi comme certains sales qui eux n’étaient pas dans le codir. »
Un bon ou mauvais moment à passer ?
« Honnêtement, je n’ai pas trouvé cela désagréable. J’ai entretenu de bonnes relations avec plusieurs collègues. Ma prise de responsabilités a certes déclenché leur intérêt, mais je n’ai pas trouvé cela malsain. Je n’ai donc pas rejeté ces “nouveaux amis”, pas plus que je ne me suis montré méfiant. Bien sûr, il peut parfois y avoir des déconvenues avec des personnes qui vont poser des questions étranges dont on comprend qu’elles sont intéressées. Dans ces moments-là, mon radar était bien activé et je n’hésitais pas à renvoyer la question à mon interlocuteur pour qu’il précise ses intentions. »
Comment déceler le vrai du faux ?
« Lorsque l’on accède à des postes importants dans la direction d’une entreprise, on n’est plus juste manager de son périmètre, mais un membre exécutif. Cela signifie qu’il faut aussi s’ouvrir à d’autres collaborateurs en dehors de son scope afin d’engager des discussions professionnelles ou extra-professionnelles. C’est le jeu ! Au final, j’ai conservé de vraies amitiés après mon départ, notamment dans l’équipe sales. Nous avions des enfants du même âge et des accointances qui nous ont permis d’aller au-delà d’une simple relation de collègues. Donc je conseillerais simplement de laisser la porte ouverte tout en restant lucide ! »
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Le jour où je me suis fait plein d’amis
« Je suis devenue VP Marketing d’une boîte qui est passée de 150 à 15 000 collaborateurs lors d’une fusion-acquisition. Je ne donnais pas tout de suite mon titre exact quand je rencontrais des gens, et je voyais leur comportement changer parfois du tout au tout en découvrant ma véritable position. Il y avait ceux qui semblaient juste trouver cela cool de me parler, ceux qui voulaient être amis avec moi parce que je pouvais leur servir à avancer dans leur carrière, et à l’opposé, ceux qui m’évitaient (un comportement très français quand mes collègues américains n’hésitaient pas à se prendre en photo avec le big boss !). Je suis également entrée en contact avec mes homologues des autres services qui partagaient avec moi des intérêts communs. »
Un bon ou mauvais moment à passer ?
« L’une des premières choses que l’on apprend quand on accède au management, c’est qu’on ne peut pas faire ami-ami avec une personne placée plus haut ou plus bas que soi dans l’organigramme. Ou alors, cette personne doit être en dehors du service afin qu’il n’y ait pas de relation d’interdépendance. Cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas bien s’entendre, mais il faut savoir que cette relation sera minée par les jeux de pouvoir. Quelque part, il a fallu que je fasse un deuil pour accepter cela. Je me suis donc fait une “bande de potes” avec l’équipe de R&D car je n’étais pas leur cheffe de service. »
Comment déceler le vrai du faux ?
« C’est en quittant l’entreprise qu’on sait véritablement s’il s’agissait d’une amitié. Autrement, je crois qu’il faut aussi jouer soi-même de ces relations. Personnellement, je n’ai pas hésité à inviter mes homologues lors de cafés dont le titre était on ne peut plus clair : “Ragots”. Je faisais attention à partager le bon niveau d’informations, ce qui ne m’empêchait pas d’être authentique ou de confier à certaines personnes que je les appréciais vraiment. D’ailleurs, cette sincérité a plu car on venait souvent me voir pour obtenir un feedback spontané. Pour conclure, je dirais que l’essentiel est de pouvoir dissocier la relation “amicale” de la relation de travail, et être crédible en passant d’une posture à l’autre. Par exemple, en soirée, je disais clairement aux gens qu’avant 20 h, ils pouvaient venir me voir pour parler de boulot, obtenir des conseils, mais qu’ensuite, j’allais profiter de la soirée comme tout le monde, et qu’il fallait me laisser tranquille ! »
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Le jour où je me suis fait plein d’amis
« Avant de devenir coach, j’étais DRH, une position qui a naturellement amené plusieurs personnes à se rapprocher de moi, parce que j’avais des informations intéressantes. J’ai ensuite été la première femme à intégrer le codir. Dans celui-ci, il y avait notamment deux hommes à la finance, avec un charisme fou et beaucoup d’autorité. Ils étaient sympathiques avec moi et je prenais tout ce qu’ils me disaient pour argent comptant. J’avais entièrement confiance en eux. Je me suis laissée “bananer” car eux étaient dans des jeux politiques et servaient leurs intérêts individuels, alors que moi, je mettais beaucoup d’affect. »
Un bon ou mauvais moment à passer ?
« Lorsque je suis entrée au codir, j’ai été flattée de faire partie de la cour des grands. Mais immédiatement, une autre question est survenue : quelle est ma place ici ? Si c’était à refaire, je me protégerais davantage car j’ai trop donné ma confiance pour ensuite finir déçue. Quant aux collaborateurs qui cherchaient à se rapprocher de moi, les moments les plus compliqués à gérer survenaient lors des temps informels. Ce n’était pas facile de jongler entre partager un bon moment, rester moi-même et conserver mon intégrité, tout en prenant garde à ne pas divulguer d’informations sensibles. »
Comment déceler le vrai du faux ?
« Quand on est RH, ce n’est pas évident de savoir si les gens nous invitent parce qu’ils nous aiment bien, ou parce qu’il est de bon ton de partager un moment avec nous. Je pense malgré tout que l’on peut nouer de vraies amitiés au travail, mais pour ma part, mon seul véritable socle affectif, c’était mon équipe. Je n’ai pas ressenti de leur part un désir de me soutirer des informations. Avec mes homologues, j’ai compris qu’il fallait créer une relation de confiance (essentielle pour avancer), sans pour autant tout livrer. J’avais un devoir de réserve. J’ai appris à rester sur mes gardes en ne perdant jamais de vue mes objectifs. Bien sûr, il y a des entreprises qui favorisent plus ou moins ces jeux de pouvoir, et on ne peut pas savoir par avance le niveau de sincérité des gens. Au final, on se heurte à la nature humaine ! »
Article écrit par Paulina Jonquères d’Oriola, édité par Ariane Picoche, photo : Thomas Decamps pour WTTJ
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