Pour ou contre la levée de fonds comme modèle de réussite ?
31 mai 2021
4min
Rédactrice indépendante.
Peut-on percer dans l’univers de la tech sans lever de fonds ? Pour en débattre, nous avons convoqué l’expertise de deux dirigeants de choc : Sébastien Béquart et Guillaume Moubeche. Allez, faisons entrer les CEO sur le ring !
Peut-on percer dans l’univers de la tech sans lever de fonds ? Une question qui turlupine l’esprit de nombreux startuppers. Pour tenter d’y répondre, nous avons convoqué l’expertise de deux dirigeants de choc, Sébastien Béquart, cofondateur et CEO de Gymlib, et Guillaume Moubeche, CEO de Lemlist. Ce dernier a récemment fait le buzz après la publication d’une série de vidéos dans lesquelles il assure avoir refusé une levée de fonds de 30 millions d’euros. Allez, faisons entrer les CEO sur le ring !
A l’heure actuelle, le diktat de la réussite d’une startup est principalement fondé sur le montant et la récurrence de ses levées de fonds. Mais selon Guillaume Moubeche, de nombreuses success stories prouvent le contraire. A l’inverse, Sébastien Béquart met en évidence un bénéfice clé : percer rapidement alors que la concurrence internationale s’accentue dans la tech depuis quelques années. Déroulons les plaidoyers.
Pour la levée de fonds : les bénéfices selon Sébastien Béquart, CEO Gymlib
Créer rapidement de la croissance face à la concurrence
« Le premier avantage, c’est d’obtenir rapidement les moyens d’investir, de recruter des talents et de développer une technologie. Car si on ne lève pas, cela signifie qu’il faut s’auto-financer, ce qui peut prendre plus de temps. Or, dans la tech aujourd’hui, la compétition est mondiale. Je l’ai expérimenté sur notre marché : nos plus grands concurrents n’étaient pas français ! C’est pourquoi nos levées successives (150 000, 1000 000, 3000 000 puis 10 000 000 d’euros en 2018), nous ont donné les leviers nécessaires pour investir vite et sortir du lot.
Se fixer un cap
Quand on prend le chemin de la levée de fonds, il est compliqué de changer de modèle car l’organisation et les équipes se structurent pour créer de la croissance continue. Ce sont des cycles successifs : une fois que l’argent levé est investi (recrutement, techno…), il faut rapidement s’organiser en interne pour se tenir prêt pour le prochain round. Tout en démontrant que l’on a bien créé de la croissance ! Cette dynamique permet de bâtir des équipes engagées autour de ces jalons avec un fort niveau d’exigence.
Attirer les regards et les talents
Chaque levée de fonds est un véritable levier d’attractivité dans la vie d’une startup ! C’est l’un des meilleurs moyens d’obtenir des retombées presse. En effet, la presse économique s’y intéresse de près. Pourquoi ? Elles traduisent une ambition de la part des créateurs. C’est aussi le marqueur d’une innovation et d’une croissance rapide avec une dynamique interne. Indéniablement, elle attire l’attention et les talents ! L’effet collatéral sur le recrutement est donc évident : les candidats sont à la fois curieux et enclins à rejoindre des startups innovantes en forte croissance.
Faciliter l’emprunt bancaire
Il est très compliqué d’obtenir un prêt bancaire au début d’une aventure entrepreneuriale. A ce titre, la levée de fonds permet de réaliser un effet de levier. Concrètement, une fois qu’une entreprise a levé, elle peut prétendre plus facilement à un crédit auprès des banques. Pourquoi ? Car celles-ci évaluent les capitaux propres : plus on a de cash, plus on est solvable… plus on peut emprunter !
Se sentir soutenu dans les méandres de la vie d’entrepreneur
La levée de fonds permet d’être soutenu dans les différents cycles de vie de la startup. Surtout lorsque l’on est en solo. Avec un board, il est plus simple d’avoir du feedback et un regard sur l’activité pour progresser. Ce board est constitué d’un pool de personnes qui disposent d’une formidable expérience en recrutement, business développement, communication… Mais il faut être disposé à communiquer de manière transparente. Lors de moments de creux ou de crise, comme nous en avons traversés, un board est aussi là pour évaluer la capacité des créateurs à rebondir et détecter des opportunités. S’ils perçoivent chez les fondateurs cette résilience et adaptabilité, ils sauront être un soutien. »
Contre la levée de fonds : le plaidoyer de Guillaume Moubeche, CEO de lemlist
Mieux apprivoiser les besoins du client·e
« Éviter de dépenser de l’énergie dans la recherche de fonds, c’est produire davantage de valeur et augmenter la rentabilité de l’entreprise de manière organique. Selon notre expérience, les efforts se concentrent davantage sur le produit et son évolution en accord avec les besoins réels des client·e·s et utilisateurs. Ce sont eux nos investisseurs ! De notre côté, pour mieux les connaître, nous avons créé des espaces de partage à l’instar de notre communauté Facebook « lemlist family » qui rassemble 15 000 membres autour de la prospection commerciale. Pour se faire connaître, la levée de fonds n’est donc pas le seul canal. Le personal branding, une méthode répandue et très efficace au sein de l’écosystème startups, permet d’augmenter rapidement la notoriété de la marque auprès des prospects et maintenir la motivation des équipes.
Remettre l’humain au coeur du système
Halte à la pression médiatique ! La notion de réussite d’une startup ne doit pas être cantonnée à la taille des levées de fonds. Au contraire : il est important d’exposer publiquement ses succès pour montrer qu’il est possible de percer autrement. Cela en inspirera d’autres. En effet, le modèle d’entreprise que nous défendons n’est pas uniquement centré sur le profit, mais sur l’accompagnement des client·e·s. Par ailleurs, sans levée de fonds, il est plus simple de maintenir une équipe à taille humaine car l’entreprise n’est pas soumise à la poursuite d’un recrutement massif. Cette croissance maîtrisée des équipes évite également la dilution des valeurs et de la culture.
Impulser la motivation et l’engagement au sein des équipes
Une startup qui réfute le cycle des levées de fonds peut plus facilement maintenir la motivation des équipes. Nous avons la possibilité de choisir les projets sur lesquels nous souhaitons vraiment travailler. Cette approche est d’ailleurs « cascadée » au niveau de chaque employé·e au sein de lemlist. Chacun·e est owner de ses missions afin d’infuser et faire grandir « l’entrepreneurial spirit ». En contrepartie, la reconnaissance du travail accompli se matérialise par un système de bonus : l’ensemble de nos 35 salarié·e·s en bénéficient selon les chiffres atteints de l’année, et ce, quel que soit le poste.
Maintenir l’indépendance de l’entreprise
Pour se démarquer, il ne faut pas avoir peur de casser les codes existants ! Ainsi, vous affirmez la trajectoire de votre startup et votre indépendance. Par exemple, il est plus simple de travailler sur les “sides projects”, et de les tester en passant du temps avec les client·e·s afin de connaître leurs besoins et de recueillir leur feedback. Au final, vous faites le choix d’allouer du temps sur les missions créatrices de valeur. Mais surtout, il est plus simple de garder l’esprit entrepreneurial car nous sommes libres de travailler sur des projets qui nous animent vraiment. »
Photo par Axelle Ducasse
Article édité par Paulina Jonquères d’Oriola
Suivez Welcome to the Jungle sur Facebook, LinkedIn et Instagram ou abonnez-vous à notre newsletter pour recevoir, chaque jour, nos derniers articles !
Inspirez-vous davantage sur : Culture d'entreprise
Consultez nos articles sur les enjeux liés à la culture d'entreprise.
Amazon, Ubisoft... la fin du télétravail a-t-elle (vraiment) sonné ?
Depuis l'annonce par Amazon d'un retour total au bureau de ses salariés, l'avenir du télétravail semble plus que jamais faire débat dans l'Hexagone.
22 oct. 2024
Déconsommation : « Il faut adapter votre business à ce nouveau monde »
Un livre et 9 mois pour adapter votre business aux crises à venir d'un monde bouleversé.
06 sept. 2024
« En devenant manager, j’ai eu (subitement) plein d’amis »
Quand l'ascension hiérarchique crée des amitiés inattendues… sincères ou opportunistes ?
03 sept. 2024
Bravo et merci : comment développer une culture de la reconnaissance dans sa boîte ?
Un sujet ô combien prioritaire sachant que 44 % des salariés auraient déjà démissionné à cause d’un tel manque de reconnaissance au travail.
03 sept. 2024
Management : quand la transparence radicale vire à la tyrannie
Quand trop de transparence tue la transparence...
02 juil. 2024
Inside the jungle : la newsletter des RH
Études, événements, analyses d’experts, solutions… Tous les 15 jours dans votre boîte mail.